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Objet d’étude : La poésie.

Publié le 18/01/2020

Extrait du document

CORPUS

TEXTE A. Aloysius Bertrand, « La Ronde sous la cloche », Gaspard de la nuit, III-6, 1842.

TEXTE B. Arthur Rimbaud, « Les Ponts », Illuminations, 1886.

TEXTE C. Arthur Rimbaud, « Aube », Illuminations, 1886.

TEXTE D. Henri Michaux, « La Jetée », Mes propriétés, L’Espace du dedans, 1930.

TEXTE E. Francis Ponge, « Le Pain », Le Parti pris des choses, 1942.

ÉCRITURE

I. Vous répondrez d’abord à la question suivante.

Question (4 points)

Comment justifiez-vous que ces textes appartiennent à la poésie ? Montrez qu’ils sont tous construits selon une progression comparable.

II. Vous traiterez ensuite l’un des sujets suivants.

1. Commentaire (16 points)

Vous commenterez le texte d’Henri Michaux « La Jetée » (texte D).

2. Dissertation (16 points)

Dans « Les Ponts » (texte B), Arthur Rimbaud met un terme à sa vision par cette phrase :

« — Un rayon blanc, tombant du haut du ciel, anéantit cette comédie. »

En vous appuyant sur les textes du corpus et les poèmes que vous avez lus ou étudiés en classe, vous vous demanderez si la poésie nous éloigne du réel ou nous fait mieux percevoir la réalité.

3. Invention (16 points)

Vous avez composé un recueil de poèmes, en prose ou en vers, faisant une large part au rêve et à l’imaginaire, à la manière d’Aloysius Bertrand. Vous écrivez à un éditeur pour le convaincre de publier cet ouvrage et défendre votre démarche poétique.

Il Une progression identique

Tous ces poèmes en prose présentent une progression identique : ils évoquent une apparition et une disparition. Les choses ou les événements surviennent puis meurent ou s’évanouissent.

Dans «La Ronde sous la cloche», les douze magiciens mystérieusement apparus « s'évanouirent frappés à mort », comme des forces maléfiques conjurées par une puissance divine. On assiste également au déchaînement de l’orage (paragraphe deux : « une pluie mêlée d’éclairs et de tourbillons fouetta ma fenêtre ») et à son achèvement à la fin du poème (« la pluie ne tomba plus que goutte à goutte »). Le poème relate un orage et le surgissement violent d’un événement surnaturel, puis un retour au calme, à l’ordre naturel des choses. Il s’achève sur l’image apaisante d’une fleur de jasmin posée sur l’oreiller.

Dans « Les Ponts », le décor évoqué progressivement - les ponts, puis les rives d’un canal, puis une fête urbaine - disparaît brutalement dans la dernière et courte phrase. Le tiret qui la précède annonce et souligne la rupture, la disparition. Là encore, la poésie révèle son pouvoir de convoquer le monde et de le faire disparaître.

« Aube » évoque un réveil progressif de la nature. Il y est d’abord question d’immobilité ; « Rien ne bougeait encore », « L’eau était morte », puis le passage du « .Je » produit un éveil : « les pierreries regardèrent, et les ailes se levèrent sans bruit. » La poursuite de la déesse se termine par une étreinte ( « je l’ai entourée »), et par une chute : «L’aube et l’enfant tombèrent au bas du bois. » Chute que l’on peut interpréter de différentes manières : elle peut par exemple signifier la disparition de deux personnages oniriques.

Le poème «La Jetée» d’Henri Michaux est construit sur le thème de l’apparition et de la disparition : le narrateur construit une jetée dont il n’est plus question à la fin du texte, puisque lui-même n’a pas dû l’emprunter pour regagner sa chambre. L’inconnu surgi à côté du narrateur (paragraphe 4) disparaît dans l’avant-dernier vers : « Un dernier débris qu ’ilpoussait l'entraîna lui-même. » Enfin, ce personnage fait apparaître du fond de l’eau des objets et des êtres humains, puis les rejette : «Alors, il se mit à rejeter tout à la mer. »

C’est avec un certain humour que Francis Ponge, après avoir évoqué de manière originale l’apparence et l’intérieur du pain, nous invite à le manger ! Le poème a suivi une progression du dehors vers le dedans, mais il a également fait référence à la cuisson du pain, avant d’évoquer sa décomposition (« et la masse en devient friable ») puis sa disparition dans la bouche du consommateur. Une façon pour le poète de rappeler la réalité fragile et consommable, l’existence éphémère des choses.

Nous avons vu que la poésie de ces cinq textes vient de la présence de mondes imaginaires, oniriques qui se mêlent à la réalité, la brouillent et laissent le lecteur à la fois fasciné et perplexe. La poésie fait vaciller l’ordre des choses au point de faire douter de leur existence.

moment la déception et la frustration. Il y a bien un contraste entre deux désirs, deux quêtes, l’une satisfaite, l’autre déçue, associé dans l’espace à un mouvement horizontal et terrestre et à un mouvement vertical de plongée. La fin du poème évoque deux destins opposés : le narrateur revient de la mer, de son rêve accompli, de son désir satisfait ; l’autre se perd, est englouti, peut-être victime de son désir.

[Transition] On comprend mieux l’expression implicite du désir qui transparaît dans cette histoire étrange, si l’on accorde au décor et aux objets une portée symbolique.

III Un poème riche de symboles

La perplexité qui saisit le lecteur et ne le quitte pas, la lecture achevée, invite à déceler des sens possibles et cachés, à faire un peu comme celui qui recherche un trésor sous-marin !

