Paul Scarron, Le roman comique, commentaire d'un extrait (incipit)
Publié le 13/12/2023
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Paul Scarron, Le roman comique, commentaire
d'un extrait (incipit)
Le Roman comique est une oeuve de Paul Scarron dont la première
partie fut publiée en 1651 et la seconde en 1657.
Scarron mourut
alors qu'il travaillait à la troisième partie du roman, qui reste donc
inachevé.
L'adjectif « comique » de son titre indique à la fois qu'il
s'agit d'une œuvre plaisante, humoristique, qui relève de la
comédie.
Le roman débute par l'arrivée d'une troupe de comédiens au Mans
et raconte leurs aventures rocambolesques dans la ville et aux
environs.
Il comporte une série d'histoires enchâssées ; la plupart
sont des nouvelles espagnoles que Scarron a traduites et adaptées.
Parmi ces histoires, la plus célèbre est celle du Destin, le nom de
scène de Garrigues, et de L'Étoile, en réalité Mademoiselle de La
Boissière.
Paul Scarron, issu de la noblesse de robe, septième enfant de Paul
Scarron, conseiller au Parlement de Paris à la cour de comptes, et
de Gabrielle Goguet, entre dans les ordres en 1629.
Il vit au Mans
de 1632 à 1640, dans l'entourage de l'évêque Charles de
Beaumanoir et fréquente les salons provinciaux.
En 1638, il est atteint d'une maladie qui finit par le rendre
paralysé des jambes.
Selon la légende, la cause aurait pu en être
un bain dans l'eau glacée, durant le carnaval.
À partir de 1638,
Scarron n'est plus qu'un pauvre corps, tordu et perclus.
Il fut le premier mari de la future Madame de Maintenon.
Théophile Gauthier s'inspira du Roman comique dans Le Capitaine
Fracasse qui raconte aussi les aventures d'une troupe de
comédiens.
Chapitre premier : Une troupe de comédiens arrive dans la
ville du Mans (incipit du roman)
Le soleil avait achevé plus de la moitié de sa course et son char,
ayant attrapé le penchant du monde (1), roulait plus vite qu'il ne
voulait.
Si ses chevaux eussent voulu profiter de la pente du
chemin, ils eussent achevé ce qui restait du jour en moins d'un
demi-quart d'heure ; mais, au lieu de tirer de toute leur force ils ne
s'amusaient qu'à faire des courbettes, respirant un air marin qui
les faisait hennir et les avertissait que la mer était proche, où l'on
dit que leur maître se couche toutes les nuits.
Pour parler plus
humainement et plus intelligiblement, il était entre cinq et six
quand une charrette entra dans les halles du Mans.
Cette charrette
était attelée de quatre boeufs fort maigres, conduits par une
jument poulinière dont le poulain allait et venait à l'entour de la
charrette comme un petit fou qu'il était.
La charrette était pleine
de coffres, de malles et de gros paquets de toiles peintes qui
faisaient comme une pyramide au haut de laquelle paraissait une
demoiselle habillée moitié ville, moitié campagne.
Un jeune homme, aussi pauvre d'habits que riche de mine,
marchait à côté de la charrette.
Il avait un grand emplâtre sur le
visage (2), qui lui couvrait un oeil et la moitié de la joue, et portait
un grand fusil sur son épaule, dont il avait assassiné plusieurs
pies, geais et corneilles, qui lui faisaient comme une bandoulière
au bas de laquelle pendaient par les pieds une poule et un oison
qui avaient bien la mine d'avoir été pris à la petite guerre (3).
Au
lieu de chapeau, il n'avait qu'un bonnet de nuit entortillé de
jarretières de différentes couleurs, et cet habillement de tête était
une manière de turban qui n'était encore qu'ébauché et auquel on
n'avait pas encore donné la dernière main.
Son pourpoint (4) était
une casaque de grisette (5) ceinte avec une courroie, laquelle lui
servait aussi à soutenir une épée qui était aussi longue qu'on ne
s'en pouvait aider adroitement sans fourchette (6).
Il portait des
chausses troussées à bas d'attache, comme celles des comédiens
quand ils représentent un héros de l'Antiquité, et il avait, au lieu
de souliers, des brodequins à l'antique (7) que les boues avaient
gâtés jusqu'à la cheville du pied.
Un vieillard vêtu plus régulièrement, quoique très mal, marchait à
côté de lui.
Il portait sur ses épaules une basse de viole (8) et, parce
qu'il se courbait un peu en marchant, on l'eût pris de loin pour
une grosse tortue qui marchait sur les jambes de derrière.
Quelque
critique murmurera de la comparaison, à cause du peu de
proportion qu'il y a d'une tortue à un homme ; mais j'entends
parler des grandes tortues qui se trouvent dans les Indes et, de
plus, je m'en sers de ma seule autorité.
revenons à notre caravane.
Elle passa devant le tripot (9) de la Biche, à la porte duquel étaient
assemblés quantité des plus gros bourgeois de la ville.
La
nouveauté de l'attirail et le bruit de la canaille qui s'était
assemblée autour de la charrette furent la cause que tous ces
honorables bourgmestres (10) jetèrent les yeux sur nos inconnus.
Un lieutenant de prévôt (11), entre autres, nommé La Rappinière,
les vint accoster et leur demanda avec une autorité de magistrat
quelles gens ils étaient.
Le jeune homme dont je viens de parler
prit la parole et, sans mettre les mains au turban, parce que de
l'une il tenait son fusil et de l'autre la garde de son épée, de peur
qu'elle ne lui battît les jambes, lui dit qu'ils étaient français de
naissance, comédiens de profession ; que son nom de théâtre était
Le Destin, celui de son vieux camarade, La Rancune, et celui de la
demoiselle qui était juchée comme une poule au haut de leur
bagage, La Caverne.
Ce nom bizarre fit rire quelques-uns de la
compagnie (...)
Paul Scarron, Le Roman comique, 1651
Notes :
1) Image précieuse pour signifier que le soleil se couche
2) Pansement qui sert ici à masquer une partie du visage
3) Chapardés, volés
4) Partie de l'habillement qui recouvre le buste
5) Etoffe commune de teinte grise
6) Bâton ferré terminé par une fourche, sur laquelle on pose
normalement le canon d'une arme à feu
7) Chaussure couvrant le pied dans le costume des personnages de
comédie
8) Instrument de musique
9) Maison de jeu, lieu où l'on s'amuse
10) Bourgeois qui assure les fonctions de maire
11) Officier de justice
Introduction :
Ce texte,....
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