Objets d'étude : les réécritures ; la poésie
Publié le 20/01/2020
Extrait du document
> TRAVAIL D'ÉCRITURE [16pts]
I - Commentaire
Vous commenterez les vers 50 à 70 du poème de Guy Goffette (texte 2), à partir de : « À présent, Jammes, qu’au carrefour du paradis [...] » jusqu’à la fin.
II - Dissertation
Partagez-vous l’opinion de Jacques Borel quand il écrit (Annexe) : « Les œuvres ne naissent pas, jamais, d’un contact avec le réel, mais de l’horizon avant elles de toutes les œuvres » ?
Vous répondrez à cette question en un développement argumenté qui prendra appui sur les textes du corpus, ceux que vous avez étudiés pendant l’année et vos lectures personnelles, sans vous limiter au genre poétique.
III - Écrit d'invention
Au cours de vos études ou de vos lectures personnelles, vous avez découvert un écrivain qui vous a enthousiasmé. Ecrivez la lettre que vous auriez aimé adresser à cet écrivain pour le remercier de vous avoir introduit dans son univers.
> CORPUS
1. F. JAMMES, « Prière pour aller au Paradis avec les ânes », Le Deuil des primevères, 1901.
2. G. GOFFETTE, « Prière pour aller au paradis avec Jammes, Le Pêcheur d’eau, 1995.
Annexe : J. BOREL, postface au recueil de Guy Goffette, Eloge pour une cuisine de province, 1988.
Guy Goffette, dans sa « Prière pour aller au paradis avec Jammes » (1995), réécrit la « Prière pour aller au Paradis avec les ânes » (1901) de Henri Jammes. Dans cette « dilecture », il rend hommage au poète et opère diverses transformations par rapport au texte-source.
Tout d’abord, Goffette modifie le système d’énonciation de la prière. De façon attendue dans une prière, Jammes s’adressait à Dieu et l’interpellait en un vouvoiement respectueux (« Mon Dieu, faites qu’avec ces ânes je Vous vienne», v. 26). Goffette conserve cette apostrophe divine (« Ô Seigneur », v. 64) mais la rend secondaire (une seule occurrence en fin de poème). Dans sa prière, le principal destinataire du discours est Henri Jammes (« O Jammes », v. 36 ; « Jammes », v. 30, 50 et 60), élevé au rang de dieu poétique. Le « ô » laudatif du vers 36 et les hyperboles (v. 37, 70) laissent entendre toute l’admiration de Goffette pour celui qu’il nomme un « vieux poète délicieux ».
Ainsi la prière de Jammes et celle de Goffette n’ont pas la même visée. Le premier entend chanter la bonté d’un Dieu (v. 9), dont l’œuvre n’est que perfection et harmonie (« ruisseaux touffus », « cerises/ lisses »), et insiste sur ses pouvoirs d’action (récurrence du verbe « faire » dans le poème). Le texte de Goffette infléchit le thème et donc la visée du texte-source : ce n’est plus Dieu qui est au centre du discours et donc un humble
«
Inde, avril 2004 mil
Que je Vous apparaisse au milieu de ces bêtes
que j'aime tant parce qu'elles baissent la tête
15 doucement, et s'arrêtent en joignant leurs petits pieds
d'une façon bien douce et qui vous fait pitié.
]'arriverai suivi de leurs milliers d'oreilles,
suivi de ceux qui portèrent au flanc des corbeilles,
de ceux traînant des voitures de saltimbanques
20 ou des voitures de plumeaux et de fer-blanc,
de ceux qui ont au dos des bidons bossués,
des ânesses pleines comme des outres, aux pas cassés,
de ceux à qui l'on met de petits pantalons
à cause des plaies bleues et suintantes que font
25 les mouches entêtées qui s'y groupent en ronds.
Mon Dieu, faites qu'avec ces ânes je Vous vienne.
Faites que, dans la paix, des anges nous conduisent
vers des ruisseaux touffus où tremblent des cerises
lisses comme la chair qui rit des jeunes filles,
30 et faites que, penché dans ce séjour des âmes,
sur vos divines eaux, je sois pareil aux ânes
qui mireront leur humble et douce pauvreté
à la limpidité de l'amour éternel.
©Mercure de France.
!i'I Texte 2 : Guy GoFFETTE, « Prière pour aller au paradis avec Jammes », le Pêcheur d'eau, 1995
Guy Gojfette est né en 1947 dans la Lorraine belge.
N'importe si Dieu a de la barbe qui grésille
comme du vieux tabac de sacristie (c'est un peu
cette odeur-là de suif ou de saindoux brûlé
qui tient le fond de la mémoire et qui l'empêche
5 de sombrer tout à fait dans les dorures et dans
l'oubli)
~u s'il est glabre', s'il fleure le savon
de Marseille ou d'Anvers -j'invente naturellement
mais est-ce qu'on sait ? On est devenu si savant
10 aujourd'hui de tous côtés qu'il n'y a plus moyen
de penser librement de travers comme un nuage
en passant qui oublie de pleuvoir et attrape
un zéro dans son bulletin de météorologie -
n'importe donc si le bon Dieu a des bajoues
255.
»
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