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Marot, Epître au Roy pour sa délivrance

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Roi des Français, plein de toutes bontés.
 Quinze jours a, je les ai bien comptés,
 Et dès demain seront justement seize,
 Que je fus fait confrère au diocèse
 De Saint-Mary, en l' église Saint-Pris.
 Si vous dirai comment je fus surpris,
 Et me déplaît qu' il faut que je le die.
 Trois grands pendards vinrent à l' étourdie
 En ce palais me dire en désarroi :
 " Nous vous faisons prisonnier, par le Roi ."
 Incontinent, qui fut bien étonné ?
 Ce fut Marot, plus que s'il eût tonné.
 Puis m'ont montré un parchemin écrit,
 Où n'y avait seul mot de Jésus-Christ :
 Il ne parlait tout que de plaiderie,
 De conseillers et d'emprisonnerie.
 " Vous souvient-il, ce me dirent-ils lors,
 Que vous étiez l'autre jour là-dehors,
 Qu'on recourut (délivra) un certain prisonnier
 Entre nos mains ? " Et moi de le nier !
 Car, soyez sûr, si j'eusse dit oui,
 Que le plus sourd d'entre eux m'eût bien ouï
 Et d'autre part, j'eusse publiquement
 Eté menteur : car, pourquoi et comment
 Eussé-je pu un autre recourir,
 Quand je n'ai su moi-même secourir ?

Marot (1496-1544) cultive une ingénuité savante qui donne à son ½uvre son caractère original. Il excelle à traiter avec audace et habileté des sujets délicats, et pratique un humour subtil : sur un ton grave, il formule une vérité évidente, conduit un raisonnement absurde ou atteste son innocence en répondant à côté de la question. En outre, il a créé son style. Les jeux des rhétoriqueurs prennent dans sa poésie une fraîcheur nouvelle : chez lui, le coq-à-l'âne, le calembour ont quelque chose d'aimable et de spontané. Plus souvent, il se contente de tours très simples, qui répondent à la naïveté de l'inspiration. Il utilise le décasyllabe qui s'adapte avec bonheur au ton de sa causerie : le vers de Marot, assoupli par l'enjambement, crée une impression de légèreté pimpante.
 
 Emprisonné en 1527 pour avoir prêté main-forte à un prisonnier qui s'évadait, Marot s'adresse au roi afin d'obtenir sa délivrance.

« les arrestations; "à l'étourdie" donne à entendre qu'ils agissent sans raison valable, tandis que l'expression archaïque"en désarroi" évoque la brutalité désordonnée de l'opération, qui a lieu "en ce palais", c'est-à-dire au Palais deJustice, lieu de promenade où le poète se trouvait justement.Marot énonce la formule de l'arrestation : "nous vous faisons prisonnier par le Roi".

C'est donc le roi qui l'a faitarrêter? Non, mais "par le Roi" est l'expression officielle : Marot va jouer sur les deux idées qui s'attachent au mot"roi", pris au sens de chef impersonnel de l'État et au sens d'homme privé, maître et ami du poète.

Par ce jeus'explique l'étonnement noté aux vers suivants, 11 et 12.

Il feint ensuite la naïveté d'un enfant qui ouvre les yeuxau monde et comme s'il ne savait pas déjà, par expérience, ce qu'est un décret de prise de corps, il décrit ceparchemin (v.

13 à 16) avec une savante gaucherie; les quatre rimes de même sonorité (en -i) produisent uncliquetis comique.Pour introduire le motif de l'arrestation, Marot adopte le style direct (v.

17 à 20).

Au grief ainsi formulé, il répond "etmoi de le nier" : le lecteur attend qu'il prouve son innocence.

Décevant cette attente, le poète se borne alors àindiquer qu'il n'a eu garde de proférer un aveu compromettant, v.

21-22.

Il avoue donc ? Non sans doute, puisque ànouveau, il semble vouloir introduire une justification : "et d'autre part (...) publiquement" v.

23, qui semble lelangage solennel d'une plaidoirie d'avocat.

Le mot "menteur" est ensuite mis en valeur par l'enjambement.

"Carpourquoi et comment..." c'est le style pesant de l'argumentation scolastique ou juridique; le lecteur attend unedéfense sérieuse.

Or les vers 25 et 26 ne sont qu'une plaisanterie, car le raisonnement si gravement amené estévidemment absurde : nouvel effet de contraste et de surprise.

Deux fois donc, Marot s'est joué du lecteur et asouri en conviant le roi à une sorte de complicité; tous deux savent bien qu'il est coupable, mais le jeune roi estencore homme à pardonner ce genre de fautes. Conclusion Dans ces vers naturels et rapides, tout est ménagé pour le plaisir de l'esprit : changements de ton, absurdités ouévidences exprimées gravement, tristesses exprimées plaisamment, jeux de mots, ingénuités feintes.

Pour toutsaisir, l'esprit doit être toujours en éveil, il s'amuse et jouit de son propre travail; c'est une excitation intellectuelleanalogue à celle que nous donne la lecture de La Fontaine et de Voltaire. Sujet désiré en échange : Les oeuvres de fiction vous paraissent-elles le meilleur moyen pour convaincre le lecteur ?. »

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