Monique, Personnage Moliéresque Dans Quai Ouest De Bernard-Marie koltès
Publié le 23/12/2012
Extrait du document
3. De part son langage :
Rappelons aussi que Molière individualise ses personnages par leur langage en choisissant des
procédés propres à traduire leurs travers particuliers. Ainsi Arnolphe par exemple, recourt à une
accumulation de fortes antithèses ce qui est symptomatique de sa vision du monde (par exemple, pour
bien inculquer à Agnès la totale soumission que la femme doit montrer en toute circonstance envers son
mari, Arnolphe a prononcé un discours antithétique)
Votre sexe n’est là que pour la dépendance,
Du côté de l barbe est la toute puissance.
Bien qu’on soit deux moitiés pourtant n’ont point d’égalité ;
L’une est moitié suprême et l’autre subalterne
L’une en tout est soumise à l’autre qui gouverne […]
De même, pour montrer la vanité et la bourgeoisie faussement raffinées de Monique, Koltès lui
fait prononcer des expressions sophistiquées avec une syntaxe cumulative qui prête au rire comme par
exemple à la page 78 de Quai Ouest
; en cherchant la montre de Koch par terre et face au désordre Monique s’exclame :
« Seigneur ! Quel Capharnaüm ! «
Or le mot « Capharnaüm « s’avère être incongru dans un endroit comme le Quai Ouest ; il est quelque
peu savant et relève d’une certaine préciosité chez Monique. Et ensuite quand elle dit à Koch « je suis
tellement, tellement fatiguée et sujette aux évanouissements « ; c’est une tournure recherchée par
rapport à un discours oral ; elle est plutôt écrite et dévoile chez Monique la recherche de l’affectation et
dans le langage et dans les gestes. De surcroit, l’abondance des gestes vocaux dans les répliques de
Monique, nous dévoile bien une fébrilité exacerbée chez ce personnage mondain qui se trouve dans un
endroit aux antipodes de ses rêves et qui s’y débat vainement.
«
Charles, petit truand, sa sœur Claire, ses partenaires Fak et Abad, sa vieille mère Cécile et son père
Rodolfe il n’y a qu’une loi : le deal.
Quai ouest est la destination finale de Maurice.
Maurice veut en finir.
Mais dans le Quai ouest
ce n’est pas si simple.
Même pour sa propre mort, il faut acheter, il faut trafiquer.
Maurice
arrive dans un univers implacablement lié au business et où tous les survivants du cataclysme,
combinent, trafiquent.
Car il s’agit bien d’un cataclysme.
Il ne reste plus rien.
Jusqu’à l’eau, « ils » ont
coupé l’eau.
Il ne reste plus guère d’humanité.
Cécile traite sa fille de petite pute, Rodolfe sa femme de
putasse, Charles projette de tabasser sa sœur, Fak veut la « baiser », uniquement la « baiser ».
Quai ouest, point de non-retour dans un lieu ou Abad,
gardien du lieu, des « enfers », erre, surveille et trafique lui aussi.
Ce cataclysme, nous avons essayé de le décrire en déstructurant l’espace,
en juxtaposant des lieux par changements parfois violents de lumières, en créant une étrangeté du lieu,
du sol, de l’atmosphère.
La structure du texte de Quai ouest est très étrange aussi : dialogues rythmés,
soliloques, langage extrêmement soutenu par endroit, très familier parfois.
Mais Quai ouest n’est pas un cauchemar.
Il est la résultante
d’une société à la dérive, la société de l’argent qui anéantit tout : la famille, les relations, l’humanité.
Une
famille était venue chercher
l’espoir, le travail, l’honorabilité.
Ils n’ont trouvé au bout du compte que le vide, la famine et se sont
repliés sur eux-mêmes comme des bêtes sauvages.
Claire surnagera un moment à cette déroute par la
fraîcheur de son âge et de son innocence.
Mais le Quai ouest est implacable…
La grande force de Quai ouest, à travers ce
carnage est tout de même son extrême humour, son énorme dérision.
Le personnage de Monique émerge sur cette toile de fond comme
étant le personnage à la fois étranger à ce hangar désaffecté mais tout aussi corrompue par toute la
vanité et l’arrivisme que sa classe sociale lui a permis d’acquérir.
Le parcours de Monique tout au long de la pièce
La pièce s’ouvre sur le personnage de Monique, une femme de 42 ans qui se trouve pour la première fois
de sa vie dans un endroit désagréable ; Du portrait physique de Monique, aucun trait ne nous est indiqué
; Monique est un personnage qui donne à ses paroles le libre cours de tracer dans l’imagination du
lecteur son portrait physique.
L’incipit de la pièce est une longue tirade prononcée par Monique dans une tentative de s’orienter dans
un endroit qu’elle trouve dégoutant et dont elle
cherche vainement l’issue.
Elle essaye de deviner ce que lui cachait « ce trou dégoûtant » mais ses hypothèses tombent toujours
dans le ridicule vu que cette bourgeoise habituée au confort s’imagine des êtres monstrueux tels qu’ils se
trouvent dans les polars : « j’entends des chiens, c’est plein de chiens sauvages autour de nous qui
rampent dans les décombres » Monique est très à cheval quant à son paraitre vu que, même enfoncée
dans un bourbier et dans les situations les plus critiques, cette dernière accorde une importance majeure
à « l’air qu’elle devait prendre » si soudain « un type, plusieurs types, plein de types » tout à coup
surgissaient autour d’elle.
Son imagination fonctionne par gradation, elle imagine les objets et les êtres
surgir en nombre croissant autour d’elle et la présence d’autrui, chez elle est toujours la présence d’un
regard qui la scrute pour la juger ou pour la mettre en danger.
Elle a la phobie du regard de l’autre qu’elle.
»
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