LITTÉRATURE RUSSE DU XVIIIe siècle

« LOMONOSSOV, ECRIVAIN ET SAVANT Le grand génie du siècle est sans conteste Mikhail LOMONOSSOV (1711-1765).

On connaît l'extraordinaire carrière de ce fils de pêcheur aisé, parti à pied pour étudier à Moscou, bour­ sier turbulent en Allemagne, professeur d'une inlassable activité à l'académi e de Moscou, grand savant et grand administrateur .

Mathématiques, chimie, physique , exploitation mini ère, gram­ maire , rhétorique, poésie, il n'es t presque aucu­ ne sphère de l'activité humaine où il n'excelle .

En littérature , l'écrivain se double d'un législa­ teur.

C'est lui qui instaure un ordre dans l'anarchie où s'enlisait la langue russe contem­ poraine.

Prisonnière des traditions, la langue littéraire, partagée entre le slavon et le russe vulgaire, restait disparate et gauche.

Une Gram­ maire une Rhétorique et un traité sur l'usage des livr es religi eux dans la langue russ e don­ nent une première codification de l'apport du slavon en russe littéraire.

La « théorie des trois styles » de Lomonossov, d'inspiration classique, établit une distinction d'ordre à la foi s lexico­ graphique et styli stique ent re trois registres : « n oble », « moyen », et « vulgaire » , chaque registre était défini par une proportion décrois­ sante d'éléments slavons.

C'est une étape consi­ dérable dans la formation du russe littéraire moderne.

Ce savant et ce théoricien es t aussi un vrai poète.

Son Od e sur la pris e de Khotine (1739 ), premier poème à la prosodie moderne, révèle une inspiration patriotique au souffle puis­ sant.

Du clas sicisme LoMoNossov cultive tous les grands genres poétique s, l'ode et l'épitre didactique en particulier.

L'œuvre poétique, expression du sentiment national, atteint à une ampleur et une dignité qu'on a comparées à Pindare.

Mais c'est dans la poésie didactiq)le et philosophiqu e qu'elle atteint peut-être sa perfection; précision scientifique du style dans l'épitre de l'usage du verr e, splendeur de l'élo­ quence dans les Méditations sur la Majesté · divine où la foi du chrétien rejoint la con­ templation émerveillée du savant devant les lois de la nature.

citation Méditation du soir Sur la grandeur de Dieu, à l'occasion de la grande aurore boréale (1743) Le jour nous a dissimulé ses traits, Les champs de nuit profonde se recouvrent , Dans l'obscurité les · monts ont sombré.

Les rayons ont décliné loin de nous, Le gouffre s'est ouvert tout plein d'étoiles, Etoiles sans nombre et gouffre sans voiles.

Grain de sable à ceux de la mer semblable, Mince étincelle aux infinis glacés, Aux tourbillons puissants poudre impalpable , Plume perdue aux furieux brasiers, Ainsi plongée au sein de cet abîme, Ma pensée en vain s'égare et s'épuise La bouche de nos sages le proclame : Il est là-bas mille mondes divers, Il est là-bas mille soleils de flamme, Des peupl es, des cycles de millénair es.

Pour Dieu et pour sa gloire universelle , La force de la natur e est la même.

Cependant, Nature, à quoi bon ta loi Quand , au septentrion, naît une aurore ? Serait-ce là que le soleil est roi ? N ait-il des glaçons, ce feu qui les dore ? Nous voici de froide flamme envahis, Et le jour s'ouvre un chemin dans la_ nuit.

0 vous, de qui le rapide regard Des divins pouvoirs perec le secret, A qui dans le sy mbole d'un détail La loi du monde peut se révéler, Vous qui savez où va toùte planète, Eclairez donc notre âme stupéfaite.

(Mikhail LOMONOSSOV, Anthologie de la poésie russe, par David.

Editions Stock.) L 'œuvr e de LoMoNossov en témoigne : le xvxu• siècle russe est le siècle du classicisme.

Lomonossov excella partout.

Mathématicien, physicien, chimiste, littérateur, Il Instaure, quand Il écrit, un ordre dans la langue russe qui s'enlisait dans l'anarchie.

(Photo Agence de Presse • Novostl •). »