Devoir de Philosophie

MARTIN DU GARD Roger : sa vie et son oeuvre

Publié le 26/11/2018

Extrait du document

MARTIN DU GARD Roger (1881-1958). Figure prestigieuse du monde des lettres, prix Nobel de littérature en 1937, Roger Martin du Gard n’a pas actuellement — mais sans doute est-ce provisoire — la place que très probablement il mérite. Il est un peu oublié. Bien sûr, on se souvient de ses deux principales œuvres romanesques : Jean Barois et les Thibault, mais elles semblent appartenir à une autre époque, révolue. Martin du Gard lui-même, sensible aux critiques qui lui avaient été faites, en particulier par Claude-Edmonde Magny dans son Histoire du roman français depuis 1918, écrivait à Gide le 9 juin 1950 : « C’est un bel éloge funèbre, que suit une exécution capitale... Me voilà prévenu : je comparaîtrai les mains vides, en somme, au tribunal de la postérité [...]. Tout cela correspond trop bien à ce que je pense moi-même — à ce que je vous répète depuis dix ans — pour que j’en sois affecté. »

 

En fait, le pessimisme de Martin du Gard n’était pas fondé : on commence à redécouvrir son œuvre; d’ailleurs il avait pris soin de « nourrir » son dossier : la découverte de sa correspondance (que l’on commence à connaître) et celle de son Journal, qu’il a confié à cette « postérité » si redoutée, renouvellent l’intérêt pour une œuvre qu’on voit déjà d’un regard neuf : tant par sa forme que par les thèmes qu’elle aborde, l’œuvre de Martin du Gard apparaîtra de plus en plus proche de nous.

L'univers de l'enfance et de l'adolescence

 

La façon dont Martin du Gard a su entrer en littérature est significative de sa personnalité : sans rupture avec son milieu d’origine, il a peu à peu affirmé sa volonté d’écrire, dans un curieux mélange d’indolence et de volonté obstinée, d’acceptation des valeurs familiales et de recherche novatrice.

 

Martin du Gard est né à Neuilly. Sa famille paternelle est originaire du Bourbonnais, sa famille maternelle du Beauvaisis. Mais, comme il l’écrit dans ses souvenirs, « l’une et l’autre comptait dans son ascendance une majorité de gens de robe — magistrats, avocats, notaires, financiers; quelques propriétaires terriens; pas de commerçants; pas de militaires; pas d’artistes ». Son père possédait une propriété dans le Berry, le château d’Augy, où Roger se lia avec son cousin Pierre Margaritis, le futur dédicataire des Thibault, et surtout où il put observer la vie et le parler du monde paysan qu’il devait présenter dans Vieille France et dans deux farces savoureuses : le Testament du Père Leleu et la Gonfle.

 

Durant son séjour à l’école Fénelon et au lycée Condorcet, Martin du Gard ne fut pas un élève brillant : Gaston Gallimard, qui fut avec lui à Condorcet, a gardé de lui le souvenir d’un cancre, préoccupé de ses cravates et passant son temps à lire. Ce qu’il lisait? Octave Mirbeau, Jean Lorrain, Zola, c’est-à-dire des auteurs que son milieu familial, catholique et bien-pensant, réprouvait. Ce seront là les lectures clandestines de Jacques Thibault. Il découvre également à cette époque l’œuvre de Tolstoï, qui devait avoir tant d’importance pour lui en lui révélant ce que devait être le travail du romancier. Inquiet, son père le mit en pension chez un ancien normalien, professeur à Janson-de-Sailly, Louis Mellerio, qui s’occupa de lui comme Antoine Thibault s’occupera de son frère. Martin du Gard insiste lui-même sur tout ce que Mellerio lui apporta : une culture classique (l’adolescent puisait librement dans l’abondante bibliothèque de son maître) et surtout l’habitude de faire des plans : Mellerio imposait quotidiennement à son disciple l’établissement de plans rapides sur les sujets les plus divers, et, devenu romancier, Martin du Gard devait tirer le plus grand parti de cette pratique.

 

Parmi les éléments qui allaient constituer l’univers de Martin du Gard, il faut enfin retenir les séjours qu’il fit dans la propriété de Clermont-de-l'Oise, dont il devait faire passer l’atmosphère dans Jean Barois, et à Maisons-Laffitte, où ses parents louaient chaque été une villa. C’est dans ce cadre fleuri et aéré qu’il situera en particulier le début de la liaison entre Jacques Thibault et Jenny de Fontanin.

 

Le chartiste

 

Après un échec à la licence ès lettres, Martin du Gard entra à l’École des chartes, et il lui fallut, avant d’obtenir son diplôme avec une thèse sur l'Abbaye de Jumièges, redoubler sa seconde année. Mais c’est à l’École des chartes qu’il prit le goût de l’histoire et l'habitude de la « probité » qui ont marqué son activité littéraire ultérieure. Il l’écrit le 8 avril 1935, dans une lettre à son ami Jean-Richard Bloch : « Notre formation d’historien et de chartiste est quelque chose de fort, de durable, qui explique une part de nous. Je l’éprouve pour moi. J’ai été un mauvais chartiste. J’y ai, du moins, appris des méthodes de travail, une “probité” qui m’ont servi énormément, me servent encore chaque jour. Libre aux coudions d’en rigoler! » Son passage à l’École des chartes explique sans doute la place importante, et parfois démesurée, comme dans Jean Barois, des événements historiques au sein de son œuvre. D’un autre côté, les habitudes prises aux Chartes, venant après celles que lui avaient inculquées Mellerio, bridaient sans doute une indolence naturelle et un goût pour le plaisir et la fantaisie qui dès lors n’allaient pouvoir s’exprimer que dans l’imaginaire et aussi dans la fascination pour les audaces de son ami Gide... Cette opposition est l’une des clefs de la création chez Martin du Gard. Par là se trouve en partie expliquée la réception de son œuvre, dans laquelle on voulut surtout voir le témoignage d’une époque — ce qui n’est qu’un de ses aspects — et qu’on jugea selon les critères apparents que l’auteur s’était imposés : la précision du plan et la rigueur de la construction.

 

Le roman dialogué

 

En 1910, à vingt-neuf ans, Martin du Gard sait définitivement ce qu’il veut, et il a sa voie tracée. Il s’est marié, s’est offert un peu d’exotisme en visitant l’Afrique du Nord pendant son voyage de noces, puis s’est installé à Paris. Il fait des séjours dans la propriété du Tertre, à Bellême, qui appartient à son beau-père et qu’il achètera plus tard. Une fille lui est née, Christiane. S’il n’exerce pas de métier, c’est parce qu’il n’a pas de soucis financiers — plus tard, en revanche, les avances sur droits d’auteur que lui versera généreusement Gaston Gallimard lui seront nécessaires — et parce qu’il sait qu’il pourra vivre en réalisant sa vocation : écrire.

A vrai dire, Martin du Gard a été un écrivain précoce, même s’il a longtemps tâtonné. Ses premières tentatives sérieuses remontent à l’année qui suit son entrée à l’École des chartes, 1901 : c’est d’abord un premier essai romanesque, la Chrysalide. En 1909, il publie, à compte d’auteur, son premier roman achevé, Devenir!, dont justement le personnage principal, André Mazerelles, rêve d'échapper à la carrière de notaire et veut s’écarter de la trajectoire familiale, pour devenir écrivain. Bien que, dans cette œuvre qui s’est assez mal vendue mais qui a reçu les encouragements de la critique, Martin du Gard rode une technique de composition par tableaux qui sera plus tard celle des Thibault, en fait il est en train de songer à quelque chose d’original : le roman dialogué. Il a été très tôt passionné par le théâtre, et il lui semble que, transposée dans le récit, la forme dialoguée, simplement interrompue par quelques indications scéniques, créerait un nouveau style. Celui-ci, comme il l’écrira le 1er septembre 1918 à Pierre Margaritis, s’adapterait «intelligemment à la vie moderne qu’il décrit, laquelle est rapide, changeante, pressée, cinématographique ». En 1903, il avait donc écrit, au retour de son service militaire, deux nouvelles dialoguées : Jean Fiers, d’abord, et la Méprise, ensuite. Il récrira cette dernière en 1913 avant de la publier en 1930 sous le titre Dialogue. Et si l’échec d'Une vie de saint, en 1906, lui fait abandonner provisoirement cette technique pour écrire Devenir!, en fait, il n’a pas renoncé à son obsession, et, en 1910, il commence le long roman qui allait le faire connaître : Jean Barois. C’est en 1913, année faste pour les lettres françaises, que paraît ce roman qui devait constituer un tournant décisif dans la carrière de Roger Martin du Gard : d’abord parce qu’il connut un grand succès public (et son auteur acquit la certitude qu’il était un véritable écrivain, pouvant vendre ses livres), ensuite parce qu’il permit à Martin du Gard d’être accueilli au sein de l’équipe de la Nouvelle Revue française. Il est d’ailleurs amusant de constater, en cette année 1913, un curieux chassé-croisé : les Éditions de la Nouvelle Revue française avaient refusé Du côté de chez Swann, que Proust s’était résigné à confier à Grasset; ce dernier, en revanche, qui s’était engagé par contrat en 1910, en publiant l'Une de nous — une étude que Martin du Gard fit par la suite mettre au pilon —, à prendre le manuscrit suivant de l’auteur, souleva des difficultés devant Jean Barois, qui était encore intitulé S'affranchir : «S'affranchir n’est pas un roman, c’est un dossier; vous avez voulu jouer la difficulté, et vous ne m’en voudrez pas de vous dire que vous avez été absolument battu. Mon avis très net [...] est que votre livre est absolument raté [...] et je défie un lecteur d’aller au-delà de la centième page » (lettre du 17 juin 1913). Dépité, Martin du Gard se souvint de son condisciple de Condorcet et confia son livre à Gaston Gallimard. Ce fut l’enthousiasme dans l’équipe de la Nouvelle Revue française, en particulier de la part de Gide et de Schlumberger : ce qui n’empêcha pas Gide de mettre plus tard Martin du Gard en garde contre l’« esprit N.R.F », trop « artiste », trop soucieux de style, et d’inciter son ami à conserver la force de son tempérament. Effectivement, tout en entretenant des liens d’amitié avec les gens de la N.R.F., Martin du Gard, pendant toute sa vie, prit soin de se tenir un peu à l’écart et de mener une carrière avant tout personnelle.

 

Le théâtre et l'amitié avec Jacques Copeau

 

On peut dire que Martin du Gard fut un véritable homme de théâtre, et c’est à tort que l’on méconnaît cet aspect de sa personnalité, même si, en tant qu’auteur, il n’obtint pas le succès qu’il aurait désiré. Son goût pour le théâtre remonte à l’époque où il était encore lycéen, et il a lui-même raconté que, s’il n’avait pas subi l’influence de Tolstoï, c’est vers l’art dramatique qu’il aurait tourné toutes ses forces.

 

En 1912, il s’était mis à écrire une farce paysanne, le Testament du père Leleu, et, admis dans le cercle des amis de la Nouvelle Revue française, il allait tout naturellement confier cette première pièce à celui qui à l’époque exerçait distraitement les fonctions de directeur de la revue tant il était accaparé par l’ouverture, en 1913, de son théâtre du Vieux-Colombier : Jacques Copeau. C’est dans ce théâtre que le 7 février 1914 la pièce fut créée, la mise en scène étant due à Copeau; Charles Dullin, Gina Barbiéri et Antoine Cariffa interprétaient les trois rôles. Le succès fut énorme, sans doute parce que, dans cette farce en trois actes, Martin du Gard réalisait la synthèse harmonieuse d’une tradition comique remontant au Moyen Âge et d’une peinture de mœurs dans le goût provincialiste de l’époque : il avait observé le caractère des paysans berrichons, avait su rendre leur langage pittoresque et fort, qui ajoutait à la drôlerie de l’intrigue. La pièce resta inscrite au répertoire de Copeau jusqu’en 1923, date à laquelle elle fut reprise par Louis Jouvet à la Comédie des Champs-Élysées.

 

Le milieu N.R.F. était acquis au théâtre, et Gide, Schlumberger, Henri Ghéon, Jules Romains, Georges Duhamel ne pouvaient que conforter les tendances de Martin du Gard. Mais celui-ci fut surtout marqué à cette époque par une profonde amitié pour Copeau, qui devint son compagnon quotidien et lui fit découvrir Tchékhov (Martin du Gard eut ainsi l’idée d’adapter les Trois Sœurs et la Cerisaie). Ce n’était pas assez d’écrire : Martin du Gard passait son temps au Vieux-Colombier, s’intéressait à tous les métiers du théâtre, et il amena sa femme à exercer les fonctions de costumière. En mars 1914, il accompagne même la troupe de Copeau en tournée en Angleterre, et là peut-être est-il allé jusqu'à faire de la figuration. Il fallut la guerre pour mettre un terme à cette frénésie. Pourtant, en 1919, lorsque Copeau rentre des États-Unis, Martin du Gard aide son ami à la réouverture du Vieux-Colombier.

