Devoir de Philosophie

L'Iliade et la critique - la question homérique

Publié le 16/03/2011

Extrait du document

iliade

   La tradition sur Homère. — Depuis Aristote, qui fut le fondateur en Grèce de la critique et de l'histoire littéraires, jusqu'à l'auteur du traité du Sublime et à Porphyre, en passant par les Alexandrins et par Horace, toute l'antiquité a cru à l'existence d'Homère, auteur de l'Iliade et de l'Odyssée ; les différences entre les deux poèmes ont été généralement interprétées comme tenant à une différence de date ; l'Odyssée était considérée comme postérieure à l'Iliade et composée par Homère pendant Sa vieillesse.    La tradition sur Homère, aussi haut que nous puissions remonter, était d'ailleurs très incertaine. Elle nous est arrivée dans huit biographies, dont la plus digne d'intérêt est celle qui porte, mais à tort, le nom d'Hérodote. Selon le pseudo Hérodote, Homère naît à Smyrne, d'une mère issue d'ancêtres ioniens et éoliens et nommée Créthéis. Son père reste ignoré ; l'enfant porte le nom de Mélésigène, qui semble indiquer qu'on le croit fils du fleuve Mélès. Il est élevé par le maître d'école Phémios, auquel il succède d'abord. Mais il se fait vite remarquer ; il parcourt le monde, devient aveugle, rentre à Smyrne, mène de nouveau une vie assez aventureuse, s'établit comme maître d'école à Chios, compose de nombreux poèmes, dont l'Iliade et l'Odyssée, et meurt par hasard dans l'île d'Ios. Le biographe le fait naître en 1.102 avant Jésus-Christ.

iliade

« Villoison, du fameux manuscrit (Codex Venetus A), qui nous a fait connaître les meilleures scholies du poème.

Dansces dernières années, un critique suisse d'abord, Finsler, avec mesure, un brillant et savant écrivain françaisensuite, M.

Victor Bérard, en termes plus vifs, ont revendiqué les titres d'un de nos compatriotes, l'abbé FrançoisHédelin d'Aubignac, le célèbre auteur de la Pratique du Théâtre, qui fut aussi celui des Conjectures académiques.Dans cet ouvrage, qui parut anonyme en 1664, d'Aubignac émit le premier nettement l'idée que les poèmeshomériques n'étaient si injustement jugés par certains modernes que parce qu'ils en comprenaient mal la nature.Bien loin d'admirer cette unité et cet art de la composition qu'on avait si longtemps reconnus dans l'Iliade, ilconsidéra celle-ci comme une réunion de cantiques, composés séparément, et, cherchant à éclaircir les traditionsanciennes par les réalités modernes, ce qui n'avait en soi rien que de louable, il mit en parallèle les aèdes, auteursde ces cantiques, avec les aveugles du Pont-Neuf, ce qui était assurément moins heureux. D'Aubignac avait un esprit original jusqu'à la bizarrerie ; on ne peut lui refuser le mérite de l'initiative.

Mais on doitreconnaître que son érudition était courte, et qu'au lieu de chercher une méthode, il suivait capricieusement safantaisie.

Wolf l'a connu ; il a eu le tort de ne pas assez exprimer ce qu'il devait à ce devancier, ainsi qu'à quelquesautres.

Mais il aborda le problème dans de tout autres conditions.

Il avait une science étendue et précise ; grâce àla découverte de Villoison, il disposait sur la tradition antique de données plus riches que ses prédécesseurs.

Subtilparfois à l'excès du reste, et prudent par crainte du scandale, il a eu le tort aussi d'envelopper sa pensée de trop denuages, et ses fameux Prolégomènes risquent de décevoir le lecteur moderne.

Au total, c'est bien vraiment par luique la question homérique a été posée de telle manière qu'il n'était plus possible de la négliger. Wolf n'a pas procédé à l'analyse interne de l'Iliade.

Les raisons sur lesquelles il s'est appuyé pour nier qu'elle pût êtrel'œuvre d'un poète savant et unique, Homère, sont des raisons externes, dont la plupart avaient beaucoup de forceà l'époque où il les a produites, mais ont été grandement affaiblies, sinon ruinées, par les découvertes postérieures.Wolf ignorait tout ce que l'archéologie nous a révélé ; il pouvait pas prévoir que les fouilles de Schliemann feraientreparaître à Mycènes et en Asie Mineure, dans la région même de Troie, une civilisation très brillante et trèsancienne; que celles d'Evans et de ses émules en Crète nous en feraient connaître une autre, peut-être plusbrillante encore et sûrement antérieure.

