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Marcel Proust, Un Amour de Swann (1913) - Commentaire.

Publié le 07/09/2018

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Marcel Proust, Un Amour de Swann (1913)

 

L'intrigue se déroule à Paris à la fin du dix-neuvième siècle. Charles Swann, membre de la haute société, a entamé une liaison avec Odette de Crécy, une femme aux mœurs légères. Un soir, elle lui demande de la quitter plus tôt que d'habitude, prétextant quelle est souffrante et a besoin de dormir. Swann, la soupçonnant d'attendre un autre homme, retourne un peu plus tard devant chez elle...

 

Sur le point de frapper les volets, il eut un moment de honte en pensant qu’Odette allait savoir qu’il avait eu des soupçons, qu’il était revenu, qu’il s’était posté dans la rue. Elle lui avait dit souvent l’horreur qu’elle avait des jaloux, des amants qui espionnent. Ce qu’il allait faire était bien maladroit, et elle allait le détester désormais, tandis qu’en ce moment encore, tant qu’il n’avait pas frappé, peut-être, même en le trompant, l’aimait-elle. Que de bonheurs possibles dont on sacrifie ainsi la réalisation à l’impatience d’un plaisir immédiat ! Mais le désir de connaître la vérité était plus fort et lui sembla plus noble. Il savait que la réalité de circonstances, qu’il eût  donné sa vie pour restituer exactement, était lisible derrière cette fenêtre1 striée de lumière comme sous la couverture enluminée d’or d’un de ces manuscrits précieux à la richesse artistique elle-même desquels le savant qui les consulte ne peut rester indifférent! Il éprouvait une volupté à connaître la vérité qui le passionnait dans cet exemplaire unique, éphé-mère et précieux, d’une matière translucide, si chaude et si belle. Et puis l’avantage qu’il se sentait - qu’il avait tant besoin de se sentir - sur eux, était peut-être moins de savoir, que de pouvoir leur montrer qu’il savait. Il se haussa sur la pointe des pieds. Il frappa. On n’avait pas entendu, il refrappa plus fort, la conversation s’arrêta. Une voix d’homme dont il chercha à distinguer auquel de ceux des amis d’Odette qu’il connaissait elle pouvait appartenir, demanda :

 

« Qui est là ? >>

 

Il n’était pas sûr de la reconnaître, il frappa encore une fois. On ouvrit la fenêtre, puis les volets. Maintenant, il n’y avait plus moyen de reculer et,  puisqu’elle allait tout savoir, pour ne pas avoir l’air trop malheureux, trop jaloux et curieux, il se contenta de crier d’un air négligent et gai :

 

« Ne vous dérangez pas, je passais par là, j’ai vu de la lumière, j’ai voulu savoir si vous n’étiez plus souffrante. >>

 

Il regarda. Devant lui, deux vieux messieurs étaient à la fenêtre, l’un tenant une lampe, et alors, il vit la chambre, une chambre inconnue. Ayant l’habitude, quand il venait chez Odette très tard, de reconnaître sa fenêtre à ce que c’était la seule éclairée entre les fenêtres toutes pareilles, il s’était trompé et avait frappé à la fenêtre suivante qui appartenait à la maison voisine.

 

1. La phrase peut se comprendre ainsi : il savait que la réalité des faits [...] était visible derrière cette fenêtre.

 

2. Indifférent : le savant ne peut rester indifférent à la richesse artistique des manuscrits.

La publication d‘Un Amour de Swann coïncide avec la publication d'œuvres qui révolutionnent la littérature : Alcools d'Apollinaire par exemple. Proust adopte une forme apparemment conventionnelle. Pourtant, il remet en cause un certain nombre de préceptes du naturalisme : il ne veut pas peindre le monde extérieur tel que nos yeux le voient. Il s'intéresse aux liens entre sensations et souvenirs et, par conséquent, à une perception du monde intime et unique.

 

• Il faut ensuite préciser la situation du passage. L'amour de Swann pour Odette a de quoi surprendre : il est aristocrate et cultivé, elle est une demi-mondaine sans éducation. L'origine de cette passion est la Jalousie, qui est sans cesse avivée et qui nourrit sans cesse l'amour de Swann. L'épisode relate les folies auxquelles la jalousie pousse Swann.

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« malgré moi.

Toutes mes résolutions sont inutiles ; je pensai hier tout ce que je pense aujou rd'hui, et je fais aujourd'hui tout le contraire de ce que je résolus hier.

Il faut m'arracher de la présence de monsieur de Nemours ; 20 il faut m'en aller à la campagne, quelque bizarre que puisse paraître mon voyage ; et si monsieur de Clèves s' opini âtre5 à l'emp êcher ou à en vouloir savo ir les raisons, peut-être lui ferai-je le mal, et à moi-même aussi, de les lui apprendre.

» Elle demeura dans cette résolution, et passa tout le soir chez elle, sans aller savoir de madame la Dauphine ce qui était arrivé de la 2 5 fa usse lettre du vidamé.

1.

Défiance : méfiance.

2.

Ils ne laissèrent pas de lui ouvrir les yeux sur le hasard d'être trompée : ils lui ouvrirent les yeux sur la possibilité d'être trompée.

3.

Souff rir: accepter (cette passion).

4.

Manquer à : manquer à ses devoirs d'épouse.

5.

S'opiniâtre : s'entête.

6.

C'est cette lettre, qu'elle a crue destinée à monsieur de Nemours, qui a provoqué sa jalousie.

• Texte 2: Alfred DE Mus sET, La Confession d'un enfant du siècle (1836) No us somme s au déb ut du roman ; Octave, le héros, raconte ici un épisode fondat eur de sa jeune sse.

J'ai à raconter à quelle occasion je fus pris d'abor d de la maladie du siècle.

J'étais à table, à un grand souper, après une mascarade 1• Autour de moi mes amis richement costumés, de tous côtés des jeunes gens et des 5 fe mmes, tous étincelants de beauté et de joie ; à droite et à gauche des mets exquis, des f aco ns, des lustres, des fleurs ; au-dessus de ma tête un orchestre bruyant, et en face de moi ma maîtresse, créature superbe que j' idolâtrais.

J'a vais alors dix-neuf ans; je n'avais éprouvé aucun malheur ni aucune 10 maladie ; j' étais d'un caractère à la fois hautain et ouvert, avec toutes les espér ances et un cœur débordant.

Les vapeurs de vin fermentaient dans mes veines ; c'était un de ces moments d'ivresse où tout ce qu'on voit, tout ce qu'on entend vous parle de la bien-aimée.

La nature entière paraît alors comme une pierre précieuse à mille facettes, sur laquelle est gravé le 15 nom mystérieux.

On embr asserait volontiers tous ceux qu'on voit sourire, et on se sent le frère de tout ce qui existe.

Ma maîtresse m'avait donné rendez-vous pour la nuit, et je portais lentement mon verre à mes lèvres en la regard ant.

Comme je me retournais pour prendre une assiette, ma fourchette 20 tomba.

Je me baissai pour la ramasser, et, ne la trouvant pas d'abord, je. »

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