« Mirbeau, Jean Lorrain, Zola, c'est-à-dire des auteurs que son milieu familial, catholique et bien-pensant, réprou­ vait.

Ce seront là les lectures clandestines de Jacques Thibault.

Il découvre également à cette époque l'œuvre de Tolstoï, qui devait avoir tant d'importance pour lui en lui révélant ce que devait être le travail du romancier.

Inquiet, son père le mit en pension chez un ancien nor­ malien, professeur à Janson-de-Sailly, Louis Mellerio, qui s'occupa de lui comme Antoine Thibault s'occupera de son frère.

Martin du Gard insiste lui-même sur tout ce que Mellerio lui apporta : une culture classique (l'ado­ lescent puisait librement dans l'abondante bibliothèque de son maître) et surtout l'habitude de faire des plans : Mellerio imposait quotidiennement à son disciple l'éta­ blissement de plans rapides sur les sujets les plus divers, et, devenu romancier, Martin du Gard devait tirer le plus grand parti de cette pratique.

Parmi les éléments qui allaient constituer l'univers de Martin du Gard, il faut enfin retenir les séjours qu'il fit dans la propriété de Clermont-de-l'Oise, dont il devait faire passer l'atmosphère dans Jean Barois, et à Mai­ sons-Laffitte, où ses parents louaient chaque été une villa.

C'est dans ce cadre fleuri et aéré qu'il situera en particulier le début de la liaison entre Jacques Thibault et Jenny de Fontanin.

Le chartiste Après un échec à la licence ès lettres, Martin du Gard entra à l'École des chartes, et il lui fallut, avant d'obtenir son diplôme avec une thèse sur l'Abbaye de -tumièges, redoubler sa seconde année.

Mais c'est à l'Ecole des chartes qu'il prit le goOt de l'histoire et l'habitude de la «probité>> qui ont marqué son activité littéraire ulté­ rieure.

Il l'écrit le 8 avril 1935, dans une lettre à son ami Jean-Richard Bloch : «Notre formation d'historien et de chartiste est quelque chose de fort, de durable, qui expli­ que une part de nous.

Je l'éprouve pour moi.

J'ai été un mauvais charti'>te.

J'y ai, du moins, appris des méthodes de travail, une "probité" qui m'ont servi énormément, me servent encore chaque jour.

Libre aux couillons d'en rigoler! >> Son passage à l'École des chartes explique sans doute la place importante, et parfois démesurée.

comme dans }l'an Barois, des événements historiques au sein de son œu.vre.

D'un autre côté, les habitudes prises aux Chartes, "enant après celles que lui avaient incul­ quées Mellerio, bridaient sans doute une indolence natu­ relle et un goOt pour Je plaisir et la fantaisie qui dès lors n'allaient pouvoir s'exprimer que dans J'imaginaire et aussi dans la fascination pour les audaces de son ami Gide ...

Cette opposition est l'une des clefs de la création chez Martin du Gard.

Par là se trouve en partie expliquée la réception de son œuvre, dans laquelle on voulut sur­ tout voir le témoignage d'une époque -ce qui n'est qu'un de ses aspects -et qu'on jugea selon les critères apparents que l'auteur s'était imposés : la précision du plan et la rigueur de la construction.

Le roman dialogué En 1910, à vingt-neuf ans, Martin du Gard sait défini­ tivement ce qu'il veut, et il a sa voie tracée.

Il s'est marié, s'est offert un peu d'exotisme en visitant l' Afri­ que du Nord pendant son voyage de noces, puis s'est installé à Paris.

Il fait des séjours dans la propriété du Tertre, à Bellême, qui appartient à son beau-père et qu' i 1 achètera plus tard.

Une fille lui est née, Christiane.

S'il n'exerce pas de métier, c'est parce qu'il n'a pas de soucis financiers - plus tard, en revanche, les avances sur droits d'auteur que lui versera généreusement Gaston Gallimard lui seront nécessaires -et parce qu'il sait qu'il pourra vivre en réalisant sa vocation :écrire.