III-l La symbolique de la mer et de la jetée

Séjournant à Honfleur, le narrateur est tout proche et séparé de la mer qu’il est venu voir, et qui a justifié ce voyage vers le petit port normand. La mer est cette réalité désirable, proche et rendue inaccessible. Elle peut très bien représenter la personne aimée, et la jetée serait le mouvement même du désir ou plus concrètement les bras tendus de l’homme vers celle qu’il aime. Il n’est pas impossible, du reste, de voir dans la mer un corps vivant et sensuel, comme le laisse penser l’expression : « je regardai la mer, sous moi, qui respirait profondément », le verbe « respirait » opérant une personnification. Mais la mer peut aussi être associée à la caverne merveilleuse, abritant des trésors. Elle apparaît comme une cachette sûre ; en effet l’homme retrouve « en abondance » tout ce qu’il y a mis au point que choses et êtres remplissent « toute l’estacade ». Il reste à donner un sens à ce qu’il a caché et qu’il retire. Peut-être la mer abrite-t-elle des plaisirs secrets et déjà éprouvés, hypothèse qui concorderait avec l’idée de la mer, symbolisant le corps de l’être aimé.

Mais il faut regarder de plus près l’énumération dont nous avons signalé la disparate. Que représentent ces capitaines et ces femmes « habillées richement » ? Sont-ils seulement les symboles de l’amour et du plaisir ?

III-2 La quête illusoire du passé

On note dans l’énumération une insistance sur le passé : des « capitaines d’autres âges en grand uniforme » et « des femmes habillées richement mais comme elles ne s’habillent plus ». Ces êtres d’élite, qui furent sûrement glorieux et habitués au faste, représentent un passé complètement révolu, mais plus profondément ils peuvent symboliser les souvenirs les plus beaux et les plus chers de cet homme. Ce que celui-ci recherche avec tant d’empressement et d’espoir, c’est son passé qu’il veut revoir avant de mourir, ce sont les souvenirs d’amours et de moments heureux. Dans ces conditions, la mer représente sa mémoire fidèle, conservant presque intacts ses souvenirs. Hélas, les choses sont fanées, les souvenirs sont altérés ou plus flous. Il se peut que cet étrange personnage ait, comme Faust, le rêve de retrouver pleinement sa jeunesse, et que ce rêve finalement lui soit fatal. Il comptait trop, en tout cas, sur sa mémoire, alors que le narrateur avoue que la sienne est défaillante : « je ne m’en souviens pas au juste, car je n’ai pas de mémoire. » Conscient de ce défaut, il n’aura pas l’espoir de se plonger dans son propre passé... ni le risque de s’y noyer ! Le passé, symbolisé par ce bric-à-brac sorti de l’eau, a finalement perdu de son charme, tout comme la jeunesse se perd inéluctablement, et

« la poésie En vous appuyant sur les textes du corpus et les poèmes que vous avez lus ou étudiés en classe, vous vous demanderez si la poésie nous éloigne du réel ou nous fait mieux percevoir la réalité.

3.

Invention (16 points) Vous avez composé un recueil de poèmes, en prose ou en vers, faisant une large part au rêve et à l'imaginaire, à la manière d' Aloysius Bertrand.

Vous écrivez à un éditeur pour le convaincre de publier cet ouvrage et défendre votre démarche poétique.

TEXTE A Aloysius Bertrand, « La Ronde sous la cloche », Gaspard de la nuit, 1842.

C'était un bâtiment lourd, presque carré, entouré de ruines, et dont la tour principale, qui possédait encore son horloge, dominait tout le quartier.

Fenimore Cooper Douze magiciens dansaient une ronde sous la grosse cloche de Saint-Jean 1.

Ils évoquèrent l'orage l'un après l'autre, et du fond de mon lit je comptai avec épouvante douze voix qui traversèrent processionnellement 2 les ténèbres.

Aussitôt la lune courut se cacher derrière les nuées, et une pluie mêlée d'éclairs 5 et de tourbillons fouetta ma fenêtre, tandis que les girouettes criaient comme des grues en sentinelle sur qui crève l'averse dans les bois.

La chanterelle 3 de mon luth, appendu à la cloison, éclata; mon chardonneret battit de l'aile dans sa cage; quelque esprit curieux tourna un feuillet du Roman de la Rose qui dormait sur mon pupitre.

10 Mais soudain gronda la foudre au haut de Saint-Jean.

Les enchanteurs s'éva- nouirent frappés à mort, et je vis de loin leurs livres de magie brûler comme une torche dans le noir clocher.

Cette effrayante lueur peignait des rouges flammes du purgatoire et de l'enfer les murailles de la gothique église, et prolongeait sur les maisons voisines l'ombre de la statue gigantesque de Saint-Jean.

1s Les girouettes se rouillèrent; la lune fondit les nuées gris de perle; la pluie ne tomba plus que goutte à goutte des bords du toit, et la brise, ouvrant ma fenêtre mal close, jeta sur mon oreiller les fleurs de mon jasmin secoué par l'orage.

1.

Saint-Jean: nom de la cathédrale de Dijon.

Par ailleurs, saint Jean est l'auteur de !'Apocalypse, dernier livre de la Bible, qui décrit la fin du monde.

2.

processionnellement: à la façon d'un cortège.

3.

chanterelle : corde la plus fine et la plus aiguë d'un instrument à cordes et à manche.

200. »

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