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Paul VERLAINE : Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore (commentaire)

Publié le 15/02/2011

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Puisque l'aube grandit, puisque voici l'aurore, Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore, Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien, C'en est fait à présent des funestes pensées, C'en est fait des mauvais rêves, ah ! c'en est fait Surtout de l'ironie et des lèvres pincées Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait. Arrière aussi les poings crispés et la colère A propos des méchants et des sots rencontrés ; Arrière la rancune abominable ! arrière L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés ! Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière A dans ma nuit profonde émis cette clarté D'une amour à la fois immortelle et première, De par la grâce, le sourire et la bonté, Je veux, guidé par vous, beaux yeux aux flammes douces, Par toi conduit, ô main où tremblera ma main, Marcher droit, que ce soit par des sentiers de mousses Ou que rocs et cailloux encombrent le chemin ; Oui, je veux marcher droit et calme dans la Vie, Vers le but où le sort dirigera mes pas, Sans violence, sans remords et sans envie : Ce sera le devoir heureux aux gais combats. Et comme, pour bercer les lenteurs de la route, Je chanterai des airs ingénus, je me dis Qu'elle m'écoutera sans déplaisir sans doute ; Et vraiment je ne veux pas d'autre Paradis.

 

Puisque l'aube grandit, de Verlaine.   

Les circonstances    Situation du passage :    Verlaine après avoir été éconduit, puis accepté sans enthousiasme par les parents de Mathilde Mauté, sa fiancée, vient d'être agréé èt sent son bonheur tout proche. S'insérant dans « La Bonne Chanson «, la chanson des fiançailles, il constitue un motif dans l'ensemble mélodique.    Impression d'ensemble :    Dans ce poème, baigné de joie intérieure profonde, s'exprime une sorte de mystique, et une volonté de conversion qui engendre une joie purificatrice marquant, après la stagnation dans les ténèbres et le mal, la montée vers un séjour de lumière, et la fixation dans une félicité riante et claire.     

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« La conjonction attaque fortement la strophe, articule nettement les deux hémistiches du premier vers. La lumière annonciatrice d'une belle journée s'étale, puis le ciel s'irradie comme le cœur de Verlaine devant lacertitude d'un bonheur imminent. « Puisque, après m'avoir fui longtemps, l'espoir veut bien Revoler devers moi qui l'appelle et l'implore.

» On ne peut que remarquer la simplicité du poète, humblement prosterné, qui attend le retour de l'espoir, comparé àun oiseau merveilleux.

Cet espoir éclaire de nouveau son cœur en lui accordant une grâce dont peut-être il n'estpas digne.

Cette attitude de reconnaissance tremblante est celle d'un être habitué au malheur, et que le bonheur nesaurait caresser qu'au passage.

Cette anxiété est aussi éloignée que possible de théâtrale complaisance dans lasouffrance, et de volupté romantique dans le sacrifice.

Elle exprime l'inquiétude d'un homme peu accoutumé aubonheur, mais qui ne demande qu'à relever la tête et à sourire à l'espoir. « Puisque tout ce bonheur veut bien être le mien.

» Verlaine se sent comblé au-delà de ses espérances et de ce qui lui est dû.

Ce bonheur immédiat et tangible est celuiqui consiste à être élu, et non plus seulement toléré. « C'en est fait à présent des funestes pensées, C'en est fait des mauvais rêves, ah! c'en est fait Surtout de l'ironie et des lèvres pincées Et des mots où l'esprit sans l'âme triomphait. Arrière aussi les poings crispés et la colère A propos des méchants et des sots rencontrés! Arrière la rancune abominable! arrière L'oubli qu'on cherche en des breuvages exécrés! » Verlaine veut remercier le destin de la faveur insigne qui lui est faite, non pas par un acte de foi verbal, mais parune conversion qui engage toute sa vie, en lui donnant une orientation nouvelle. Cette confession rétrospective est d'une émouvante simplicité.

Verlaine conjure les forces du mal avec l'âpre etenthousiaste violence d'un néophyte.

Ce que Verlaine réprouve, c'est la complaisance voluptueuse pour le mal, lesformes regrettables de sa sensibilité, le ricanement qui juge et condamne sans compréhensive indulgence, la colèrebouffonne et absurde qui ne fait qu'attiser la haine, et ne saurait remédier à la sottise, le ressentiment qui fait lemalheur de celui qui le nourrit, c'est le sommeil avilissant et mensonger de l'ivresse. La coupure insistante et martelée du vers après : « c'en est fait », montre chez Verlaine une sorte de déploiementfarouche de toutes les forces dont il est capable.

De même le cri « arrière », suivi d'une pause, semble défier unecoalition de toutes les puissances de menace. En évoquant les traits de sa personnalité nouvelle, Verlaine se sent l'âme allégée, purifiée comme après un bainspirituel, soulevée d'une grave allégresse.

Celle-ci, qui s'oppose à la volupté coupable où s'enlisait son âme, met enrelief la dualité de la personnalité de Verlaine, en qui s'opposent l'attirance très réelle pour le mal, et une séraphiquepureté. « Car je veux, maintenant qu'un Être de lumière A dans ma nuit profonde émis cette clarté D'une amour à la fois immortelle et première, De par la grâce, le sourire et la bonté, » Verlaine a conscience de sa faiblesse; il sait que ses résolutions, qui avortent constamment, impriment à ses actesune désolante versatilité, aussi se défend-t-il contre sa propre lâcheté, en montrant la raison pour laquelle vouloirlui sera facile et doux. Avec une ferveur extatique et une intensité d'adoration que jamais aucun pétrarquiste n'a dépassée, dépouillant lafemme de toute apparence physique, il la transforme en foyer radieux dissipant l'erreur où il s'égarait.

Le sentiment. »

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