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Paul GuTH, Lettre ouverte aux futurs illettrés

Publié le 14/07/2012

Extrait du document

J'ai éprouvé moi-même, de mon propre chef, la fascination du fruit défendu... Au collège, dès que sonnait la cloche, mes camarades se ruaient hors de la classe. On aurait dit qu'un tremblement de terre les m enaçait, qu'il fallait quitter d'urgence un sol qui allait s'entrouvrir. Au contraire, j'aimais m'attarder, surtout après le dernier cours de l'après-midi quand je savais que personne ne reviendrait. Un soir, je me risquai à ouvrir le tiroir de la table du professeur. J'y découvris un livre énorme, que je me mis à feuillet er : un vieux Shakespeare illustré. On y voyait des rois avec des couronnes de fer et des pointes pareilles à celles des grilles. Des guerriers aux cuirasses en écailles de poissons poursuivaient, l'épée à la main, des j eunes filles dans les bois. La lune se levait sur des tours. La tempête j etait des navires à la côte. Des sorcières surveillaient des marmites d'où fusaient des vapeurs. Tous les soirs, debout,- je lus ce livre. Je n'osais pas m'asseoir à la table du professeur. Si un pion m'avait surpris j'aurais rejeté le livre dans le tiroir et fait semblant de chercher quelque chose par terre. Le soir tombait. Au loin les klaxons des autos résonnaient dans la ville, le long des promenades, où l es cafés s'allumaient. Je n'osais pas m'approcher de la fenêtre pour mieux voir. J'aurais été plus facil e à surprendre. Je collais m es yeux au vieux livre. Les châteaux au fond des forêts, les salles immenses des banquets, où rougeoyaient les torches, s'emplissaient de ténèbres . . . Tout cela bougeait autour d e moi, avec l a m enace accrue de l'obscurité, qui rendait ma présence de plus en plus insolite. (Allumer l'électricité m'aurait trahi.) Depuis ce temps , Shakespeare est resté mon trésor secret. Je n'en jouis pas avec cette possession paisible de ceux qui l'ont lu sagement dans leur chambre. Il reste pour moi un bien m enacé. Je dois le défendre contre l 'agresseur et la nuit . Mais je ne peux plus le voir joué. Il soulève en moi des extases que la voix des plus grands acteurs éteindrait. Je reste au centre de ses fables, cerné par les ténèbres, seul avec son univers de nuées.

 

« Enoncé Questions -Rédaction Texte J'ai éprouvé moi-même, de mon propre chef, la fascination du fruit défendu ...

Au collège, dès que sonnait la cloche, mes camarade s se ruaient hors de la classe.

On aurait dit qu'un trembleme nt de terre les me naçait, qu'il fallait quitter d'urgence un sol qui allait s'entrouvrir.

Au contraire, j'aimais m'attarder, surtout après le dernier cours de l'après-midi quand je savais que pers onne ne reviendrait.

Un soir, je me risquai à ouvrir le tiroir de la table du professeur.

J'y découvris un livre énorme, que je me mis à feui lleter : un vieux Shakespeare illustré.

On y voyait des rois avec des couronnes de fer et des pointe s pare illes à celle s des grilles.

Des guerri ers aux cuirasses en écaille s de poissons poursuivai ent, l'épée à la main, des jeune s fille s dans les bois.

La lune se levait sur des tours .

La tempête jetait des navire s à la côte.

Des sorcières surveillaient des marmite s d'où fusaient de s vapeurs.

Tous les soirs, debout,- je lus ce livre.

Je n'osais pas m':� sseoir à la table du profe sseur.

Si un pion m'avait surpris j' aurais rejeté le livre dans le tiroir et fait semblant de che rche r quelque chose par terre.

Le soir tombait.

Au loin les klaxons des autos résonnaient dans la ville, le long des promenades, où les cafés s'allu­ maient.

Je n'osais pas m:approch er de la fenêtre pour mieux voir.

J'aurais été plus facile à surprendre.

Je collais mes ye ux au vieux livre.

Les châte aux au fond des forêts, les salle s imme nses des banquets, où rougeoyaient les torches, s'em­ plissaie nt de ténèbre s ...

Tout cela bougeait autour de moi, avec la me nace accrue de l' obscurité, qui rendait ma présence de plus en plus insolite.

(Allume r l'él ectricité m'aurait trahi.) De puis ce temps , Shakespeare est resté mon trésor secret.

Je n'en jouis pas avec cette possession paisible de ceux qui. »

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