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Louis Aragon, Le roman inachevé, 1956. Commentaire composé

Publié le 04/11/2016

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aragon

Autrefois tout semblait ne pas nous concerner Tous les événements portaient des millésimes Tout se passait très loin très haut dans les années

 

Ce n'est que dans les journaux qu on lisait les crimes Rien n'arrivait jamais que les hasards prévus On se trouvait heureux de ses malheurs intimes

 

Le grêle brusquement sur nous s'est abattue Elle coupe elle hache effiloche égratigne Fouaille et fouette à la fois les feuilles éperdues

 

Elle cogne à la vitre elle perce la vigne

 

Elle frappe la vie en ses tendres surgeons

 

Elle écorche les troncs coche l'herbe à son signe

 

Et les paumes des fleurs et la chair des bourgeons Elle arrache du front des forêts les châtaignes Et disperse le vol affolé des pigeons

 

L'homme court en tout sens et les lampes s'éteignent Son manteau se rabat sur sa face de sang

 

Il ne sait même plus si c'est l'âme qui saigne

 

Il ne sait même plus quel mal son corps ressent

 

Il crie et tout à coup s'étrangle d'épouvante

 

Il s'est pris dans la peur des troupeaux hennissants

 

Et la foule animale énorme et violente

 

Louis Aragon, Le roman inachevé, 1956.

 

Vous ferez un commentaire composé de ce poème inspiré à Aragon par la montée des périls dans les années trente à quarante. Vous pourrez étudier, outre le thème et les sentiments, les moyens employés pour les mettre en relief (images, style, versification).

 

L’œuvre d’Aragon se déploie selon les époques en thèmes différents : surréaliste à ses débuts, il use de la langue comme d’un outil de métamorphose de la réalité; communiste, il se sert d’une rhétorique plus habituelle pour développer dans la tourmente un patriotisme militant

2. Réalité et poésie.

 

De son expérience vécue Aragon ne retient qu’une suite d impressions — « ... tout semblait ne pas nous concerner » — à l’aide desquelles il transforme le réel.

 

Peu de termes appartenant au monde matériel (« journaux ») mais une profusion de formules floues à la limite du monde merveilleux (celui-ci se caractérise par l’absence de déterminations spatiales et temporelles) qui permettent de faire du bonheur passé un univers de féerie.

 

Pas davantage de réalité dans l’évocation du malheur : celui-ci est d’ailleurs dès l’abord, mis à distance par la longue métaphore sur la « grêle » : en choisissant de ne pas parler des périls divers (guerres, chômage, grèves, etc.), Aragon adopte d’emblée une vision poétique. La multiplication des verbes — au sens extrêmement précis —, 

aragon

« toujours associé au lyrisme amoureux; époux d'Elsa Trio­ let, c'est l'amant qui parle, chantant sans cesse en images renouvelées les sujets les plus usés.

e Relever les grandes articulations du texte : - autrefois (vers 1) 1 brusquement (vers 7); - imparfait (vers 1-6) 1 présent (vers 8-fin) avec passé composé (vers 7) pour assurer la transit ion; - pluriel et général (vers 1-6) 1 un seul sujet singulier : « la grêle >> (vers 7-15) suivi d'un autre singulier généra­ lisant : « 1 'homme >> (vers 16-fin) .

S' attacher au vocabulaire, aux images, aux effets sonores et rythmiques.

PLAN SUGGÉRÉ In troduction : Poète de la Résistance (La diane française) , Louis · Aragon se souvient, dix ans après la fin du second conflit mondial, de ce que les historiens ont nommé « la montée des périls >>.

C' est pour le poète l'occasion d'opposer le calme bonheur « d' au­ tref ois n à la tourmente naissante et ravageuse, de montrer le désarroi de 1 'homme et finalement de jeter sur cette période dou­ loureuse un regard d'émotion poétique.

1.

L'hier et l'au jourd'hui.

Une opposition fondée sur tous les plans : a) syntaxiquement : imparfaits à valeur historique et durative 1 présents ponctuels; b) sémantiquement : le passé démultiplié vers l'arrière (adverbes, noms ou expressions) pour montrer la continuité d'un bonheur étab li; par contraste, le présent est présenté par une succession d'a ctes brefs (verbes, phrases parataxiques) ; c) thématiquement : l' homme à l'écart de l'événement dans le passé (phrases négatives) devient la cible du présent : au « on n indéfini succède le « il >> ; d) métriquement : ampleur des six premiers vers 1 coupes et effets saccadés des strophes 3-5 puis élargissement en forme de plaintes (litanies) grâce à l'anaphore du personnel (« il n).

Deux moments qui correspondent à deux états : le bonheur de la paix, le malheur de la guerre.

Mais surtout -car les guerres ont existé de tous temps -une accélération de 1 'histoire qui bouleverse la vie de l'homme.

105. »

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