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Marie - Apollinaire - LECTURE MÉTHODIQUE

Publié le 11/07/2011

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Naturalisé Français, Apollinaire s'engagea volontairement en 1914; grièvement blessé à la tête en 1916, il dut subir une trépanation qui l'affaiblit considérablement, si bien qu'il succomba à une épidémie de grippe. Ses dernières oeuvres furent une pièce de théâtre, Les Mamelles de Tirésias (1917), drame "surnaturaliste" inspiré de Jarry, et Calligrammes (1918), recueil où certains poèmes sont typographiquement disposés de manière à figurer leur sujet, devenant ainsi des "idéogrammes lyriques". Citation. La souris Belles journées, souris du temps, Vous rongez peu à peu ma vie. Dieu ! Je vais avoir vingt-huit ans, Et mal vécus, à mon envie. G. Apollinaire, Bestiaires  

Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère-grand C'est la maclotte qui sautille Toutes les cloches sonneront 5 Quand donc reviendrez-vous Marie Les masques sont silencieux Et la musique est si lointaine Qu'elle semble venir des cieux Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine 10 Et mon mal est délicieux Les brebis s'en vont dans la neige Flocons de laine et ceux d'argent Des soldats passent et que n'ai-je Un cœur à moi ce cœur changeant 15 Changeant et puis encor que sais-je Sais-je où s'en iront tes cheveux Crépus comme mer qui moutonne Sais-je où s'en iront tes cheveux Et tes mains feuilles de l'automne 20 Que jonchent aussi nos aveux Je passais au bord de la Seine Un livre ancien sous le bras Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas 25 Quand donc finira la semaine 

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« «jonchent» (v.

20) l'automne . Enfin, la cinquième strophe exprime la peine du jeune homme : « Le fleuve est pareil à ma peine / Il s'écoule et ne tarit pas » (v.

23-24) et son impatience devant l'absence de la jeune femme : « Quand donc finira la semaine » (v.

25). Une composition en boucle fermée Ce poème commence donc par la fin de l'histoire qu'il évoque ; puis il en retrace chronologiquement les étapes, depuis la naissance de l'amour jusqu'à la divergence des sentiments dans le couple : la femme s'en va, l'homme la regrette.

Ainsi, l'interrogation qui clôt la première strophe : « Quand donc reviendrez-vous Marie » (v.

5), fait logiquement suite à celle sur laquelle s'achève le poème : « Quand donc finira la semaine » (v.

25). On est alors en droit de parler de composition en boucle fermée ou circularité : c'est un schéma fréquent de l'écriture apollinarienne, celui par lequel le début d'une œuvre s'articule, logiquement et chronologiquement, à son dénouement . 2.

LA TEMPORALITÉ : PASSAGE ET PÉRENNITÉ Passage du temps, passage des sentiments Dès ses deux premiers vers : Vous y dansiez petite fille Y danserez-vous mère-grand le poème s'inscrit dans le temps, c'est-à-dire dans un mouvement irréversible où tout passe.

Apollinaire y évoque deux moments éloignés de la vie de Marie, son passé de « petite fille », son avenir lointain de « mère- grand » (= grand-mère).

L'interrogation, dans la reprise du verbe (« Vous y dansiez ».

« Y danserez-vous »). marque dès le début l'incertitude, donc la fragilité caractérisant les entreprises et les projets humains. La strophe 2.

qui évoque un moment de parfait bonheur, est située, exceptionnellement, hors du temps, ce qui est significatif.

Le poète fait revivre sous nos yeux le bal masqué et l'aveu qui appartiennent en fait au passé. L'emploi du présent accentue l'aspect intemporel de la scène, en l'absence de toute image suggérant le passage. Au contraire, dès la strophe 3.

les deux cortèges - « Les brebis s'en vont dans la neige » (v.

11), « Des soldats passent» (v.

13) - évoquent, de manière figurative, le lent cheminement qui altère les sentiments et mène l'être humain vers sa vieillesse. De même, la double interrogation de la strophe 4 exprime le passage de l'amour et la divergence du chemin des amants : Sais -je où s'en iront tes cheveux Et tes mains feuilles de l'automne Que jonchent aussi nos aveux (v.

18-20). Ces vers s'inscrivent dans le cycle immuable des saisons, fondé sur le passage.

L'automne y est associé implicitement à la mort : celle des feuilles, celle des caresses (« mains »), celle des «aveux» et des serments . Pérennité de la peine En revanche, la dernière strophe qui explicite le passage : «Je passais au bord de la Seine» (v.

21), exprime une idée plus complexe.

C'est celle de la pérennité des sentiments, de la peine en particulier qui, paradoxalement, passe et demeure entière: «Le fleuve est pareil à ma peine/Il s'écoule et ne tarit pas » (v. 23-24). Ce concept apparaît comme une hyperbole (= une exagération expressive) de celui de la permanence que l'on trouve dans « Le Pont Mirabeau » et dans « Mai ».

Dans un autre poème, Apollinaire, pour exprimer la pérennité de la peine, a recours à l'image des Danaïdes : selon la mythologie gréco -latine, ces jeunes femmes, condamnées à verser de l'eau dans un tonneau sans fond, expient pour l'éternité le meurtre de leurs époux. Ici, comme à la strophe 4 à propos de l'automne, Apollinaire inscrit le destin de l'amant (sa peine sans fin) dans un ordre universel et naturel (le cours du fleuve intarissable). 3.

L'ART D'APOLLINAIRE L'interpénétration de l'histoire individuelle et de l'histoire du monde. »

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