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MUSSET, On ne badine pas avec l'amour, Acte III scène 3, commentaire.

Publié le 20/07/2010

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CAMILLE, cachée, à part.  Que veut dire cela ? Il la fait asseoir près de lui ? Me demande-t-il un rendez-vous pour y venir causer avec une autre ? Je suis curieuse de savoir ce qu'il lui dit.    PERDICAN, à haute voix, de manière que Camille l'entende.  Je t'aime, Rosette ! toi seule au monde tu n'as rien oublié de nos beaux jours passés ; toi seule tu te souviens de la vie qui n'est plus ; prends ta part de ma vie nouvelle ; donné-moi ton coeur, chère enfant ; voilà le gage de notre amour.  Il lui pose sa chaîne sur le cou.    ROSETTE  Vous me donnez votre chaîne d'or ?    PERDICAN  Regarde à présent cette bague. Lève-toi, et approchons-nous de cette fontaine. Nous vois-tu tous les deux, dans la source, appuyés l'un sur l'autre ? Vois-tu tes beaux yeux près des miens, ta main dans la mienne ? Regarde tout cela s'effacer. (Il jette sa bague dans l'eau. ) Regarde comme notre image a disparu ; la voilà qui revient peu à peu ; l'eau qui s'était troublée reprend son équilibre ; elle tremble encore ; de grands cercles noirs courent à sa surface ; patience, nous reparaissons ; déjà je distingue de nouveau tes bras enlacés dans les miens ; encore une minute, et il n'y aura plus une ride sur ton joli visage ; regarde ! c'était une bague que m'avait donnée Camille.    CAMILLE, à part.  Il a jeté ma bague dans l'eau.    PERDICAN  Sais-tu ce que c'est que l'amour, Rosette ? Écoute ! le vent se tait ; la pluie du matin roule en perles sur les feuilles séchées que le soleil ranime. Par la lumière du ciel, par le soleil que voilà, je t'aime ! Tu veux bien de moi, n'est-ce pas ? On n'a pas flétri ta jeunesse ? on n'a pas infiltré dans ton sang vermeil les restes d'un sang affadi ? Tu ne veux pas te faire religieuse ; te voilà jeune et belle dans les bras d'un jeune homme.    Ô Rosette, Rosette ! sais-tu ce que c'est que l'amour ?    ROSETTE  Hélas ! monsieur le docteur, je vous aimerai comme je pourrai.

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« l'entende ».

Ce sont surtout, à l'intérieur même du discours, les comparaisons entre Rosette et Camille qui dévoilentles intentions du jeune homme : si Rosette, simple paysanne, ne comprend pas forcément toutes les allusions ouleur portée, Camille devine qu'elle est bien la destinataire des paroles de Perdican.

Celui-ci, sur deux sujets, dénoncele comportement de sa cousine : tout d'abord, il considère que Rosette « seule » n'a « rien oublié de [leurs] beauxjours passés » et se « souvien[t] de la vie qui n'est plus » ; il critique ainsi la froideur de Camille qui déclarait dansl'acte I : « les souvenirs d'enfance ne sont pas de mon goût ».

Il reprend ensuite le thème conflictuel de la religion,car Camille veut se faire religieuse ; les jeunes gens ont déjà abordé le sujet dans l'acte II, et Perdican utilise lesmêmes images polémiques d'une « jeunesse flétrie » et d'un « sang » contaminé par les paroles néfastes desreligieuses.

Ce discours adressé à Rosette semble hors de propos et ne prend véritablement sens que grâce à laprésence de Camille. 3/ Une leçon pour CamilleL'ensemble du discours de Perdican est donc à comprendre dans sa double destination.

N'ayant pu convaincre sacousine lors de leurs rencontres qui toutes se sont terminées par du dépit et de l'incompréhension, il renouvelle sondiscours en jouant de la situation d'énonciation particulière de cette scène.

La multiplication des verbes de regard,adressés à Rosette, sont en fait destinés à Camille, témoin de ce que doit être l'amour ; de même, la questionoratoire « sais-tu ce que c'est que l'amour ? » (et qui rappelle la question oratoire la scène 5 de l'acte II « sais-tuce que c'est que des nonnes ? »), vise directement Camille.

Perdican veut lui montrer la beauté du sentiment,associé à une nature idyllique (« le vent se tait », « la pluie du matin roule en perles »).

