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MICHEL-ANGE

Publié le 02/09/2013

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1475 -1564

SELON Vasari, Michel-Ange composa ses premiers vers à Bologne où il fut quelques mois l'hôte et le protégé de Jean-François Aldrovandi (1494-1495). Il avait alors vingt ans. Plus tard, il détruisit ses poèmes de jeunesse, si bien que les premiers de ceux qui nous ont été conservés ne sont pas antérieurs à 1504. Quant aux derniers, ils lui furent inspirés par l'imminence de la mort. Jalonnant une très longue vie, ils forment un volume assez mince : au total, une soixantaine de sonnets, autant de madrigaux, quelques épigrammes, chansons et autres pièces, dont beaucoup sont ina¬chevées. Il ne les publia jamais de son vivant. Recueillis et imprimés à Florence, en 1623, par les soins de son neveu, ils ont fait depuis l'objet de nombreuses éditions, dont la meilleure reste celle de Carl Frey (Berlin, 1897). Leur première traduction française est due à Lannau-Rolland (1875) ; elle fut suivie de beaucoup d'autres, parmi lesquelles sont à signaler celles de Paul Hazard et de Mme Marie Dormoy.

De la correspondance de Michel-Ange, il subsiste environ cinq cents lettres. Enfin, on peut joindre à son oeuvre littéraire les propos rapportés par ses contemporains, entre autres par Vasari, Donato Giannotti et surtout Francisco de Hollanda. Ce dernier, fils d'un miniaturiste hollandais établi au Portugal, connut Michel-Ange à Rome (1538), recueillit les paroles du maître et en com¬posa ses Quatre dialogues sur la peinture. Cet ouvrage, écrit en 1548, ne fut imprimé que trois cents ans plus tard, dans la version française de Roquemont (1846). Le texte original a été publié depuis (1896), ainsi qu'une nouvelle traduction française, par Léo Rouanet (1911).

L'étude des Lettres et des Propos est indispensable à qui veut se faire une juste idée de la pensée de Michel-Ange et même de son talent littéraire. On y retrouve, mêlés à des notations plus familières, tous les thèmes de sa poésie. Sans doute les présente-t-il avec moins de subtilité raffinée et parfois sous le déguisement de l'ironie; mais ses vers mêmes, quelles que soient leurs beautés formelles, sont moins admirables par l'expression que par ce qu'ils expriment et par l'emporte¬ment des passions qui s'y traduisent. Aux versificateurs les plus savants (et l'Italie de ce temps en produisait d'incomparables), Berni opposait Michel-Ange : « Silence à vous! s'écriait-il, il dit des choses, et vous ne dites que des mots. «

« Ill? «Je suis vieux », écrit-il à Luca Martini, et la mort m'a enlevé les soucis de la jeunesse.

Celui qui ignore ce qu'est la vieillesse doit attendre d'y arriver pour le savoir : c'est impossible aupa­ ravant.

» Ceci en 1546.

Il a soixante et onze ans; il ne mourra que dix-huit ans plus tard (en février 1564), et il y a déjà longtemps qu'il se sent vieux, très longtemps qu'il se croit vieux, qu'il pense et qu'il vit sa vieillesse.

En 1512, quand il achève le plafond de la Sixtine, il n'a que trente­ sept ans, mais sa maturité est surprenante, et d'autre part les fatigues qu'il s'est imposées ont déformé prématurément son corps.

Il souffre d'être laid.

Sa santé est ruinée, mais il tiendra bon.

Un demi-siècle de labeur acharné l'attend, interminable et féconde vieillesse dont ses poèmes, quelle que soit l'occasion qui les fera naître, seront tous les cris douloureux : Si, dans la fleur de l'âge une ardeur faible encore détruit en peu de temps un cœur vigoureux, que fer a-t-il, ce feu insatiable, enfermé dans un cœur près de mourir et souvent brûlé? «JE l'ai souvent entendu parler de l'amour, rapporte Condivi, et ceux qui étaient présents disaient qu'il n'en parlait pas autrement que Platon.

Pour ma part, je ne sais ce que Platon en a dit; mais je sais bien qu'après avoir eu si longtemps et si intimement commerce avec lui, je n'ai jamais entendu de sa bouche que les propos les plus honorables, qui avaient la vertu d'éteindre chez les jeunes gens les désirs déréglés qui les agitent.

» A Donato Giannotti, il fait cette confi­ dence : «Je suis l'homme le plus porté à l'amour qui ait jamais existé en aucun temps.

»Tel est, au terme de sa vie, son principal sujet d'orgueil.

Non pas qu'il eût jamais à tirer gloire de ses succès.

Les deux êtres qu'il aima avec le plus de passion : Tommaso de' Cavalieri et Vittoria Colonna ne pouvaient guère répondre à l'ardeur épurée mais dévorante qui était la sienne et qui s'exprime dans un grand nombre de ses poèmes.

Il n'obtint jamais que l'amitié et le respect.

Que devait-il espérer d'autre du jeune et parfait gentilhomme qu'était Cavalieri et de la veuve inconsolable du marquis de Pescara? Mais lui se donnait tout entier, se jetait aux pieds de ses idoles, en sorte qu'à ses poèmes d'amour on est toujours tenté de supposer un envers métaphysique ou théologique.

Et souvent on n'a pas à le supposer.

La vue d'un beau visage « le transporte au ciel », lui ouvre la voie du bien suprême.

On dira qu'il s'apparente, en cela, aux poètes de son siècle, qu'il suit une mode; mais son âpre génie le maintient dans la solitude.

Mes yeux épris des choses belles et mon âme de son salut n'ont d'autre vertu pour s'élever au ciel que la contemplation de la beauté.

Des plus hautes étoiles descend une splendeur qui inspire le désir du ciel.

Son nom est amour.

Amour, ardeur et bon conseil, un noble cœur ne les reçoit que d'un visage ayant aux yeux la ressemblance des étoiles.

De tant de poèmes (sonnets et madrigaux) où Michel-Ange reprit ce thème, un des plus admirables est sans doute celui qu'il adresse à Tommaso de' Cavalieri (et non pas à Vittoria Colonna comme on l'a dit souvent) et qui commence par les mots : Non vider gli occhi miei cosa mortale (Edit.

Frey, LXXIX).

En voici la traduction, aussi littérale que possible : Mes yeux ne virent pas une chose mortelle quand m'éblouit pour la première fois la flamme de tes yeux limpides; et mon âme espéra trouver la paix en eux : l'âme toujours vole à sa fin dernière.

Déployant son aile vers les hauteurs d'où elle est descendue, elle ne tend plus à cette beauté trop faible et trop fallacieuse qui est le plaisir des yeux; elle se tourne vers la forme universelle.

Au sage, en vérité, ce qui meurt ne peut donner repos; il ne lui convient pas d'aimer ce que le temps fait changer de pelage.

La volupté n'est pas amour mais appétit sans frein et mort de l'âme; l'amour rend les âmes parfaites ici­ bas, mais plus parfaites au ciel.

Michel-Ange ne se borne pas ici à opposer la sensualité à l'amour spirituel; il nous dit l'origine céleste de l'âme, son désir incessant de revenir à l'unité divine (laforma universale) et aussi la voie qu'elle emprunte pour s'y élever.

Cette voie, c'est la beauté et, plus particulièrement, celle du visage humain, et, dans ce visage, celle des yeux.

Nos yeux contemplent un visage mortel, des yeux mortels, et pourtant ce n'est pas «une chose mortelle » qu'ils voient, car ils découvrent dans. »

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