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MOLIÈRE ET SON TEMPS

Publié le 14/05/2011

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temps

— La société du XVIIe siècle a son image fixée, pour une bonne part, dans le théâtre de Molière. — Noblesse, bourgeoisie, peuple de la ville et des champs, avec leurs qualités et leurs défauts, sont représentés dans l'oeuvre immense, et composent un tableau de réelle valeur documentaire.

A) Noblesse.

— Molière a montré le pire de la noblesse et, eu contraste, le meilleur; attend-on d'un auteur comique qu'il montre l'honnête moyenne d'une classe ? — Nous voyons donc la noblesse, modèle de goût et de sagesse; la noblesse sotte, frivole et prétentieuse; la noblesse odieuse, la noblesse dangereuse; enfin la noblesse ridicule de province. — Molière s'est véritablement acharné sur les gens de Cour qui prétendent tout savoir sans avoir rien appris, qui étalent avec ampleur leur fatuité et leur sottise. Il en a surtout aux marquis ! Le marquis de la Critique de l'Ecole des Femmes trouve la pièce de Molière détestable, mais il est incapable de dire pourquoi; et son « tarte à la crème « répond à toutes les objections.

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« beaucoup plus à l'écart du monde; ils ont leurs affaires et quelques amis choisis, quand ils ne sont pas ou ne secroient pas malades, comme Argan.

Les enfants sont élevés en bourgeois, les fils assez libres, les filles très tenues,sauf celle d'Harpagon, et toujours menacées d'un mariage contre leurs voeux.

Enfin, presque toujours, quelqueservante dévouée complète la famille dont elle fait partie intimement : Dorine la délurée dans Tartuffe, Martinel'ignorante bonne ménagère dans les Femmes savantes, Toinette dans le Malade imaginaire. — Le bon sens, la raison pratique, l'honnêteté, voilà généralement l'apanage des bourgeois de Molière.

Mais quelrevers de la médaille ! Quand un vice les possède, il est particulièrement odieux, c'est l'avarice.

Par ailleurs, ils ontbeaucoup de naïveté ridicule quand une passion les tient : l'amour chez Arnolphe, la vanité d'esprit chez Philaminte,la dévotion chez Orgon, l'égoïsme positif et terre à terre chez Chrysale et Gorgibus.

— Orgon, qui s'est laisséprendre aux simagrées de l'hypocrite, a introduit ce gueux sous son toit, a abdiqué toute autorité entre ses mains,lui sacrifie son fils et sa fille, déshérite en sa faveur tous les siens; et c'est lui pourtant qui se montre le plus violentà son égard, quand tout se dévoile; sa sottise se double de lâcheté.

On se demande comment il a pu jadis venir enaide à un proscrit, que sa stupidité d'ailleurs risque de perdre à jamais.

— Chrysale est avant tout un ventre quiveut bien se remplir et digérer à l'aise.

Vive le confort, et pas d'histoires ! Il voit clairement la folie de sa femme,mais ne lui oppose rien qui soit digne d'elle.

Il a du bon sens, mais pas d'énergie pour l'imposer.

Il prend de grandsairs loin de l'épouse; devant elle, il file doux et il ne défendrait point l'avenir d'Henriette si son beau-frère Ariste,ferme celui-là et roublard, ne l'épaulait.

— Gorgibus, père et oncle des.

« précieuses ridicules », a la sagesse de nepas admettre leurs chimères, il les mène sans complaisances, les réprimande durement, mais n'est pas affranchi degrossièreté.— La bourgeoisie des Orgon, des Chrysale, des Ariste est fière de son état.

Mais, au contraire, tel bourgeois defraîche date, ancien marchand enrichi, tombe dans la passion nobiliaire et ne songe plus qu'à singer les nobles.

Lesnouveaux riches caractérisés sous les traits de M.

Jourdain étaient nombreux au temps de Molière, soit anciensnégociants, soit partisans ou « fermiers généraux », qui, une fois fortune faite, acquéraient la noblesse de robe enachetant une charge ou bien prenaient un titre en se faisant céder une terre par quelque grand seigneur ruiné.

