Originalité et composition des livres VII à XII - La Fontaine
Publié le 27/03/2015
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«
LES FABLES DE LA FONTAINE
veau dans «Le Pouvoir des Fables» (VIII, 4).
La volonté de «charmer» le lec
teur,
de le captiver par les doux «songes», les doux mensonges de la fable,
prime et relègue au second plan l'orientation didactique qu'exige le genre.
Les fables, plus ornées qu'auparavant, prennent de plus amples propor
tions; elles sont en moyenne plus longues que celles du premier recueil.
Il y a une sorte d'euphorie du conteur à déployer des narrations aux pro
portions ambitieuses (fables 25, 26, 27 et 28 du livre XII), à imaginer des
récits emboîtés les uns dans les autres, pour mieux désorienter et ravir le
lecteur : par exemple, dans «Le Berger et le Roi» ou encore dans «Le
Bassa et le Marchand» (VIII, 18) où le Bassa devient lui-même fabuliste
puisqu'il raconte au Marchand un apologue -une fable - qui pourrait
s'intituler «Le Berger, le Dogue et les trois Chiens».
La Fontaine se plaît
aussi à faire se succéder deux récits qui se font écho sans se répéter («Le
Mari, la Femme et le Voleur», XI, 15), à développer des fables doubles, dis
posées en miroir (VII, 4; VII, 9 et 10).
Une nouvelle façon de traiter la moralité.
En unifiant les deux pôles de
la fable, le récit et la leçon, en assurant la transition de l'un à l'autre sans
rupture de ton, La Fontaine fabuliste s'était affranchi dès le premier
recueil de cette contraignante polarité; dans le second recueil, la trans
formation partielle de la «moralité» en espace de confidence donne lieu
à de véritables morceaux d'anthologie (voir Textes 3, 6 et 8, pp.
50, 65 et
75).
Dans plusieurs fables, la «moralité» est traitée avec désinvolture,
presque complètement oubliée, et la voix du poète se fait entendre dans
de belles méditations lyriques, quelquefois mélancoliques, sur l'amour, la
douceur des songes, la certitude de la mort, l'amitié, les délices de la soli
tude.
Plutôt que délivrer des leçons générales et imposer les règles d'une
morale abstraite, le poète se confie à son auditoire, offre ses aveux comme
autant de propositions d'une sagesse toute personnelle, qui parie sur la
douce persuasion plutôt que sur la prescription contraignante.
Un propos plus ambitieux, plus varié et plus libre.
La Fontaine aug
mente la portée et l'étendue de son propos en y développant des points
de vue singuliers, qu'il partage avec le cercle intellectuel et savant gravitant
autour de Mme de La Sablière.
Il fait de la fable une tribune où il s'ex
prime sur des questions ambitieuses touchant aux sciences, vraies ou
fausses (VII, 17; VIII, 16), à la philosophie (IX, 19).
Il laisse aussi
transparaître des préoccupations politiques, et tout particu
lièrement sa hantise de la guerre et son aspiration à la paix (condamna
tion des guerres de conquêtes, XI, 7) : derrière les louanges de conven
tion,
adressées au roi, on devine la gêne et la méfiance qu'il éprouve au
spectacle de la grandeur belliqueuse et guerrière de Louis XIV:
N'est-il point encor temps que Louis
se repose?
27.
»
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- SYNTHESE FABLES DE LA FONTAINE - LIVRES VII-XII
- Dans le salon de Madame de La Sablière qu'il a fréquenté de 1672 à 1678, La Fontaine s'est mêlé aux discussions des philosophes et des savants. Les fables des Livres VII à XII contiennent des échos de leurs débats. ?
- « Les longs ouvrages me font peur», écrit La Fontaine dans l'Épilogue du Livre VI. A la lumière des fables contenues dans les Livres VII à XII, vous direz en quoi cette confidence du fabuliste éclaire son art poétique. ?
- « Les propriétés des animaux et leurs divers caractères y sont exprimés ; par conséquent les nôtres aussi, puisque nous sommes l'abrégé de ce qu'il y a de bon et de mauvais dans les créatures irraisonnables », écrit La Fontaine dans sa Préface au premier recueil de ses Fables (1668). Trouve-t-on encore dans les Livres VII à XII de quoi justifier cette affirmation du fabuliste ?
- La Fontaine a évoqué son apport personnel dans le domaine de la fable en décla¬rant qu'il y avait introduit la gaieté. Il précise ainsi cette notion : « Je n'appelle pas gaieté ce qui excite le rire ; mais un certain charme, un air agréable qu'on peut donner à toutes sortes de sujets, même les plus sérieux » (Préface du pre¬mier recueil, 1668). Votre lecture des Fables (livres VII à XII) vous permet-elle de souscrire à ce jugement ?