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LIVRE ET TÉLÉVISION - Robert LAFFONT.

Publié le 14/02/2011

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   Le livre se prête mal à l'image, au contraire de ses concurrents dans le domaine des loisirs : le cinéma, le théâtre, les manifestations sportives. Lorsqu'il est adapté pour la télévision, il abandonne sa forme originelle pour emprunter celle du film. Sous cette forme, il touche parfois les foules assez profondément pour provoquer un choc en retour : l'envie de lire le texte. « Les rois maudits «, « Jacquou le Croquant «, « Les Forsythe «, « Les gens de Mogador « ont ressuscité massivement la ferveur du public pour des textes qui n'étaient plus très demandés. Mais il s'agit là de phénomènes trop rares pour qu'on puisse les étudier en fonction de la promotion du livre. L'O.R.T.F. a voulu démontrer, dès ses débuts, qu'il pouvait être un instrument de promotion culturelle en réservant au livre quelques cases de programme, d'autant plus précieuses que nous sommes un des pays développés les plus pauvres en heures d'émissions. C'est ainsi qu'est née « Lectures pour tous « de Desgraupes et Dumayet, doyenne de nos émissions littéraires et certainement celle qui, par sa qualité et sa durée, a fait le plus pour la cause de la lecture en France.    Bien que consacrée davantage à la littérature pure qu'aux autres genres, elle s'est efforcée d'établir un lien entre le public et l'auteur en donnant généralement la parole à ce dernier. Ce qui, à la télévision, rend les émissions littéraires périlleuses, c'est l'obligation de faire un choix entre deux formules : celle qui laisse à l'auteur le premier rôle, avec le souci de lui accorder le temps nécessaire pour s'exprimer, avec le risque de tomber sur quelqu'un qui s'exprime maladroitement, qui ne passe pas, et lasse le public; et celle qui consiste à prendre l'auteur pour partenaire d'un jeu bruyant et confus, assez frustrant pour celui qui cherche à s'exprimer, mais parfois plus distrayant pour les téléspectateurs.    Les deux formules ont leurs adeptes. Sur le plan de l'effet direct sur le lecteur, la première me paraît plus efficace. J'avais, par exemple, publié un livre assez difficile à promouvoir, car nouveau dans son genre : « Qui a cassé le vase de Soissons? « de Gaston Bonheur. Il a suffi que l'auteur passe à « Lectures pour tous « et raconte, avec son merveilleux accent et son talent de conteur, le thème de son ouvrage, pour que celui-ci, malgré un démarrage assez lent, atteigne 100 000 exemplaires. Ces émissions, que l'on estime réservées à un petit nombre d'auditeurs, sont malheureusement le plus souvent rejetées à des heures tardives. Il me semble que, là comme dans la presse, le livre gagnerait à être mêlé à l'actualité de chaque jour, comme on le voit dans l'émission d'Armand Jammot « Les dossiers de l'écran «, où des auteurs sont invités à participer à des débats sur des problèmes actuels. Dans « Aujourd'hui Madame «, du même producteur, la confrontation de l'auteur avec un cercle de lectrices donne une émission très animée dont l'influence est grande sur le public féminin. L'impact de la présence d'un écrivain peut donc être considérable hors du cadre des émissions littéraires. Un des meilleurs exemples a été le passage de Francis Mazière au « Magazine des explorateurs «. Le lendemain, son livre, « Fantastique île de Pâques —, s'arrachait en librairie et, en quelques semaines, le tirage passait de 20 000 à 200 000 exemplaires. De telles rencontres sont rares, mais elles montrent l'incroyable pouvoir de la télévision et l'ampleur du résultat pour peu qu'il y ait convergence entre l'attente du public, l'intérêt du sujet et la personnalité de l'auteur. De temps en temps, le « Journal télévisé « accueille un écrivain. C'est une initiative heureuse que je souhaiterais plus régulière et moins brève. Le livre fait partie de l'actualité, sa place y est inscrite en dehors même des quelques manifestations mondaines auxquelles il donne lieu. Cinq minutes par jour auraient certainement plus d'effet sur l'éveil de la culture des masses que des émissions spécialisées suivies par un petit nombre de lecteurs déjà convaincus. Certaines stations régionales sont largement ouvertes au livre; d'autres beaucoup moins ou pas du tout — attitude incompréhensible lorsqu'il s'agit d'auteurs ou d'œuvres directement liés à la région.    On voit donc que, malgré une évidente bonne volonté, la télévision n'a pas fait entrer le livre dans sa vie quotidienne.    Robert LAFFONT.    Vous résumerez ou analyserez ce texte. Vous y choisirez ensuite un problème qui vous intéresse particulièrement, et vous le commenterez ou le discuterez.

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