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MARIE d'Apollinaire - COMMENTAIRE COMPOSE

Publié le 18/08/2012

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apollinaire

Apollinaire ne célèbre pas l’amour à la manière de Ronsard toute en éloge et séduction.    Pourtant, il évoque la même réalité : le passage du temps sans que l’on puisse rien y changer. Il intègre et confond alors son histoire personnelle dans l’histoire universelle exprimée par le cycle des saisons ou le cortège des années.    A. LE CYCLE DES SAISONS    1. l’automne    L’automne est un thème cher à Apollinaire. Dans sa poésie, la fuite du temps est souvent liée à l’atmosphère automnale. Les mains comparées aux feuilles de l’automne traduisent la sénescence des sentiments, leur appauvrissement d’intensité.    2. le froid    Le froid, son évocation à travers la neige et ses flocons, constitue aussi une image qui renforce le passage du temps et celui de l’amour. Le paysage esquissé dans les vers 11 12 et 13 exprime la froideur, la raideur :

apollinaire

« comme intemporelles.

Le temps s'étire, s'allonge d'où l'impression que le présent et le passé voire le futur se rejoignent et s'assemblent.

Une tendresse mélancoliques'exhale de tout le poème comme si l'amour perdu était pansé dans une ouate protectrice des fureurs (ou des aigreurs ?) de la vie. 2.

la forme au service de la tristesse Hormis la première strophe gouvernée par le rythme de la danse belge, toutes les autres sont marquées par une mélodie suave rythmée par une forme parfoisincantatoire mais toujours harmonieuse (en particulier les vers 15 à 20 de « et puis encore que sais-je » à «que jonchent aussi nos aveux » ). Les diérèses de silencieux (vers 6) et délicieux (vers 10) contribuent à une diction plus lente.

Les allitérations des « s » et des « l » aux vers 6 et 7 renforcent cet effetde douceur au service d'une tristesse un peu nostalgique : Les masques sont silencieuxEt la musique est si lointaine II.

L'ALTERATION DES SENTIMENTS Cette tristesse un peu résignée se justifie par une sorte de clairvoyance du poète qui sait que « les amours sont malheureuses » et qui se protège lui-même des effetsdévastateurs de la passion amoureuse.

Son amour « si doux » relève plus d'une forme de dilection amoureuse qui se lasse de la dérive lente des sentiments. A.

L'AMOUR : UNE DILECTION PLUS QU'UNE PASSION Le cœur du poème est là dans cet alexandrin si singulier, perdu (ou perché !), au milieu des quintils en octosyllabes.

C'est le cri du poète toujours dans la confusiondes temps qu'il voudrait réunifier : Oui je veux vous aimer mais vous aimer à peine Il le dit au présent alors que nous étions dans la logique de l'histoire amoureuse à son début.

Il dit oui à l'amour mais avec une restriction immédiate : « vous aimer àpeine ».

Est-ce « pour de rire » ? Et l'on peut ainsi songer aux amours enfantines, l'amourette belge par exemple, mais, dans ce cas, ce ne serait plus l'histoire deMarie, celle qu'il vient de perdre.

La référence à la Marie de Stavelot au début du poème n'était qu'une accroche en la forme, peut-être une réminiscence du célèbrepoème de Ronsard : « Quand vous serez bien vielle, au soir, à la chandelle ». Donc, s'il veut aimer à peine ce n'était pas hier, dans son passé lointain, mais aujourd'hui, dans ce présent qu'il vit au passé pour se protéger, n'accepter l'amour qu'àdose homéopathique comme un « poison doux et chaste », qualification qu'Apollinaire donnait à l'opium et jouir alors de son « mal délicieux », comme d'unegourmandise ou d'une sucrerie ou bien… d'une drogue douce. Cet alexandrin, Apollinaire l'a longtemps ressassé dans son esprit puisqu'il figurait dans un des poèmes écrits à la prison de la Santé dont il l'a extrait pour le« coller » dans le texte de « MARIE ».

Il exprime cette idée forte avec une mélancolie grave au bout de son rêve onirique dans une semi - conscience. B.

UNE LASSITUDE AMOUREUSE NOURRIE D'INCERTITUDES 1.

un cœur changeant Et quand il reprend sa pleine conscience, il s'interroge sur son cœur, le sien? Celui de l'aimée? Ou ceux universels de tous les transportés d'amour? Un cœur qu'ilvoudrait posséder! Pourquoi son cœur ne lui appartient –il pas? Il ne comprend pas que ce cœur, le sien comme celui des autres, soit si changeant qu'il éprouve lebesoin de procéder à une répétition et un enjambement en l'introduisant au « cœur » du changement amoureux où tout n'est que question et incertitude : (…) et que n'ai-jeUn cœur à moi ce cœur changeantChangeant et puis encore que sais-je 2.

le désenchantement lent de l'amour Tout change et la vie passe.

L'amour se lasse.

Après la description de la naissance de l'amour et quand les divergences surviennent, la femme aimée n'est évoquée quepar allusions : les cheveux crépus, les mains.

Son absence, pourtant refusée dans le cri du retour espéré, est déjà consentie. Le désenchantement de l'amour accentue les interrogations du poète et sa tristesse native.

Les strophes 3 et 4 traduisent le lent cheminement qui conduit les amants audénouement de l'amour : « les brebis s'en vont », « les soldats passent » et les cœurs « changent »… Les mains se dénouent, tombent comme « feuilles de l'automne »et se joignent aux « aveux » qui ternissent les serments d'antan. Les métaphores des « flocons de laine et ceux d'argent » soulignent la blancheur comparable de la laine et de la neige.

Le blanc chez Apollinaire est synonyme demort et l'on voit bien quelle mort il pense évoquer en suggérant ainsi la désagrégation de l'amour (et sa dispersion en flocons) dans l'écheveau des années représentéespar les brebis. 3.

une fluidité incantatoire Pour exprimer sa désillusion, Apollinaire donne à son récit une fluidité incantatoire.

Tout d'abord, pour traduire la lente dérive amoureuse, le rythme est vif etsoutenu et puis à mesure que la déception l'emporte et que la désespérance le gagne, il donne un tour encore plus rapide à ses vers avec une forme répétitive commepour marquer son impuissance avec la triple répétition de « sais-je ». Il use aussi du débordement de la phrase sur le vers ou la strophe.

Cette fluidité interrogative est toute nouée des incertitudes qui inquiètent le poète sur le devenir decet amour qui le fuit.

Ici, la désespérance du chant poétique s'exprime dans une musicalité du vers enlevée.

La poésie d'Apollinaire se chante autant qu'elle se dit.C'est pourquoi elle touche tous les publics. Le poète, tourmenté d'incertitudes et habité d'une lassitude mélancolique, est encore plus affecté par l'inexorable fuite du temps.. »

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