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MOLIERE ET L'EDUCATION DES FEMMES

Publié le 26/06/2011

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C'est la même sagesse, la même sobriété qui doit nous guider dans l'éducation des femmes. Molière est revenu sur ce sujet avec plus de complaisance que sur tout autre, dans les Précieuses ridicules, dans l'Ecole des maris, dans l'Ecole des femmes, dans les Femmes savantes. La question n'avait pas cessé d'être d'actualité ; et c'est encore cette actualité qu'il faut bien connaître si l'on veut comprendre exactement les idées de Molière. Dans l'Ecole des femmes, dans les Femmes savantes, quelque peu dans les Précieuses ridicules, il y a deux problèmes qui ne Sont pas nécessairement liés. D'abord celui de la préciosité. En 1672, Philaminte, Armande et Bélise sont encore des précieuses à la mode de 1659. Elles se pâment à la lecture du madrigal et de l'épigramme de Trissolin-Cotin que Molière a choisis avec dextérité parmi les plus mauvais exemples de la préciosité ridicule. Comme Cathos et Madelon, Philaminte rêve de fonder une académie où l'on montrera que les femmes sont aussi capables d'intelligence que les hommes et qu'on n'a pas le droit de les réduire aux tâches ménagères et aux futilités. 

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« Sablé, curieuse plutôt de physique ; Mme de la Sablière " qu'estime, dira Boileau, Roberval et que Sauveur fréquente", chez qui viennent et dissertent, avec le physicien Roberval et le mathématicien Sauveur, l'orientaliste Herbe-lot,le voyageur Bernier, des médecins, des anatomistes.

Puis toutes celles que passionne surtout la philosophie, quisont naturellement cartésiennes, qui discutent, avec La Fontaine, de " l'âme des bêtes ", Mme de Grignan, Mme deBonnevaut, Mile de la Vigne, Mlle Descartes, la nièce du philosophe, Mlle Marie Dupré, Mile de Wailly qui pré-.

siclechez Malebranche un petit cercle philosophique.

Sans parler de Mme de Lafayette, qui apprend avec Ménage toutessortes de choses ; et de Mme de Sévigné qui sait beaucoup, qui voudrait bien pour l'amour de sa fille, entendre toutDescartes ; mais qui, toutes les deux, s'en tiennent plutôt aux belles-lettres et à la morale et restent dansl'antichambre des mathématiques, de la physique et de l'astronomie.Pour que les dames avancent plus commodément dans ces routes nouvelles et pour répondre à ceux qui veulent lesmaintenir « dans la dépendance » et dans l'ignorance, on publie des justifications et des sortes de programmes : en1662, une Apologie de la science des dames, qui est, dix ans à l'avance, une réfutation des Femmes savantes ; lesDames illustres, de Jacquette Guillaume (1665) ; les Avantages que les femmes peuvent recevoir de la philosophie etprincipalement de la morale, de notre Louis de Lesclache (1667), où de Lesclache reconnaît d'ailleurs que ni laphilosophie, ni la morale, ni la physique, ni la science ne doivent détourner les femmes de leurs devoirs domestiqueset qu'il y a des femmes savantes ridicules et calamiteuses.

Tout le monde, en effet, sans exception, reconnaîthautement que la science des dames est, comme toutes choses, soumise aux lois sacrées de la bienséance.

Lessavantes sont, doivent être des femmes du monde.

Dans le monde on a horreur des pédants et à plus forte raisondes pédantes.

Si l'honnête homme est "celui qui ne se pique de rien", l'honnête femme est, presque, celle dont on nepeut même soupçonner qu'elle puisse se piquer de quelque chose.

Quand on fait l'éloge des savantes c'est presquetoujours pour ajouter qu'on ne croirait pas qu'elles le sont et qu'elles n'ont pas le moins du monde renoncé à lamodestie et aux grâces de leur sexe.

" J'excuserais encore plutôt, dit l'Apologie de la science des daines, une femmequi tirerait vanité de sa coiffure ou de son bel habit que de la science ".N'oublions pas d'ailleurs que ces femmes savantes restent une élite à qui la fortune, les loisirs, leur famille ont permisde s'instruire.

Car le prestige des sciences, la mode, toutes les apologies de la science des dames n'ont eu aucuneinfluence sur l'éducation et l'instruction que recevait l'immense majorité des jeunes filles.