LeBourgeois gentilhomme, dans sa part de satire contemporaine, se voit confirmé par La Bruyère, notamment auxchapitres de « Quelques usages », des « Biens de fortune » (portraits de Sosie et de Périandre) et de « la Ville »(portrait d'André).

Molière a eu l'habileté de dramatiser sa peinture et, en même temps, de lui donner toute saportée, en montrant les ravages produits par la manie de M.

Jourdain chez les siens; sa femme en est réduite àdéfendre ses droits et à lutter pour le bonheur menacé de leur fille.

Elle le fait d'ailleurs avec passion, car elle estbourgeoise, elle, dans le sang; elle est simple, laborieuse; elle a la fierté de sa classe, elle hait Dorante, elle dit sonfait à Dorimène, elle monte la garde.— Une classe intermédiaire est celle des poètes et des érudits.

Les uns, qui appartiennent à la noblesse, Sontamateurs oisifs et frivoles, tel Oronte; les autres, pauvres roturiers, s'insinuent' dans les riches familles bourgeoisesou rêvent de se faire introduire à la Cour : tels Vadius et Trissotin, tous deux pris dans la réalité contemporaine.Vadius a quelques traits de l'érudit Ménage, qui savait le grec, enseignait les langues anciennes, pillait les vieuxauteurs pour orner ses poèmes, mais en revanche n'avait rien d'un cuistre : c'est un érudit lourdaud et crotté quefigure Vadius.

L'abbé Cotin se faisait plus franchement reconnaître dans Trissotin; ses Œuvres galantes contiennentle sonnet à la princesse Uranie et l'épigramme sur un carrosse de couleur amarante; et l'abbé fut, comme Trissotin,un bel esprit querelleur, désinvolte, méchant et injurieux.

Lui aussi cependant valait mieux que son portrait; onl'appréciait comme orateur.

Il est certain que, s'inspirant de deux contemporains vivants, Molière les a dépasséspour créer deux types éternels. C) Professions et métiers. — Mi-bourgeois mi-artisans sont les médecins.

Molière leur avait déclaré la guerre et ne se contentait pas de suivreà leur égard la tradition gauloise de la farce.

On a dit qu'étant fort malade, il gardait rancune aux médecins de nel'avoir point guéri ni même soulagé.

La raison véritable de ses campagnes est plus haute.

Les médecins d'alors, aussiignorants que pédants, bassement rivaux entre eux, férus du système d'autorité dogmatique et livresque,dédaigneux de l'expérience, lui paraissaient des Tartuffes du savoir : il n'a fait que forcer jusqu'à la charge uneréalité qui ne laisse aucun doute.

Leur accoutrement était ridicule.

Le grotesque des cérémonies instituées par laFaculté pour recevoir les nouveaux docteurs est à peine exagéré dans leMalade imaginaire.— Apothicaires, marchands de draps, gens de, loi, jouent des rôles secondaires.

Cependant M.

Dimanche, tailleur deDon Juan, et M.

Fleurant, apothicaire d'Argan, présentent mieux que des silhouettes.

Ils ont chacun leur caractère.Ils sont reconnaissables entre tous. D) Le peuple. — Le peuple de la ville ou les villageois installés à la ville ont fourni les domestiques, parmi lesquels certainesservantes délurées au vert langage appartiennent pour la vie, et toutes dévouées, aux maisons bourgeoises.D'autres, valets coquins, valets fats ou extravagants, sont pleins d'ambition égoïste.— Les paysans apparaissent sous les espèces de brutes cupides et ivrognes dans Don Juan.

Alain et Georgette,domestiques chez Arnolphe (Ecole des femmes), lourdauds et finauds à la fois, obséquieux et faux, arrivent toutdroit de la ferme.

Molière, La Fontaine et Cyrano de Bergerac ont été les seuls écrivains du XVIIe siècle à faire vivre. »

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