Devoir de Philosophie

Marcel AYMÉ, Le Passe-Muraille, « Les Bottes de Sept Lieues »

Publié le 11/02/2011

Extrait du document

Antoine Buge et quelques camarades, après l'école et au lieu de rentrer à la maison, jouent dans les rues.

Ils se sont donné rendez-vous devant une boutique de « bric-à-brac «. Dans la vitrine, parmi les objets bizarres, figurent des bottes désignées comme des « Bottes de Sept Lieues «

Elles étaient étrangement belles, d'une somptuosité qui étonnait, au milieu des autres objets de la vitrine, presque tous misérables et laids. En cuir verni noir, souple et fin, faites à la mesure d'un enfant de leur âge, elles étaient garnies intérieurement d'une fourrure blanche débordant sur le cuir où elle formait un revers neigeux. Les bottes avaient une élégance fiére et cambrée qui intimidait un peu, mais cette fourrure blanche leur donnait la grâce d'un tendre caprice.

Buge et Baranquin, arrivés les premiers, s'étaient placés en face des bottes, le nez sur la vitre, et n'échangeant que de rares paroles. Leur ravissement était à peu prés inexprimable et ressemblait à un rêve heureux dans lequel on reprend, de temps à autre, une conscience un peu douloureuse de la vie qui attend. Chaussant les bottes de sept lieues, Antoine vivait une aventure confuse et ardente et, songeant à sa mère, à leur mansarde où elle venait de rentrer seule, il reprenait haleine le temps d'un remords, d'un regard sur la vie qui attendait, de ce côté de la vitrine où il se trouvait lui-même, si près d'elle dans la nuit et dans l'hiver, qu'elle soufflait par sa bouche une petite buée sur le carreau.

Par instants, derrière les bottes, les deux enfants apercevaient la silhouette du marchand, détenteur de ces merveilles. L'intérieur de la boutique, de même que l'étalage, était éclairé par une ampoule suspendue au bout d'un fil, sans abat-jour, et dont la lumière jaune ne permettait pas de distinguer bien sûrement les objets.

Marcel AYMÉ,

 

Le Passe-Muraille, « Les Bottes de Sept Lieues « (1943)

 

 

1. En référence au conte de Charles Perrault : Le Chat Botté.

 

 

  1.  On remarque l'extrême précision de la description en ce qui concerne les bottes.

  • La matière : « cuir « et « fourrure « ; l'un « souple et fin «, lisse et dépouillé, l'autre plus luxueux, doux et même tendre.
  • Les couleurs : le noir et le blanc.

  • Chacune d'entre elles met l'autre en valeur.
  • Le « vernis noir« correspond à «élégance fière « que l'on pourrait peut-être interpréter comme une qualité masculine,
  • tandis que le blanc de la fourrure, qui a « la grâce d'un tendre caprice «, s'apparente davantage à une séduction féminine.

 

« « le porte-savon de Marat »,« les charentaises de Berthe au grand pied ». Mais, il faut reconnaître que ces « souvenirs historiques » insolites portent surtout la marque de la malice de l'auteuret n'intéressent pas les écoliers. La boutique.

Au troisième paragraphe, on la devine.

Elle baigne dans une atmosphère assez floue et l'on n'en distingue guère l'intérieur.

Quant au marchand, il apparaît comme une « silhouette » que les enfants « apercevaient à peine ». De plus, « la lumière jaune », « l'ampoule suspendue au bout d'un fil sans abat-jour » laissent imaginer un magasin poussiéreux, pauvre et même sordide. c) Le monde extérieur Toute la ville semble triste et misérable : Antoine et sa mère habitent une mansarde. A cette pauvreté s'ajoute la solitude de Mme Buge : « ...

elle venait de rentrer seule.

» Son fils aurait dû être déjà auprès d'elle ; c'est la règle dans leur pauvre vie bien réglée.

Cette situation explique le « remords » d'Antoine qui a « abandonné » sa mère pour admirer les fameuses « bottes de sept lieues ». Ainsi la « conscience douloureuse » s'explique par l'inévitable confrontation du réel et du merveilleux, comme nous le verrons dans la seconde partie, mais aussi par la situation particulière d'Antoine, fils unique d'une mère qui n'a que lui au monde. L'hiver.

Cette saison convient parfaitement à la tristesse ambiante.

Le froid, sensible par « la petite buée sur le carreau », explique aussi les rêves de chaleur, la fascination pour la fourrure des bottes avec l'image des « revers neigeux ».

De plus, l'aventure est qualifiée « d'ardente », c'est-à-dire au sens propre « qui brûle », elle apporte la chaleur du rêve en cette froide saison. Transition Méthode : on dresse le bilan de ce qui vient d'être dit, puis, on annonce la dernière partie. Rédaction : comme le plan suivi a mis l'accent sur les « thèmes », il convient maintenant de souligner les idées dominantes.

En ce sens, on insisterait sur le jeu de la précision et de l'imprécision et sur le contraste entre la beauté et la laideur (idées valorisées dans le deuxième plan que nous avions proposé). Deuxième partie : le merveilleux a) Nous donnerions comme titre à cette sous-partie : « Vers le merveilleux » plutôt que, simplement : « Le merveilleux ». En effet, le merveilleux constitue un univers enchanté où toutes les règles sont bouleversées sans que les personnages soient quelque peu troublés.

C'est l'univers du conte, celui du Chat Botté... ou du Petit Poucet. Les enfants ne doutent pas des vertus magiques des bottes. Toutefois, on sent que la « réalité » n'est pas loin, sans doute les parents de ces garçons ne joueraient-ils pas le jeu.

Autant, à la fin de la nouvelle, nous basculons dans le merveilleux, lorsqu'Antoine, ayant chaussé les bottes, se retrouve d'un pas ou presque « au bout de la terre » à cueillir « une brassée des premiers rayons du soleil qu'il noua d'un fil de la Vierge », autant dans notre extrait nous restons généralement au seuil de cet univers... une vitre, sans doute, nous en sépare. b) Le comportement des enfants Étonnement et timidité Ce sentiment provient de la magnificence de l'objet en lui-même et aussi de la façon dont il contraste avec les « autres objets de la vitrine » et la pauvreté ambiante. Prolongements Le contraste entre la richesse et la misère est l'un des thèmes importants des contes de Perrault : Cendrillon, Le Chat botté...La référence aux Bottes de Sept Lieues situe a priori le lecteur dans un univers merveilleux. Toutefois, les caractéristiques de ce merveilleux ne s'imposent pas dans le texte d'une façon absolument manifeste. Il s'agit donc de relever les éléments qui apparentent cet extrait au conte mais aussi d'en marquer les limites. Si l'on accepte la thèse de Todorov, dans Introduction à la littérature fantastique, le fantastique « est l'hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un événement en apparence surnaturel ». Les textes fantastiques comportent donc la possibilité de deux explications et jouent sur « l'intrusion brutale du mystère dans le cadre de la vie réelle », selon la formule de J.

Castex. En revanche, le merveilleux ne comporte pas. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles