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MAROT: LE SATIRIQUE.

Publié le 29/06/2011

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On s'en aperçoit dès que l'on aborde les poèmes où il dit ses colères, ses indignations, ou, simplement ses moqueries. C'est par ces dernières qu'il convient de commencer ici, car, aux satires marotiques qui scandèrent, sous diverses formes, les étapes de sa biographie, s'ajoutent durant toute sa carrière ces courtes pièces narquoises, alertes, grossières souvent, où le poète, conformément à la tradition gauloise, s'amuse à railler les femmes, les maris trompés, et les moines. C'est dans la section des Epigrammes que l'on cherchera les formes de cet aspect de son talent. Elle contient nombre de huitains du type classique (ababcdcd, ou ababbcbc) ou de dizains un peu plus compliqués (ababbccdcd), qui lui furent inspirés ou par la tradition populaire et par sa verve naturelle, ou qu'il traduisit, après son séjour à Ferrare, des épigrammatistes latins et surtout de Martial. C'est un genre auquel le poète est venu assez tard, probablement sous l'influence des strambottistes et des humanistes italiens, puis à l'imitation des poètes néo-latins qui furent ses familiers à Lyon à son retour d'exil : les uns et les autres lui suggérèrent le nom d'Epigrammes qu'il mit en tête de cette section.

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« Marot.Mais c'était là un aspect mineur de son talent.

Il était capable de mieux dans le genre satirique, et le prouva àquatre reprises dans des poèmes où s'expriment librement ses colères (sinon ses haines) et son sens des ridicules etde l'injustice que son expérience de la cour a développé à la fois par ce qu'il y a vu et par ce qu'il a dû, — volens,nolens, — y aliéner de sa liberté, « des thrésors le plus digne ».Le plus fidèle et le plus dévoué des courtisans, Marot est un opposant convaincu : il le sera, à la fin de sa carrière,à Genève, comme il l'avait été à Paris.

La vie ne lui a fourni que trop d'occasions de protester contre de fâcheuxdéboires dont, avouons-le, il était au fond responsable par son indépendance d'esprit et de mœurs.

Trait decaractère français : Marot n'aime pas l'autorité, ni les autorités, qu'il s'agisse des docteurs de Sorbonne, des jugesdu Châtelet, des sergents du guet, des critiques, ou de Calvin.

Il y a en lui de ce La Brige qui, environ 1900,discutera de l'article 330 du Code civil : Courteline a dû l'aimer autant que Rabelais pour son irrespect de ce qu'onnomme le Pouvoir et les pouvoirs.Premier épisode : 1526, son premier emprisonnement.

Enfermé au Châtelet, Marot fait connaissance avec les geôleset la justice.

De quoi, tout de suite, l'exaspérer.

Il écrit aussitôt l'Enfer, un de ses plus longs écrits, — 500 versenviron, — où il dit ce qu'il pense de la police et des juges de son temps.

Sous forme allégorique : il ne s'est pasencore pleinement affranchi des leçons paternelles.

Le palais de justice, la prison du Châtelet se transforment dansson imagination en un Tartare invraisemblable : il a beau, dès les premiers vers, nommer le Châtelet, il noustransporte aussitôt en un enfer de convention dont le portier se nomme Cerberus, les juges Minos et Rhadamante, legreffier Griffon, et où l'on marche sur des serpents qu'il appelle Procès.

Il y avait autre chose à dire sur le « vieilmanoir » du Châtelet ; on s'étonne de voir travestis sous des déguisements factices le lieutenant civil Morin ou lebailli de Paris, Jean de La Barre, qui ne s'attendaient certes, remplissant leurs fonctions, ni à cet excès d'honneur nià cette indignité.

Non plus que les procureurs ou les avocats, les « crieurs », qui jouent leur rôle autour d'eux, oules sergents, « ministres de ce gouffre », qui sentent « plus mal que soulphre » : dans peu de mois Marot trouvera,pour décrire ces derniers, des images plus nettes et plus justes.

Qu'il ait raison de dénoncer les faiblesses de lajustice de son temps, sa partialité, ses lenteurs, sa rigueur excessive ou sa vénalité, sans parler de ses erreurs, nuln'y contredit.

Mais il y fallait la manière, et celle de Rabelais est autrement expressive, directe et vraie, qu'il semoque du procès ridicule des seigneurs de Baisecul et de Humevesne, du juge Bridoye, des sergents dupés par leseigneur de Basché, des Chicanous, voire, au Ve livre, des Chats Fourrés.

A chaque page de l'Enfer, on relève desnotations que l'on sent prises sur le vif et d'une exactitude, qui sait ? éternelle, hélas ! Mais à chaque page aussi, lelecteur est gêné par l'emploi abusif et maladroit de l'allégorie qui leur enlève tout leur vérisme, ou par la fidélité deMarot à des procédés stylistiques usés : images mythologiques qui sont ici hors de propos, fausse éloquence (onvoudrait une indignation plus directe et plus sincère), rimes équivoques.

Et l'on ne dit rien des lacunes d'un tableauqui, du fait de l'allégorie trop savamment filée, se trouve nécessairement incomplet.

C'est en vain que l'on attendune description exacte du décor ou des personnages : Marot ne sait pas encore peindre comme il le fera plus tardles sergents qui l'arrêtent ni le juge qui l'interroge.

Et nous ne disons rien de l'invraisemblance totale de l'allégorie,qui transpose un décor que l'on peut assez facilement imaginer.

D'autres mauvais garçons, victimes de la mêmejustice, de Villon à Gringore, sans parler du juge mis en scène dans la farce de Pathelin en ont dit davantage, avecplus de force et en moins de mots.

L'ironie vengeresse qui, malgré tout, éclate par endroits ne suffit pas à comblerces lacunes et ces insuffisances.Composition flottante, description imprécise et faussée par l'allégorie que Marot poursuit jusque dans ses détails ettrop longuement, avec un plaisir ou une conscience trop scolaires, style par trop abondant, emploi abusif de lamythologie : on sent, partout, l'exercice.

Le poème n'est sauvé que par trois éléments : les données biographiquesque le poète y développe, que confirment celles de l'Eglogue au Roi, et dont certaines sont intéressantes pourl'étude de sa pensée religieuse, — un ton de fierté auquel on rend hommage, — quelques accents de pitié pour lesvictimes des monstres infernaux, accents dont, malgré les figures symboliques, on ne peut pas ne pas sentir lasincérité spontanée.

Marot cependant est trop près encore de ses admirations premières et des leçons reçues :l'Enfer sent trop l'école ; l'allégorie y tue le réalisme.

A lire l'Epitre au Roi pour estre délivré, on mesure ce qu'auraitpu être la satire de la justice par Marot s'il l'avait faite un peu plus tard, en pleine possession de son talent.Peu de temps après, il eut une nouvelle occasion de montrer son art de satirique.

En mars 1529, on s'amusa fort à lacour d'une assez méchante ballade, — les Gracieux Adieux aux dames de Paris, où un rimeur anonyme feignait deparler au nom de quelques seigneurs partant avec la cour pour Cambrai où l'on allait signer la paix, et disait leur faità quelques dames de petite vertu, la Janneton de Meaux, la Grive, la Vicourt, la lieutenante civile, les lingères duPalais et beaucoup d'autres.

La ballade fut aussitôt attribuée à Marot, à qui l'on donnait généreusement toute pièced'un peu d'esprit.

Mais d'esprit, dans celle-là, il n'y en avait pas trace.

Marot protesta aussitôt : la ballade était malrimée ; elle s'attaquait à toutes les femmes alors que Mârot était le « servant » de la plupart d'entre elles, et voulaitchanter leurs « louanges très belles » car elles tenaient « l'honneur très cher » et ne l'ont « offensé en rien ».

Toutau plus en est-il six qui lui ont voué leur haine et qu'il fustigerait volontiers pour leur inconduite.

Qui étaient-elles ?On l'ignore.

Mais un inconnu, Louis Boileau de Centimaison, prit feu pour elles et couvrit Marot d'injures dans uneréponse virulente où il souhaitait qu'il fût fouetté, tout nu, dans un trou de cave.

Maître Clément répondit uneseconde fois, en 238 vers, dans une épître vengeresse : il n'a pas attaqué les dames de Paris ; quand il attaque,c'est avec autrement de verve, et il aurait à fouailler d'autres vices que l'inconduite féminine : le « brouillis » de lajustice, par exemple, ou l'oisiveté des cagots, « et les abuz dont l'Eglise est fournie », sans parler des horreurs de laguerre.

C'est alors que l'on sentirait « combien mieulx picque un poète du roy » ; Mais Dieu vous gard que j'en fasse l'essay ! même si, de la sorte, le poète abordait les grands sujets que mieux que personne il est capable de traiter « dans le. »

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