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Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs. (commentaire)

Publié le 04/11/2016

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Les levers de soleil sont un accompagnement des longs voyages en chemin de fer, comme les œuds durs, les journaux illustrés, les jeux de cartes, les rivières où des barques s'évertuent sans avancer. A un moment où je dénombrais les pensées qui avaient rempli mon esprit pendant les minutes précédentes, pour me rendre compte si je venais ou non de dormir (et où l'incertitude même qui me faisait me poser la question était en train de me fournir une réponse affirmative), dans le carreau de la fenêtre, au-dessus d'un petit bois noir, je vis des nuages échancrés dont le doux duvet était d'un rose fixé, mort, qui ne changera plus, comme celui qui teint les plumes de l'aile qui l'a assimilé ou le pastel sur lequel l'a déposé la fantaisie du peintre. Mais je sentais qu'au contraire cette couleur n'était ni inertie, ni caprice, mais nécessité et vie. Bientôt s'amoncelèrent derrière elle des réserves de lumière. Elle s'aviva, le ciel devint d'un incarnat que je tâchais, en collant mes yeux à la vitre, de mieux voir, car je le sentais en rapport avec l'existence profonde de la nature, mais la ligne du chemin de fer ayant changé de direction, le train tourna, la scène matinale fut remplacée dans le cadre de la fenêtre par un village nocturne aux toits bleus de clair de lune, avec un lavoir encrassé de la nacre opaline de la nuit, sous un ciel encore semé de toutes ses étoiles, et je me désolais d'avoir perdu ma bande de ciel rose quand je l'aperçus de nouveau, mais rouge cette fois, dans la fenêtre d'en face qu'elle abandonna à un deuxième coude de la voie ferrée; si bien que je passais mon temps à courir d'une fenêtre à l'autre pour rapprocher, pour rentoiler les fragments intermittents et opposites de mon beau matin écarlate et versatile et en avoir une vue totale et un tableau continu.

 

Marcel Proust, A l'ombre des jeunes filles en fleurs.

 

Vous ferez de ce texte un commentaire composé, en ordonnant à votre guise vos réflexions sur ce qui vous y semblera digne d'intérêt.

«Histoire d’une époque, A la recherche du temps perdu est aussi l’histoire d’une conscience » : d’où l’importance dans toute page de l’œuvre du Narrateur et de sa vision. Vous ne pourrez donc aborder un tel texte qu’armé d’un sérieux « bagage » d’analyse littéraire : pas question, toutefois, de rechercher dans cette page ce qui n’y est pas (en l’occurrence une dissertation sur le souvenir que vous grefferiez en partant de la seconde phrase). L’intitulé

Remarque : Le Narrateur est dans l’œuvre de Proust un personnage à part entière; aussi a-t-on l’habitude de lui accorder la majuscule contrairement au terme général : le narrateur balzacien, le narrateur chez Gide, etc.

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« sujet, par son impression même, incite à la prudence et à la réflexi on; deux choses frappent -si l'on excepte le style, autre thème-bateau de la critique proustienne - : l'omni­ présence du je (la page s'organise sous sa seule direction et n' a d'e xistence que par lui) et l'aspect pictural du texte (autre thème ressassé : Proust et les peintres, le rôle de la métaphore).

Vous pourrez donc construire votre commen­ taire autour de ces deux pôles, très rhétoriques et donc très précis.

PLAN DÉVEL OPPÉ In troduction (rédigée).

Réveils (à Combray, à Balbec ou ailleurs), ondoiement 'des perspectives (clochers de Martinville, arbres d'Hudimesnil) et goût pour la peinture (symbolisée par le personnage d'Elstir et les mulpiples comparaisons empruntées à 1 'art pictural Odette et la Zéphora de Botticelli) : autant de sujets qui organisent quelques-unes des grandes scènes de la Recherche et dont la diver­ sité ne trouve d'unité que dans la voix qui les rapporte, celle du Narrateur.

C'est préccisément le Narrateur qui, dans cette page, fait exister un paysage dont 1 'unit é lui échappe dans la réalité mais que la métaphore parvient à lui restituer dans une « vue totale et continue ».

1.

Une voix.

Une scène qui aurait pu être une classique description (ce que l' on voit de la fenêtre d'un train) et se serait parfaitement intégrée à la banalité des autres « accompagnements des longs voyages en chemins de fer » qui nous sont livrés d'une manière neutre, générale, impersonnelle.

Mais précisément le je intervient sitôt après et modifie la perspective narrative : tout texte possède un narrateur (faute de lui il n'existerait pas!); certains récits sont même menés par un narrateur-héros (Sylvie de Nerval par exemple) ; il en est toutefois peu dans lesquels la voix narrative s'i mpose au lecteur de manière aussi permanente et indiscuta ble.

Pourquoi ? Pour des motif s d'o rdre purement littéraire, mais également en raison d'une acuité psychologique telle qu 'elle sou­ met qui l'écoute (ou la lit) à son diapason :.

89. »

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