Wolf se représentait plutôt la Grèce archaïque comme se l'est imaginéeThucydide : pauvre et faible.

Il insistait surtout sur l'ignorance absolue de l'écriture qu'il lui attribuait, et proclamaitl'impossibilité de rédiger de longs poèmes sans ce secours.

Il pensait d'ailleurs que les conditions de la vie sociale, autemps des aèdes, ne permettaient pas de croire qu'ils en eussent conçu même la pensée, et il croyait pouvoirconstater par l'expérience que les Grecs n'avaient appris que très tard l'art delà composition [quant sera Grœcididicerint ponere totum).

Il reste assez peu de chose aujourd'hui de cette argumentation. L'étude intrinsèque du poème a commencé avec Lachmann, qui a appliqué à l'Iliade les mêmes procédés d'analysequi lui ont servi pour l'épopée germanique des Niebelungen.

Wolf n'avait guère abouti qu'à des négations.

Lachmannconstruisit une théorie positive.

Il décomposa l'Iliade en une série de chants isolés, qu'il regarda comme ayant étéplus tard artificiellement réunis.

L'impossibilité de la considérer comme un poème savant, composé par un Homèrecomme Virgile a composé l'Enéide, lui semblait résulter non seulement.

des considérations générales émises par Wolf,mais des contradictions que l'on y peut constater, presque à chaque pas. L'étude de Lachmann avec la solution radicale à laquelle elle conduisait, marque une seconde date décisive.

Saméthode — le relevé des contradictions — est restée celle que tous ses successeurs ont mise en œuvre.

Sasolution — le foisonnement de chants isolés réunis postérieurement — est entrée en concurrence avec une autre,qui, sous des formes très diverses, donnait plus de satisfaction à ceux qui ne méconnaissaient pas au même pointque lui ce qu'il y a d'unité réelle dans l'Iliade ; cette seconde solution, c'est l'hypothèse d'un poème primitifbeaucoup plus court, qui aurait été par la suite agrandi ; c'est, le plus ordinairement, l'idée d'une Colère d'Achille,qui, par des développements postérieurs, serait devenue une Iliade. Une troisième conception, assez en faveur aujourd'hui et qu'on peut faire remonter jusqu'à Heyne, consiste àsupposer un ensemble de poèmes, moins courts que les chants de Lachmann, et qui auraient été non passimplement réunis par un compilateur ou un éditeur, mais unifiés par l'intervention d'un poète de génie, qui auraitimaginé à cet effet le thème de la Colère d'Achille. Nous ne poursuivrons pas en détail l'historique des divers systèmes, qui, nous l'avons dit, ont pullulé.

Mieux vautnous demander jusqu'à quel point la méthode qui consiste à noter des contradictions pour conclure à une pluralitéd'auteurs est légitime, et de quelle sorte sont les diverses contradictions ou disparates que l'on a pu signaler dansl'Iliade, Il y a d'abord les contradictions qui portent sur des faits particuliers, sur le développement de l'action dramatique,sur le rôle et le caractère des principaux personnages.

Il est clair qu'elles peuvent être d'importance très inégale.

Onest peut-être en droit de n'attacher aucune signification à telle de celles que l'on a le plus anciennement indiquéeset qui ont fait le plus de scandale : un héros qui meurt dans tel chant ressuscite dans un chant postérieur.

Unpoète est excusable de commettre, au cours d'un long ouvrage, de pareilles inadvertances, et l'on en a cité desexemples modernes chez le Tasse ou ailleurs.

Il est plus étrange que l'on puisse constater un désaccord entre leslistes qui sont données dans un morceau comme le Catalogue des vaisseaux, et l'ensemble du poème.

Est-il naturelque certains héros qui y sont au premier rang soient à un rang très modeste et même ne figurent pas dans la suite,ou inversement ? Nous avons vu qu'après la seconde bataille, Agamemnon découragé envoie à Achille uneambassade pour l'apaiser et le ramener.

Est-il vraisemblable que dans la Patroclie cette ambassade semble ignorée,et qu'Achille parle comme s'il n'avait jamais reçu ni repoussé aucune offre de satisfaction ? Ce sont là manifestement. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles