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PAUL CLAUDEL, Partage de Midi, III, fin.

Publié le 22/02/2012

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claudel
Ysé : Vois-la maintenant dépliée, ô Mésa, la femme pleine de beauté déployée dans la beauté plus grande! Que parles-tu de la trompette perçante ? lève-toi, ô forme brisée, et vois-moi comme une danseuse écoutante, Dont les petits pieds jubilants sont cueillis par la mesure irrésistible! Suis-moi, ne tarde plus! Grand Dieu, me voici, riante, roulante, déracinée, le dos sur la subsistance même de la lumière comme sur l'aile par-dessous de la vague! O Mésa, voici le partage de minuit! et me voici, prête à être libérée, Le signe pour la dernière fois de ces grands cheveux déchaînés dans le vent de la Mort! Mésa : Adieu! je t'ai vue pour la dernière fois! Par quelles routes longues, pénibles, Distants encore que ne cessant de peser L'un sur l'autre, allons-nous Mener nos âmes en travail ? Souviens-toi, souviens-toi du signe! Et le mien, ce n'est pas de vains cheveux dans la tempête, et le petit mouchoir un moment, Mais, tous voiles dissipés, moi-même, la forte flamme fulminante, le grand mâle dans la gloire de Dieu, L'homme dans la splendeur de l'Août, l'Esprit vainqueur dans la transfiguration de Midi! PAUL CLAUDEL, Partage de Midi, III, fin. Entre 1900 et 1906, au « midi » de sa vie, Claudel s'est posé un problème douloureux : comment deux êtres peuvent-ils, dés leur première rencontre, se sentir prédestinés de toute éternité l'un à l'autre et se heurter pourtant à l'obstacle d'un mariage antérieur, sacrement indissoluble? Quinze ans avant Le Soulier de satin, il résout ce problème : dans Partage de Midi, il affirme que le renoncement terrestre est la condition et le moyen d'une communion mystique dans l'au-delà. Mais la pièce se déroule presque tout entière dans le monde du péché; c'est seulement au cours de la dernière scène que nous pénétrons dans le monde de la grâce. Mésa, une âme ardente et tourmentée, a séduit Ysé, femme de De Ciz, après avoir fait attribuer à son mari un poste dangereux où il a trouvé la mort. Au bout d'un an, Ysé a quitté Mésa pour un aventurier qu'elle a connu jadis, Amalric. Au dernier acte, Amalric et Ysé se trouvent cernés par des rebelles dans une ville chinoise. Mésa les rejoint grâce à un sauf-conduit et veut sauver Ysé; Amalric le terrasse, s'empare du sauf-conduit et s'enfuit avec la jeune femme. Mais Ysé abandonne en route Amalric et revient auprès de Mésa pour mourir avec lui. Tous deux comprennent enfin le sens de leur aventure et attendent l'explosion imminente.

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