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MERCIER Louis-Sébastien: sa vie et son oeuvre

Publié le 25/11/2018

Extrait du document

MERCIER Louis-Sébastien (1740-1814). «Monsieur l’âne comme il n’y en a point », dit une image du temps : Louis-Sébastien Mercier n'a pas échappé à la caricature; pas plus qu’aux jugements les plus opposés : « exagé-reur » (sic), selon Métra, « infatigable barbouilleur », selon Grimm, « extravagant », selon Dussault, « reporter », selon Jules Lemaitre, « phrasier sentencieux », selon Nodier — tous ces auteurs lui reconnaissant par ailleurs vertu et courage. Mercier est bien, comme le dit Geneviève Bollème, qui a fait de lui le plus chaleureux des portraits, un auteur qui « n'écrit qu’à l’extrémité », qui « a tout dit, tout écrit, au nom du bonheur que les hommes se doivent les uns les autres et à eux-mêmes ». Avec lui, nous sommes devant le paradoxe d’un homme à qui toute la critique, depuis le xixe siècle, reconnaît (sans parfois l’avoir lu) une influence énorme, une présence incontournable, sans lui accorder le moindre « génie ». Voilà pourquoi sa fortune est plus connue que son œuvre. Mercier, comme Sade, est inclassable, donc « refoulé ». Ce « polygraphe » (G. Bollème) publia plus d’une centaine d’ouvrages, et tant d’articles qu’il parvenait avec peine à établir sa propre bibliographie; et l’on possède encore de lui dix mille pages inédites.

 

Un original

 

Seule la première partie de la vie de Mercier est bien connue. Né à Paris, il devient professeur de rhétorique à Bordeaux. Introduit dans la littérature par quelques œuvres fort conventionnelles (notamment quelques Héroïdes et une traduction de l'Homme sauvage de Pfeil), il écrii des Songes philosophiques (Londres et Paris, 1768). Enthousiasmé par l’œuvre de Rousseau, il rencontre celui-ci à Paris autour de 1770. Il se lie avec Crébillon fils, Rouelle, Diderot, Letourneur (le traducteur de Shakespeare et de Richardson) et écrit de nombreux drames dans le style de « l'avant-garde » théâtrale des années 1760 (Diderot, Sedaine, Saurin) et inspirée des Anglais (Edward Moore, Lillo) : Jenneval ou le Bar-nevelt français (1769), le Déserteur (1770), Olinde et Sophronie (1V71), Jean Hennuyer, évêque de Lisieux (1772). Il fait suivre ces drames historiques d’un ouvrage théorique et polémique qui a un énorme retentissement et qui lui vaut de nombreux ennemis : Du théâtre ou Nouvel Essai sur l'art dramatique (1773). L’hostilité des Comédiens-français (dont il attaque violemment les traditions) ne devait désarmer qu’en 1787 lorsque Mercier leur confia la Maison de Molière, pièce imitée de Goldoni. Mais les pièces qu’il a écrites entre-temps (notamment le Brouette du vinaigrier, 1775) rencontrent un énorme succès au théâtre des Associés et en province. Ce sont tantôt des drames historiques (la Destruction de la Ligue ou la Réduction de Paris, 1782; la Mort de Louis XI, 1783), tantôt des drames qui montrent un être humain aux prises avec les difficultés et les devoirs de son état dans la société (le Juge, 1774); Mercier mène de front constamment l'écriture dramatique et la réflexion théorique sur le théâtre et son public, que ce soit dans les préfaces de ses pièces ou dans De la littérature et des littérateurs, suivi d'un Nouvel Examen de la tragédie française (1778).