Nous sommes assez malrenseignés sur l'exact programme, vers 1672, des couvents où la plupart d'entre elles étaient élevées depuis leurplus jeune âge.

Mais le Traité de l'éducation des filles de Fénelon nous fait connaître ce qu'il était vers la fin dusiècle.

Nous connaissons bien ce qu'on apprenait dans ces couvents dans la première moitié du xviiie siècle.

Il estévident qu'on n'y était pas plus hardi vers 1670.

Le programme était exactement celui de Chrysale : Former aux bonnes moeurs l'esprit de ses enfants,Faire aller son ménage, avoir l'oeil sur ses gens,Et régler la dépense avec économie... C'était d'ailleurs ce qu'apprenaient même les jeunes filles de la plus haute aristocratie dans les couvents les plushuppés.

Les domestiques étaient nombreux, même dans les maisons de ceux qui n'étaient pas des plus riches ; lesrevenus n'étaient pas des dividendes et des coupons qu'il suffit d'encaisser ; c'étaient, en dehors des charges etpensions, des loyers, des fermages qu'il fallait faire rentrer et surveiller ; les maris faisaient leur cour ou étaient à laguerre.

Si bien que c'étaient très souvent les femmes qui avaient à se débrouiller dans l'administration domestique etfinancière.

On le leur apprenait fort bien dans les couvents ; elles passaient au jardin, à la cuisine, à la buanderie, àl'économat.

Mais on n'avait aucun souci de la belle instruction.

Le programme était celui des petites écoles : lalecture, l'écriture, les quatre opérations, le catéchisme et l'histoire sainte en y ajoutant presque toujours le maître àdanser, c'est-à-dire les belles manières et assez souvent de la musique.La position prise par Molière dans le débat est complexe.

Evidemment, son idéal n'est pas celui d'Arnolphe.

Arnolpheest enchanté qu'Agnès ne sache rien, que, comme M.

Jourdain, elle ne connaisse même pas la différence entre laprose et les vers.

Il est même ravi qu'elle soit sotte et ne semble pas capable de faire réflexion sur rien.

Il veutqu'elle ne soit qu'un être de soumission et d'habitude.

On sait que la méthode, par la volonté de Molière, ne luiréussit pas et qu'Agnès emploie diligemment l'intelligence qu'elle a, malgré tout, à apprendre ce qu'il ne voudrait pasqu'elle sût.

Gageons que cette Agnès, si Horace la fait vivre dans le beau monde, jouera non pas au corbillon maisaux madrigaux, épigrammes et questions d'amour.

D'autre part, aux Philaminte, Armande et Bélise des Femmessavantes s'oppose le bonhomme Chrysale qui se lamente sur les sottises de ses femmes et leur oppose sa sagessede mari et de père bourgeois.

Cette sagesse est bien étroite et il est difficile de croire que Molière l'a prise toutentière à son compte ; il ne lui suffit évidemment pas que la capacité d'un esprit de femme se hausse à connaître unpourpoint d'avec un haut-de-chausses ; les Vies de Plutarque étaient un des livres les plus communément lus àcette date et Molière pense sans doute qu'elles peuvent servir à autre chose, même pour les femmes, qu'à mettreen presse les rabats ou les collets.

D'autre part, ce défenseur des bonnes moeurs et des saines façons de seconduire est un pauvre homme capable, par lâcheté, de condamner sa fille au plus odieux des mariages.

Molière,sans aucun doute, n'accepte pas plus Chrysale qu'Arnolphe.

Il ne désire pas que les jeunes filles et les femmessoient ignorantes et n'aient aucune curiosité d'esprit.

Il ne lui suffit pas qu'elles fassent des enfants, les élèvent etmènent leurs gens et l'économie du ménage.

Ne fût-ce que pour cette raison qu'il lui est fort utile que les femmesviennent à la comédie et qu'elles sachent comme l'Uranie et comme l'Elise de la Critique défendre judicieusementl'Ecole des femmes.Mais il est non moins évident qu'il n'est pas partisan de la science des femmes même si elles la gardent pour elles etsi le respect des bienséances les sauve de tout pédantisme.

On ne peut pas douter qu'Henriette soit son idéal.

EtHenriette, si elle est intelligente et spirituelle, ne sait absolument rien de ce qui fait cette science des femmes.

Ellen'entend pas le grec, que la plupart des hommes n'entendaient pas davantage.

Mais elle n'entend certainement pas. »

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