Michel TOURNIER: vie et oeuvre

« Â Vendredi ou la vie sauvage (version a remaniée par l'auteur de Vendredi ou les limbes du Pacifiq ue) dans une mise en scène d 'Antoin e Vitez (193 0-1990) , au Théâtre nationa l de Chaillot en 1973.

Dans son sec ond roman, le Roi des Au lnes (paru en 1 970 e t qui re çut le prix Goncourt à l'unan im it é), le pe r sonnag e principa l, Tiff a uges, illustre parfaite m e nt ce propos: ce héros est un ogre.

To ur à to u r colombop hil e, garde-c hasse dans les rése rves de l'ogre Goer ing , instru c te ur pour les enfants SS destinés à l' appé tit d évo rant du rég ime nazi- qu 'il a ppelle le cc Grand Ogre ••.

Si Abel Tiffauges s ' ass imile d'abord au roi des Aulnes, l'ogr e ge rm aniqu e, ama teur de c hair fraîche, il dev ient e nsuit e saint Christophe le sau ­ \·eur.

En effet, il sauve d e la guerr e un enfant juif , Ephraïm .

Pu i s, Tiffa uges guidé par l'enfant, voya­ ge à travers la Pruss e Orientale et dans cette te rre de tourbes et d e la cs aux eaux pures, il r e n contr e des mons tres, avec qui il entretient de secrètes affin ités, à m esure qu'il s'e nfonce de p lus e n plus dans la q uê te de se s r acines.

Dans les M été ores (1975), l'écrivain déve lop­ pe avec pertin e nce le thè m e de la gémellit é: l'hi s­ toire de Jean e t Pau l se situ e e n Bretagn e dans les années 1930.

Les jumea ux prat iqu ent un langag e et des codes qui leur s o nt propres , e t l eur resse m­ blance est si frappa nte qu 'on les nomme Jean­ Paul.

Ma is J ean voudr ait é chappe r à cette union étouffan te.

Il quitt e le pays.

Paul se la n ce à sa poursu ite à trave rs le monde , mais ne parviendra pas le r ejo indr e.

Il surmont e sa détresse lorsqu 'il découv r e le sort f abul eux r éservé p ar la mytho lo­ gie au jume au dép a rié : la fraternité avec les météores, qui fait de lui le frèr e des é lé m e nts .

Dans te· Roi des Auln es et / es Météores , Tour­ nier réac tualise le m ythe de la scissio n o rigin elle tout en p laça nt ces personnages dans le mo nde moderne aux prises avec le s é vénemen ts po li- tiques qui lui sont propres.

Chaq ue roman se déroule à de ux niv eaux: le contenu manifeste se situe dans le mond e d'aujourd'hui , le con tenu latent renvoi e a ux m y thes origine l s.

L'og re Tif ­ fauges (du nom de l'un des châtea u x de Gilles d e Rais ), par exe mpl e, n'est pas un cann iba le au sens propr e du terme, il symb olise un anthropo­ phage imagin a ire : l ' ogre, c'es t le nazisme.

Mythes et initiations En 1980 paraît Gaspard , Melchior et Balthazar, la l égende des rois mag es, que des siècles d 'a rt e t de p~ét é ont bâtie à partir d'un bref ép isode de l'Evangil e.

Ce livre se présente comme une épo­ pée, où se mêle nt la réalité mythique e t le réalis­ m e des contes.

D ans la même lignée, Gilles et Jeanne (1983) évoq u e l'amitié , à travers les cam­ pagn es milit air es, qui a uni Gilles de Rais et Jean­ n e d' Arc.

Gill es de Ra is est lui aussi une sorte d'ogre, il pratiquait l'alc himi e et la magie noire , e t au cours d e ses pratiques, il fit périr de cent qua­ rante à trois cents enfants.

Mich e l Tourni er s'a t­ tache autant à l'homm e qu'à la l ége nde créée au cours des siècles .

C'est le premier roman cour t qu'il écrit.

Il veut y transporter le l ecteur dans l'in­ té riorit é de ces personnages: ceLa plus terrible de ces histoir es qui se colporta ient à mi-voix devait plus tard entr er dans le trésor des con tes de fée.>> Les romans de Tourni er doivent être compr is comme des œ uvr es initiatiques; ell es dégagent une én e rgie féroce au service d 'une entreprise de rachat, où nombre de l ecteurs peuvent découvrir pour e ux-m êm es un e issue de seco ur s à l'en­ co ntr e d es pr é jug és, des mod es d e vie d'une époque cantonn ée dan s ses principes.

Les per­ sonnages inv entés par l'éc rivain sont, a u cours de leur histoir e, profondément transformés par les évé nem e nts extérieurs ; ils s ubi ssent un profond boul eve rsem e nt int é rieur qui l es rend mécon ­ naissabl es à l'i ssue du drame .

Dans un essa i autobiographique, le Ven t Fbra­ cle t, ( 1977), Mic h el Tourni er nous dévoil e sa concep tion très personne lle du mé tier d'écrivain et son chem ine m e nt int ell ectuel.

Il y confesse au lecteur son initiation dans ce domaine- ecce métier me permet de mettr e e n musique m es propres pleurs ••-mais aussi la source de ses ins­ pirations et le c hoix de ses histoires .

Il y parle de la cc métamorphose du destin en destinée ••.

L'œuvre photographique et les contes Dans la Goutte d 'or (1986), T ournier évoque les va leurs c ultur ell es des pays du Maghreb pour nous mettre en garde, nous autres Occidentaux , con tre notre opium : le c ulte d es images , que ce soit la photographie, la té l évision ou le c inéma .

L'histoire contée est celle d' un jeune berger ber­ b ère qui vit dans une oasis.

Son destin est boule­ versé le jo ur où une fe mm e blonde descend de sa voiture pour le prendr e en photo .

Cette intru­ sion le f asc ine e t le min e.

Il se lance à sa poursui­ te a fin de reprendre la parti e de son âme que l'envoûteuse lui a volé.

Michel T ou rnier a lui-m êm e r éalisé de très nombreuses photographiques et e n 1979 , a publi é Des clefs et des serrur es, qui ré uni des textes et des images.

Puis il collabor e avec Édouard Boubat (Mi roirs, Vues d e dos, 1981 ) et Arthur Tress (Rêves).

Ce dernier transform e ses clich és e n col­ lages afin de c réer un univ ers ambigu et onirique .

L'écrivain est aussi un conteur d e talent : pour lui , le conte est le genre supr ême e n litt érature car il s'appar e nte à la poésie .

En 1978 paraît le Coq d e bruy ère, un recu e il d e contes et de récits , e t en 1989 , le Médianoch e amoureux , où un couple inv it e d es am is à un dîn er au cou rs duquel ch acun raconte un conte à partir de celui narré par le pr écé dent.

Il a éga le m e nt écrit Pierrot ou les sec re ts de la nuit et Sept contes.. »