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MAIRET: Sophonisbe

Publié le 09/05/2011

Extrait du document

Venu après Hardy, Mairet est le précurseur immédiat de Corneille. Dans la Préface de Silvanire (1631), il met au point la question des trois unités; et il donne, en 1634 (non en 1629, comme on l'a cru longtemps), la première tragédie régulière, Sophonisbe.

Sophonisbe (1634).

Le sujet de cette pièce, déjà traité en Italie par le Trissin, 1516 (traduction par Mellin de Saint-Gelais, en 1548), repris plus tard par Corneille et par Voltaire, est emprunté à Tite-Live. C'est un épisode des guerres puniques. — Sophonisbe est la fille d'Asdrubal. D'abord promise à Massinissa, roi d'une partie de la Numidie, elle a épousé le vieux Syphax, roi d'une autre partie de ce pays. La capitale de Syphax, Cirta (Constantine), a été prise par les Romains avec l'aide de Massinissa, et Syphax a été tué. Massinissa, toujours aimé de Sophonisbe, l'épouse. Mais Scipion est décidé à rompre cette alliance, qu'il juge dangereuse pour Rome. Et dans la scène dont nous citons un fragment, Scipion veut obliger Massinissa à abandonner Sophonisbe. On remarquera la singulière solidité de cette versification, déjà cornélienne par l'accent et par une certaine brièveté majestueuse, où se fait sentir l'influence des modèles latins, communs à Mairet et à Corneille.

SCIPION

Peut-être croyez-vous que par cet hyménée Sophonisbe soit vôtre : et qui vous l'a donnée? Par quelle autorité prenez-vous le butin Qui doit appartenir à l'empire latin Ne savez-vous pas bien que c'est là son partage, Et qu'il vous rétablit dedans votre héritage ? Par le congé de qui l'avez-vous entrepris ? Non, non, notre allié, rappelez vos esprits : Ma cruauté se lasse, et ne peut s'arrêter : Je veux me faire craindre, et ne fais qu'irriter. Rome a pour ma ruine une hydre trop fertile Une- tête coupée en fait renaître mille, Et le sang répandu de mille conjurés Rend mes jours plus maudits, et non plus assurés. Octave, n'attends plus le coup d'un nouveau Brute : Meurs; et dérobe-lui la gloire de ta chute. , Meurs : tu ferais pour vivre un lâche et vain effort, Si tant de gens de coeur font des voeux pour ta mort, Et si tout ce que Rome a d'illustre jeunesse Pour te faire périr tour à tour s'intéresse; Meurs, puisque c'est un mal que tu ne peux guérir, Meurs enfin, puisqu'il faut ou tout perdre ou mourir: La vie est peu de chose, et le peu qui t'en reste Ne vaut pas l'acheter par un prix si funeste Meurs, mais quitte du moins la vie avec éclat ; Éteins-en le flambeau dans le sang de l'ingrat, A toi-même en mourant immole ce perfide; Contentant ses désirs punis son parricide ; Fais un tourment pour lui de ton propre trépas, En faisant qu'il le voie et n'en jouisse pas. Mais jouissons plutôt nous-même de sa peine; Et, si Rome nous hait, triomphons de sa haine. O Romains I ô vengeance ! ô pouvoir absolu ! O rigoureux tombât d'un coeur irrésolu Qui fuit en même temps tout ce qu'il se propose ! D'un prince malheureux ordonnez quelque chose. Qui des deux dois-je suivre, et duquel m'éloigner ? Ou laissez-moi périr ou laissez-moi régner.

(Cinna, acte IV, sc. II)

« Qu'est-ce qu'un monologue ? — L'étymologie grecque de ce mot en donne le sens; un personnage parle seul sur lethéâtre.

Le monologue ne peut être qu'une exception, puisque la forme dramatique entraîne par sa nature mêmel'emploi du dialogue.