Rosette ne souhaitant passe « faire religieuse », elle se trouve « jeune et belle dans les bras d'un jeune homme » : le lien explicite des deuxénoncés, unis dans la même phrase, et l'utilisation de procédés généralisants (« un », « jeune homme ») permettentà Perdican de donner une leçon à Camille, qui veut se faire religieuse et se retrouve seule, à regarder le bonheur desautres.Il cherche aussi, par esprit de vengeance, à provoquer sa jalousie : ses oppositions systématiques entre Rosette etCamille, au détriment de celle-ci, sont vexantes, car Rosette n'est qu'une paysanne, « une fille de rien » comme ledira Camille par la suite.

Le cadeau de la chaîne en or et surtout la bague jetée dans l'eau sont aussi des symbolesforts adressés par Perdican à sa cousine : il offre un bijou à la jeune paysanne en « gage » d'amour et jette lecadeau que lui avait fait Camille et qui symbolisait leur union. La mise en scène de la déclaration d'amour avec pour spectatrice impuissante Camille dissimulée est l'occasion pourPerdican de se venger de l'indifférence de sa cousine et de l'humilier en lui préférant ostensiblement une paysanne.Nous allons maintenant étudier son discours amoureux pour voir en quoi Rosette est transformée en instrument decette vengeance. II.

Le discours amoureuxPerdican, s'il a une sincère affection pour Rosette, l'a amenée près de la fontaine pour faire savoir à Camille qu'il «en aime une autre avant de partir d'ici ».

Rosette en arrivant ne sait pas vraiment à quoi s'attendre : Perdican doitdonc la persuader de son amour. 1/ La flatterieLe jeune homme va tout naturellement chercher à la flatter : il va louer ses « beaux yeux », son « joli visage », ladécrire comme « jeune et belle ».

Il lui fait également admirer son reflet dans l'eau.

La déclaration de son amour estsuivie d'une valorisation de sa personne, avec son prénom mis en avant (« je t'aime, Rosette ! », puis plus loin : « ÔRosette, Rosette ! »), l'anaphore de « toi seule », des mots tendres : « chère enfant ».

La visée du discours est defaire succomber Rosette, qui doit donc se sentir unique.

Perdican doit se montrer convaincant, car si la jeunepaysanne est assez simple et peu instruite, elle est cependant lucide, comme le montrera la suite de la pièce ; elleest consciente de l'écart social qui existe entre elle et Perdican, qu'elle appelle « monsieur le docteur ».Perdican utilise donc des preuves tangibles : la chaîne offerte et la bague de Camille jetée dans l'eau sont dessymboles puissants destinés à rassurer Rosette.

L'utilisation de la fontaine relève de la même approche : Perdicanveut lui montrer l'image du couple qu'ils forment afin de mieux la persuader de son existence possible. 2/ Le rapprochement des corpsPerdican, qui est un beau jeune homme, va se servir de son charme physique pour séduire Rosette : le reflet dansl'eau est prétexte à se rapprocher d'elle.

Les verbes liés au regard sont nombreux (« regarde », quatre fois, « vois »,deux fois) ; Perdican insiste sur le fait qu'ils sont « tous les deux » unis dans la même « image ».

Le discourscommente la proximité croissante entre les corps : d' « appuyés l'un sur l'autre », ils finissent les « bras enlacés ».Rosette est une jeune paysanne qu'il est plus facile de prendre dans ses bras qu'une jeune fille noble, fût-elle unecousine ; Perdican profite de son statut de seigneur du château afin de séduire Rosette, à qui il avait déjà voléquelques baisers dans l'acte II. 3/ Une vision lyrique de l'amourPerdican n'est pas insensible au charme de Rosette, qui, outre sa beauté et sa jeunesse, possède l'atoutd'appartenir au passé heureux et enjolivé du jeune homme : elle représente la pureté des sentiments et semble àmême d'exaucer le voeu de Perdican d'un amour fusionnel et absolu.

Sa vision de l'amour est largement développéedans un registre lyrique marqué par une ponctuation expressive (avec des exclamations et des questions oratoires),le ô lyrique, les répétitions et les anaphores.

Le lyrisme est présent aussi dans l'évocation de la nature qui semblevouloir s'accorder aux sentiments ressentis : « le vent se tait », la « lumière du ciel » et le « soleil » illuminent lejeune couple et se font garants de l'amour : « par le soleil que voilà, je t'aime ! ».Cependant, si Perdican livre ici sa véritable conception de l'amour, on ne peut que douter de sa sincérité vis-à-vis. »

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