 

Il commence à publier en 1781 son Tableau de Paris, étrange et irremplaçable document sur la France d’avant 1789, qui connaît un succès considérable (jusqu’au XIXe siècle) en France et en Europe, mais que la censure fait saisir. Mercier s’enfuit à Neuchâtel, où il achève son ouvrage (12 volumes) et écrit Mon bonnet de nuit (1784). C’est que, depuis 1771, dans son roman utopique F An 2440, rêve s'il en fut jamais, Mercier se situe dans la fraction la plus radicalement politique de l’élite des Lumières. A l'approche de la Révolution, il revient d’Allemagne, se lance dans l'activité journalistique (il collabore aux Annales patriotiques et littéraires de la France et à divers autres journaux), puis est élu à la Convention en 1793. Il refuse de voter la mort du roi, alors même qu’il a menacé les rois, dans T An 2440 et dans Charles II (1789), du sort de Charles Ier. Arrêté avec les Girondins,

 

il a la chance de se faire oublier dans sa prison, dont il ne sort qu’après le 9-Thermidor. Membre du Conseil des Cinq-Cents, il fait des interventions saugrenues et contradictoires (contre le transfert des cendres de Descartes au Panthéon, contre le divorce, etc.), puis devient professeur d'histoire à l'École centrale. Pendant toute la Révolution, son œuvre s’est poursuivie (essais, comédies). Il écrit une Histoire de la France (1800), Néologie ou Vocabulaire de mots nouveaux (1801), Nouveau Paris (1798). Il se lie avec Rétif et Cubières-Palmézeaux. Resté un républicain intraitable, il est marginalisé et peu à peu oublié sous l’Empire. Son succès fut considérable jusqu’à la fin du xvmc siècle, et des études récentes montrent que son influence fut durable, notamment à l’étranger. Non seulement son théâtre fut joué parfois jusqu'au milieu du xixe siècle en Allemagne, à Venise, à Amsterdam, en Russie, mais des auteurs comme Lenz, Jean-Paul, Büchner, Victor Hugo et les romantiques français lui ont rendu hommage explicitement ou par leurs emprunts.

 

De l'utopie au réel

 

Il n’est pas possible d’embrasser d’un seul regard un ensemble aussi confus, aussi immense, et qui n’a cessé de se modifier. Mercier dirige son œuvre dans une direction unique mais reprend, réévalue constamment ses propres idées, ses ouvrages passés (qu’on se reporte, par exemple, aux éditions successives et augmentées de F An 2440) au fur et à mesure des événements. C’est qu’il veut être (avoir été) toujours actuel et engagé; ce qui donne à son écriture une allure protéiforme et l’empêche de s’immobiliser dans la totalité monumentale de l’œuvre littéraire. Le travail de Mercier n’est jamais séparable de la société en mouvement à qui il la destine; il est toujours transformateur et transformé. L'An 2440..., que Mercier écrivit à la fin de 1770, présente l’image rationalisée d'un accomplissement futur du progrès et du mouvement des Lumières auquel l’auteur s’associe.

« selon Grimm, « extravagant », selon Dussault, >, selon Jules Lemaitre, « phrasier sentencieux », selon Nodier -tous ces auteurs lui reconnaissant par ailleurs vertu et courage.

Mercier est bien, comme Je dit Geneviève Bollème, qui a fait de lui le plus chaleureux des portraits, un auteur qui «n'écrit qu'à l'extrémité», qui « a tout dit, tout écrit, au nom du bonheur que les hommes se doivent les uns les autres et à eux-mêmes >>.

Avec lui, nous sommes devant le paradoxe d'un homme à qui toute la critique, depuis le x1x• siècle, reconnaît (sans parfois J'avoir lu) une influence énorme, une pré­ sence incontournable, sans lui accorder le moindre « génie >>.

Voilà pourquoi sa fortune est plus connue que son œuvre.

Mercier, comme Sade, est inclassable, donc théâtrale des années 1760 (Diderot, Sedaine, Saurin) et inspirée des Anglais (Edward Moore, Lillo) : Jenneval ou le Bar­ nevelr français (1769), le Déserteur ( 1770), Olinde et Sophronie (1 �' 7 1), Jean Hennuyer, évêque de Lisieux ( 1772).

Il fait suivre ces drames historiques d'un ouvrage théorique ct polémique qui a un énorme retentissement et qui lui vaut de nombreux ennemis : Du théâtre ou Nouvel Essai sur l'arr dramatique ( 1773).

L'hostilité des Comédiens-français (dont il attaque violemment les traditions) ne devait désarmer qu'en 1787 lorsque Mer­ cier leur confia la Maison de Molière, pièce imitée de Goldoni.