C'est dire que, pour ne pas interrompre l'action, le monologue lui-même doit être une sorte de:dialogue intérieur.

Aussi faut-il faire monologuer l'acteur lorsqu'il est dans une de ces situations où son âme agitée,irrésolue, est partagée entre deux sentiments qui se combattent.Tel Rodrigue, quand il vient, d'apprendre, de son père don Diègue, et l'insulte et le nom de l'offenseur ; les stancesqu'il prononce peignent la lutte de son devoir et de sa passion (Le Cid, acte I, sc.

vi) ; tel Agamemnon, outragé etmenacé par Achille, et partagé entre son orgueil et son amour paternel (Iphigénie, acte IV, sc.

vii).

Mais on doitadmettre aussi le monologue de méditation, de rêve, comme celui de Don Carlos dans Hernani (acte IV), monologuetrès dramatique en soi, et très bien placé, auquel on ne peut reprocher que sa longueur. Situation du personnage.

— Auguste vient d'apprendre par Euphorbe, affranchi de Maxime (qui s'est décidé, paramour pour Émilie, à trahir Cinna), la conjuration préparée contre lui.

Il en est d'autant plus surpris et attristé que,peu d'heures auparavant, il a consulté Maxime et Cinna sur la question de savoir s'il devait abdiquer ou garderl'empire, et qu'il ne l'a conservé que sur les conseils pressants de Cinna.

Mais il y a plus ; par un effort de volonté,Auguste avait dépouillé ses anciens vices, et, par ses vertus présentes, calmé ses remords.

Cette nouvelle déchaîneen lui tout son passé ; et il se sent redevenir Octave, cet Octave sanguinaire et ingrat qu'il croyait assoupi :cruauté, remords, tout se réveille en lui.

De là, son trouble douloureux. Plan du monologue.

— De 1 vers à 9, nous avons un exorde: Auguste constate la situation : ses amis le trahissent ;que faire ? — Du vers 10 au vers 24, le personnage commence à se dédoubler : Rentre en toi-même, Octave...Auguste plaide contre lui-même ; ses cruautés passées excusent celles des conspirateurs.— V.

25 à 37.— Cet Octave qu'il a évoqué en lui pour le flétrir, parle à son tour ; et par un sophisme admirable, ilfournit à Auguste des arguments tirés de la nécessité de protéger son pouvoir.

Il y a, dans ce paragraphe, unmélange de vérité et de politique, une abondance de maximes d'État, qui révèlent bien la personnalité d'Octave.—Au v.

38, c'est Auguste qui reprend la parole.

Jusqu'au v.

44, il constate que la cruauté irritera davantage lesRomains (c'est la thèse que Livie développera dans la scène suivante).— V.

45.

— Accablé par cette lutte, Auguste décide de mourir ; mais (v.

55) il veut, en mourant, punir Cinna.

Lesdeux âmes se combinent ici : c'est Auguste qui, découragé et ne voulant plus se maintenir au pouvoir par dessupplices, s'est résolu à mourir; c'est Octave qui lui suggère d'entraîner Cinna dans sa chute et « de faire untourment pour lui de son propre trépas ».

— V.

63.

— Mais 'ce dernier accès, qui donne à l'empereur une sorte devertige, en mêlant, sans qu'il puisse se reprendre, les fureurs de sa jeunesse aux découragements de l'heureprésente, a épuisé la volonté d'Auguste; et la péroraison de ce monologue est un cri de détresse, un aveud'impuissance.(Pour ce morceau, nous n'ajoutons point le commentaire de détail, facile à trouver dans les éditions classiques deCinna.)Après ces deux exemples commentés, nous donnons des extraits destinés à montrer les différentes manières deCorneille, poète dramatique, depuis 1636 jusqu'à 1650.

— Nous croyons devoir excepter les quatre chefs-d'oeuvreque les élèves ont entre les mains, et qui fournissent par eux-mêmes les meilleurs textes d'explication.. »

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