TOURNIER Michel (vie et oeuvre)

TOURNIER Michel (né en 1924). Depuis 1970, les œuvres de Michel Tournier ont assuré à leur auteur une célébrité un peu paradoxale; alors que les « nouveaux romans » deviennent des classiques, que la plupart des critiques et des sémiologues soulignent à quel point la littérature « moderne » s’attache à détruire le sens de l’œuvre, un écrivain s’impose qui recourt aux artifices les plus usuels de l’écriture; peu importerait alors l’élaboration originale de la technique qui, de Flaubert à Robbe-Grillet, constituait le point de départ et l’aboutissement du langage littéraire et de ses significations multiples. L’écrit, se voulant explicite, consacrerait le retour d’un « message » transcendant la forme même de l’expression.

Il est cependant difficile de voir en cette œuvre, qui déploie, livre après livre, de nouveaux mythes, une simple collection d’« histoires », qui expliqueraient benoîtement ce qu’il faut comprendre. Tournier se plaît d’ailleurs lui-même à souligner l’ambiguïté de sa démarche : « Mon propos n’est pas d’innover dans la forme, mais de faire passer au contraire dans une forme aussi traditionnelle, préservée et rassurante que possible une matière ne possédant aucune de ces qualités » (le Vent Paraclet). Affirmation qui vise à mettre en garde le lecteur : Vendredi ou les Limbes du Pacifique n’est sans doute pas seulement une nouvelle version du mythe du bon sauvage, ni les Météores « une illustration du grand thème du couple humain »; cette « matière » inquiétante qui compose les mythes exploités, falsifiés ou inventés par Tournier rappelle plus les romans philosophiques de la littérature allemande, de Novalis à Hermann Hesse, que le récit balzacien. La philosophie et la culture germaniques restent d'ailleurs pour l'écrivain des références majeures — et le titre d’un de ses ouvrages, le Roi des Aulnes, souligne notamment un rapprochement avec un poème de Goethe.