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Manon lescaut, rencontre à pacy

Publié le 22/04/2014

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EXTRAIT ETUDIE :   J'avais marqué le temps de mon départ d'Amiens. Hélas ! Que ne le marquais-je un jour plus tôt ! J’aurais porté chez mon père toute mon innocence. La veille même de celui que je devais quitter cette ville, étant à me promener avec mon ami, qui s'appelait Tiberge, nous vîmes arriver le coche d'Arras, et nous le suivîmes jusqu'à l'hôtellerie où ces voitures descendent. Nous n'avions pas d'autre motif que la curiosité. Il en sortit quelques femmes, qui se retirèrent aussitôt. Mais il en resta une, fort jeune, qui s'arrêta seule dans la cour, pendant qu'un homme d'un âge avancé, qui paraissait lui servir de conducteur, s'empressait pour faire tirer son équipage des paniers. Elle me parut si charmante que moi, qui n'avais jamais pensé à la différence des sexes, ni regardé une fille avec un peu d'attention, moi, dis-je, dont tout le monde admirait la sagesse et la retenue, je me trouvai enflammé tout d'un coup jusqu'au transport. J'avais le défaut d'être excessivement timide et facile à déconcerter ; mais loin d'être arrêté alors par cette faiblesse, je m'avançai vers la maîtresse de mon cœur. Quoiqu'elle fût encore moins âgée que moi, elle reçut mes politesses sans paraître embarrassée. Je lui demandai ce qui l'amenait à Amiens et si elle y avait quelques personnes de connaissance. Elle me répondit ingénument qu'elle y était envoyée par ses parents pour être religieuse. L'amour me rendait déjà si éclairé, depuis un moment qu'il était dans mon cœur, que je regardai ce dessein comme un coup mortel pour mes désirs. Je lui parlai d'une manière qui lui fit comprendre mes sentiments, car elle était bien plus expérimentée que moi. C'était malgré elle qu'on l'envoyait au couvent, pour arrêter sans doute son penchant au plaisir, qui s'était déjà déclaré et qui a causé, dans la suite, tous ses malheurs et les miens. Je combattis la cruelle intention de ses parents par toutes les raisons que mon amour naissant et mon éloquence scolastique purent me suggérer. Elle n'affecta ni rigueur ni dédain. Elle me dit, après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, mais que c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter. La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse. Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse. Je me suis é...
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« nul moyen de l'éviter.

La douceur de ses regards, un air charmant de tristesse en prononçant ces paroles, ou plutôt, l'ascendant de ma destinée qui m'entraînait à ma perte, ne me permirent pas de balancer un moment sur ma réponse.

Je l'assurai que, si elle voulait faire quelque fond sur mon honneur et sur la tendresse infinie qu'elle m'inspirait déjà, j'emploierais ma vie pour la délivrer de la tyrannie de ses parents, et pour la rendre heureuse.

Je me suis étonné mille fois, en y réfléchissant, d'où me venait alors tant de hardiesse et de facilité à m'exprimer ; mais on ne ferait pas une divinité de l'amour, s'il n'opérait souvent des prodiges.   Antoine François Prévost, dit d'Exiles, plus connu sous le nom d'abbé Prévost, l'un des écrivains les plus féconds du XVIIIe siècle: romancier, historien, journaliste, traducteur et homme d'Église.

Cet extrait de Manon Lescaut,(1753) constitue une scène attendue de l'un de ces plus grands chefs d'ouvres : la rencontre amoureuse.

Dans cette scène inaugurale, le lecteur peut déjà imaginer la destinée de ceux qui ne sont pas encore amants.

Le hasard d'un évènement (la flânerie désoeuvrée de Des Grieux qui, en compagnie de son ami Tiberge, attend son départ fixé au lendemain) met en présence Des Grieux et Manon qui débarque du coche d'Arras.

C'est le coup de foudre immédiatement.

Ce récit du premier souvenir est placé tout entier sous l'éclairage des suites fatales de l'aventure.

Deux regards se superposent : celui du jeune chevalier, charmé par Manon et celui d'un narrateur mûri par l'expérience douloureuse de la passion : récit et confession se conjuguent pour poser pour la première fois l'une des questions fondamentales du roman : Qui est Manon ?: comment le malheur, le tragique est déjà inscrit dans cette l°" rencontre I.

Le coup de foudre : A) Un portrait allusif de Manon :  -Seuls quelques mots esquissent la silhouette de Manon.

Le narrateur déjoue l'attente en ne donnant aucun portrait de Manon : « Charmante » ; « Fille » ; « Moins âgée » ; « Plus expérimentée ».. »

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