Mais les pièces qu'il a écrites entre-temps (notamment le Brouette du vinaigrier, 1775) rencontrent un énorme succès au théâtre des Associés et en province.

Ce sont tantôt des drames historiques (la Destruction de la Ligue ou la.

Réduction de Paris, 1782; la Mort de Louis Xl, 17 8 3), tantôt des drames qui montrent un être humain aux prises avec les difficultés et les devoirs de son état dans la société (le Juge.

1774): Mercier mène de front constamment l'écriture dramatique et la réflexion théorique sur le théâtre et son public, que ce soit dans les préfaces de ses pièces ou dans De la littérature et des littérateurs, suivi d'un Nouvel Examen de la tragédie française ( 17 78).

Il commence à publier en 1781 son Tableau de Paris, étrange et irremplaçable document sur la France d'avant 1789, qui connaît un succès considérable Uusqu 'au x1x• siècle) en France et en Europe, mais que la censure fait saisir.

Mercier s'enfuit à Neuchâtel, où il achève son ouvrage ( 12 volumes) et écrit Mon bonnet de nuit ( 1784).

C'est que, depuis 1771, dans son roman utopique 1 'An 2440.

rêve s'il en fut jamais, Mercier se situe dans la fraction la plus radicalement politique de l'élite des Lumières.

A l'approche de la Révolution, il revient d'Al­ lemagne, se lance dans l'activité journalistique (il colla­ bore aux Arma/es patriotiques er littéraires de la France et à divers autres journaux), puis est élu à la Convention en 1793.

Il refuse de voter la mort du roi, alors même qu'il a menacé les rois, dans l'An 2440 et dans Charles II ( 1789), du sort de Charles ycr.

Arrêté avec les Girondins, il a la chance de se faire oublier dans sa prison, dont il ne sort qu'après le 9-Thermidor.

Membre du Conseil des Cinq-Cents, il fait des interventions saugrenues et contradictoires (contre le transfert des cendres de Des­ cartes au Panthéon, contr_y le divorce, etc.), puis devient professeur d'histoire à l'Ecole centrale.

Pendant toute la Révolution, son œuvre s'est poursuivie (essais, comé­ dies).

Il écrit une Histoire de la France (1800), Néologie ou Vocabulaire de mots nouveaux ( 1801 ), Nouveau Paris ( 1798).

Il se lie avec Rétif et Cubières-Palmézeaux.

Resté un républicain intraitable, il est marginalisé et peu à peu oublié sous 1 'Empire.

Son succès fut considérable jusqu'à la fin du xvm< siècle, et des études récentes montrent que son influence fut durable, notamment à l'étranger.

Non seulement son théâtre fut joué parfois jusqu'au milieu du XIXs siècle en Allemagne, à Venise, à Amsterdam, en Russie, mais des auteurs comme Lenz, Jean-Paul, Buchner, Victor Hugo et les romantiques français lui ont rendu hommage explicitement ou par leurs emprunts.

De l'utopie au réel Il n'est pas possible d'embrasser d'un seul regard un ensemble aussi confus, aussi immense, et qui n'a cessé de se modifier.

Mercier dirige son œuvre dans une direc­ tion unique mais reprend, réévalue constamment ses pro­ pres idées, ses ouvrages passés (qu'on se reporte, par exemple, aux éditions successives et augmentées de l'An 2440) au fur et à mesure des événements.

C'est qu'il veut être (avoir été) toujours actuel et engagé; ce qui donne à son écriture une allure protéiforme et l'empêche de s'immobiliser dans la totalité monumentale de l'œu­ vre littéraire.

Le travail de Mercier n'est jamais sépara­ ble de la société en mouvement à qui il la destine; il est toujours transformateur et transformé.

L'An 2440 ...

, que Mercier écrivit à la fin de 1770, présente l'image rationa­ li ée d'un accomplissement futur du progrès et du mou­ vement des Lumières auquel l'auteur s'associe.

Le narra­ teur.

après une conversation déprimante avec un vieil Anglais, s'endort pour se réveiller dans un songe, il se retrouve à Paris six cent soixante-douze ans plus tard.. »

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