Lire Malraux aujourd'hui

Pour avoir tour à tour implanté dans la culture française le sublime feuilleton métaphysique inventé par Dostoïevski dans les Possédés

- autre histoire de révolution brisée -, puis donné à une grande aventure collective la résonance poétique et morale que Tolstoï sut conférer au récit des batailles perdues par les siens, Malraux s’imposait, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, comme le romancier le plus puissant de son époque. Nul ne peut expliquer pourquoi se dessécha ensuite sa verve romanesque, au bénéfice de l’interrogation sur l’art qui ne cessa, jusqu’à sa mort, de doubler sa participation à la vie publique, d’abord comme militant, ensuite comme ministre. Alors que les combats livrés en Espagne, loin de le détourner de la création littéraire, lui avaient inspiré l’Espoir, les batailles à la tête de la brigade Alsace-Lorraine, en 1944-1945, ne servirent de matière qu’à un chapitre des Antimémoires.

Le succès des manifestations qui ont accompagné le transfert des cendres d'André Malraux au Panthéon, le 23 novembre 1996, a donné la mesure du prestige exceptionnel dont jouit, dans l'opinion publique, celui qui fut le premier ministre de la Culture de la ve République. C'est pour une part le compagnon du général de Gaulle qui fut ainsi honoré.

Mais c'est aussi l'auteur de la Condition humaine et de l’Espoir,premier écrivain entré au Panthéon depuis Emile Zola, au début du siècle. Ce qui nous impose de nous interroger sur son œuvre, et les raisons de sa permanence.