A vrai dire, Martin du Gard a été un écrivain précoce, même s'il a longtemps tâtonné.

Ses premières tentatives sérieuses remontent à l'année qui suit son entrée à l'Ecole des chartes, 1901 :c'est d'abord un premier essai romanesque, la Chrysalide.

En 1909, il publie, à compte d'auteur, son premier roman achevé, Devenir!, dont jus­ tement le personnage principal, André Mazerelles, rêve d'échapper à la carrière de notaire et veut s'écarter de la trajectoire familiale, pour devenir écrivain.

Bien que, dans cette œuvre qui s'est assez mal vendue mais qui a reçu les encouragements de la critique, Martin du Gard rode une technique de composition par tableaux qui sera plus tard celle des Thibault, en fait il est en train de songer à quelque chose d'original : le roman dialogué.

Il a été très tôt passionné par le théâtre, et il lui semble que, transposée dans le récit, la forme dialoguée, simplement interrompue par quelques indications scéniques, créerait un nouveau style.

Celui-ci, comme il l'écrira le 1er sep­ tembre 1918 à Pierre Margaritis, s'adapterait « intelli­ gemment à la vie moderne qu'il décrit, laquelle est rapide, changeante, pressée, cinématographique>>.

En 1903, il avait donc écrit, au retour de son service mili­ taire, deux nouvelles dialoguées : Jean Flers, d'abord, et la Méprise, ensuite.

Tl récrira cette dernière en 1913 avant de la publier en 1930 sous le titre Dialogue.

Et si l'échec d'Une vie de saint, en 1906, lui fait abandonner provisoirement cette technique pour écrire Devenir!, en fait, il n'a pas renoncé à son obsession, et, en 1910, il commence le long roman qui allait le faire connaître : Jean Barois.

C'est en 1913, année faste pour les lettres françaises, que paraît ce roman qui devait constituer un tournant décisif dans la carrière de Roger Martin du Gard : d'abord parce qu'il connut un grand succès public (et son auteur acquit la certitude qu'il était un véritable écrivain, pouvant vendre ses livres), ensuite parce qu'il permit à Martin du Gard d'être accueilli au sein de l'équipe de la Nouvelle Revue française.

Il est d'ailleurs amusant de constater, en cette année 1913, un curieux chassé-croisé : les Éditions de la Nouvelle Revue fran­ çaise avaient refusé Du côté de chez Swann, que Proust s'était résigné à confier à Grasset; ce dernier, en revan­ che, qui s'était engagé par contrat en 1910, en publiant l'Une de nous- une étude que Martin du Gard fit par la suite mettre au pilon -, à prendre le manuscrit suivant de J'auteur, souleva des difficultés devant Jean Barois, qui était encore intitulé S'affranchir : «S'affranchir n'est pas un roman, c'est un dossier; vous avez voulu jouer la difficulté, et vous ne rn' en voudrez pas de vous dire que vous avez été absolument battu.

Mon avis très net [ ...

) est que votre livre est absolument raté [ ..

.

) et je défie un lecteur d'aller au-delà de la centième page» (lettre du 17 juin 1913).

Dépité, Martin du Gard se sou­ vint de son condisciple de Condorcet et confia son livre à Gaston Gallimard.

Ce fut l'enthousiasme dans l'équipe de la Nouvelle Revue française, en particulier de la part de Gide et de Schlumberger : ce qui n'empêcha pas Gide de mettre plus tard Martin du Gard en garde contre l'« esprit N .R.F », trop « artiste », trop soucieux de style, et d'inciter son ami à conserver la force de son tempéra­ ment.

Effectivement, tout en entretenant des liens d'ami­ tié avec les gens de la N.R.F., Martin du Gard, pendant toute sa vie, prit soin de se tenir un peu à 1 'écart et de mener une carrière avant tout personnelle.

Le théâtre et l'amitié avec Jacques Copeau On peut dire que Martin du Gard fut un véritable homme de théâtre, et c'est à tort que 1' on méconnaît cet aspect de sa personnalité, même si, en tant qu'auteur, il n'obtint pas le succès qu'il aurait désiré.

Son goût pour le théâtre remonte à l'époque où il était encore lycéen, et il a lui-même raconté que, s'il n'avait pas subi l'in-. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles