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Montesquieu: Voici les poètes dramatiques qui, selon moi, sont les poètes par excellence (Lettres persanes)

Publié le 10/02/2012

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montesquieu

Rica s'en est allé visiter la bibliothèque, de l'Abbaye de Saint-Victor; sous la conduite d'un moine, il en parcourt les diverses sections. Chemin faisait, son guide apprécie les volumes dont il a la garde, et nous révèle les idées de Montesquieu lui-même.

Il réduit singulièrement le prestige des poètes dont le métier est de mettre des entraves au bon sens «. Il exécute; en quelques mots, les poètes épiques, dont la race est, paraît-il, éteinte et « les poètes lyriques, qui font de leur art une harmonieuse extravagance.« Seuls les poètes dramatiques trouvent grâce devant lui : ...

montesquieu

« théâtre prêche éloquemment la raison à la foule et, par suite, lui enseigne la morale avec d'autant plus de force qu'en apparence ·son seul objet est le plaisir.

Les héros de théâtre sont donc pour ce «.philosophe», comme pour Voltaire et Diderot, les vrais prédicateurs du royaume, les ministres de la pure morale.

Rousseau ni ses amis ne partagèrent ces illusions.

Ils tomM-ren.t dans l'excès opposé et condamnèrent sans plus de mesure le théâtre trop prôné.

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Si Montesquieu aimait les poètes dramath.1,ues par tempérament, il les préférait aussi parce que son siècle les tenall pour les plus excellents, et ne prisait guère les autres, CJ,Ui ne produisaient d'ailleurs que des œuvres médiocres.

On s'isole malaisement de son milieu; même les penseurs les plus vigoureux, les plus originaux, en croyant exprimer des idées person- nelles, émettent les opinions ambiantes.

C'est le cas.

' Le xv1n• siècle eut des versificateurs à foison, mais pas un vrai poète.

André Chénier, le seul qui pût prétendre à·ce titre, ne fut connu et apprécié qu'après la publication tardive de ses œuvres (1819).

La notion même de la poésie semble être absente de cette époque, ou totalement faussée.

La raison philosophique, qui a envahi les vers, a tué le sens poétique.

On n'exprime que des idées abstraites; l'exactitude de la pensée et de l'expres- sion, voilà ce que l'on recherche, bien plus que les images, dont· vit en partie la poésie.

On n'a guère que des sentiments artificiels en ce siècle larmoyant; aussi ne trouve-t-on dans les productions versifiées aucun éclat de passion vraie, aucune impression proprement personnelle.

On affecte d'aimer la nature, on la chante; mais on la défigure en l'embellissant.

L'herbe, les fleurs, les eaux, les forêts, les oiseaux n'ont de prix que si on les peut comparer à des produits de l'art.

Le gazon devient un tapis d'émeraudes, les bleuets des saphirs, les pavots des rubis, les gouttes de rosée des perles liquides, etc ...

En présence de la nature, l'imagination de ces faux campagnards retourne à la ville et s'en va chercher des méta- phores chez le bijoutier.

Nulle part on ne découvre, en ce fatras de rimes, la poésie de l'âme, Et cette voix du cœur qui seule au cœur arrive.

Nulle part, non plus, cette beauté formelle qui n'est pas la poésie mais qui est comme son vêtement naturel; une versification abandonnée, des épi­ thètes parasites, des chevilles, des rimes maigres et banales : voilà ce dont on revêt des pensées vieillies, des sentiments usés, et contre quoi réagira Chénier: Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques! Il n'y avait pas vraiment là de quoi enthousiasmer les gens de goût, et la sévérité de · Montesquieu se peut expliquer par la pauvreté poétique de son temps.

La Ligue de Voltaire, dont il pouvait avoir eu vent en 1721, ne dut pas réhabiliter en son esprit la poésie épique~ Les Odes de J.

B.

Rousseau, assez peu ressemblantes a son âme et à sa vie, celles .de Lamotte-Houdart, trop logicien pour être poète, de Lebrun-Pindare, guindé et grandiloquent, ne lui fournissaient que de piètres échantillons de poésie lyrique.

Tout au plus, quelques strophes de Lefranc de Pompignan, éloquentes sinon poétiques, eussent pu provoquer son admiration.

Les formules de Boileau, servilement appliquées, sont impuissantes à créer des chefs-d'œuvre lyri­ ques et épiques.

Quant au théâtre -nous n'osons dire la « poésie dramatique » .- du haut en bas de l'échelle sociale les contemporains de Montesquieu mani­ festent pour lui une prédilection enthousiaste.

Les succès du grand siècle semblent avoir grisé le siècle de Voltaire; tout ce qui tient une plume rêve de faire applaudir une tragédie : .

Sur le Racine mort le Campistron pullule.

De 168_0 à 1715, une centaine de tragédies encombrent à Paris l'uniCJ,ue théâtre qui les représente.

Le.

public, qui aime la noblesse un peu abstraite. »

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