Pensez-vous que les modes plaisants (humour, caricature, ironie) soient toujours des stratégies efficaces pour dénoncer des abus ?
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
sont noirs des pieds jusqu'à la tête » par exemple.
Il emploie aussi énormément d'antiphrases pour dénoncer sonpropos : « il est si naturel de penser que c'est la couleur qui constitue l'essence de l'humanité ».
L'auteur, encaricaturant les faits et dits, insiste ainsi sur les abus par l'ironie.
Il va loin et écrit même : « Le sucre serait tropcher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves ».
De nos jours, les dessins caricaturauxsont aussi un bon moyen de dénoncer des abus sans les prendre trop au sérieux.
C'est ce que fait Plantu dans sesdessins.
Par exemple, son dessin correspondant à La liberté de la presse est représenté par un crayon, avec aubout de celui-ci une gomme, n'étant qu'autre que la figure de l'autorité publique! Il dénonce ainsi la censure, sujetimportant, tout en gardant une pointe d'humour.
Cela peut aider à la compréhension du lecteur.
Au niveau de latélévision, les caricatures sont là aussi présentes, par exemple Les guignols de l'info.Ils poussent parfois les choses jusqu'à la satire, mais grâce à ces caricatures très poussées, arrivent à faire prendreconscience de certains problèmes et défauts aux gens.
Même si cette « émission » n'est pas toujours très fine etdélicate, elle peut permettre aux personnes de sourire à des choses graves et problèmes dénoncés.Pour finir, les modes plaisants sont un bon moyen de mise à distance par l'ironie.
Ils permettent de dénoncer desabus, en faisant prendre au lecteur une distance assez importante, pour qu'il puisse comprendre et voir où l'auteurveut en venir, ce qu'il dénonce.
Montesquieu, dans De l'esprit des lois, se sert de l'ironie et se met dans la peau d'unesclavagiste pour mieux montrer l'horreur de l'esclavage.
« Ils ont le nez si écrasé qu'il est presque impossible de lesplaindre » montre nettement le caractère absurde -> Où est le rapport? Il souligne l'absurdité des croyances : « onne peut se mettre dans l'esprit que Dieu ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir ».
Son ironiepermet de tourner en dérision le parti adverse, afin de le « déstabiliser ».
C'est ce fait Voltaire, dans son conteCandide lorsqu'il évoque la guerre (chapitre III).
Aussi, Victor Hugo, compare avec une immense ironie le ministèreau « divan » dans la préface de sa pièce Le roi s'amuse (1832).
Au 16ème siècle, Rabelais, dans son oeuvreGargantua utilise un ton humoristique voir satirique pour parler de la religion, où il critique le fonctionnement desabbayes fondé sur la contrainte.
Son mot d'ordre étant « Liberté » et sa devise « FAIS CE QUE VOUDRAS », il courtde grands risques à l'époque.
Néanmoins, cela a peut-être permis de « débloquer » certains points.
Le cas desGuignols de l'info est un bon exemple pour affirmer que la mise à distance par l'ironie, permet de faire prendreconscience aux gens des situations difficiles et abus dans la société.
C\'est que le rire met en relief la gravité d\'unesituation dramatique, en instaurant une certaine distance.
C\'est une façon d\'essayer de dominer cette situation,de chercher à desserrer l\'étau, d\'échapper à la souffrance, en quelque sorte.Certes, les modes plaisants ont donc assez d'avantages, ils peuvent donc être très utiles pour dénoncer des abus.Néanmoins, cette ironie, cet humour peut être plus ou moins bien pris par le lecteur, spectateur.
Les modes plaisants ont aussi divers points négatifs.
En effet, tout le monde n'est pas forcément à l'aise et habituéà l'ironie.
Tout d'abord, le rire peut l'emporter sur la compréhension du texte et surtout sur le message que veuttransmettre l'auteur.
Dans L'île aux esclaves de Marivaux, il traite de façon très comique l'histoire de l'esclavage.
Mais certaines personnes vont trop en rire et donc, ne pas comprendre où l'auteur veut en venir.
La difficulté estque beaucoup de gens, en trouvant une pièce de théâtre ou un livre très amusant et drôle, vont passer à côté dumessage.
Cela peut être le cas pour Les fables de La Fontaine, l'ironie étant présente tout le long de la fable, lelecteur peut avoir tendance à se laisser porter par ses « émotions », ici le rire.
« A peine on eut ouï la chose qu'onse mit à crier « Miracle! Apothéose! » Le cerf eut un présent, bien loin d'être puni ».De plus, l'inconvénient du mode plaisant est qu'il peut être mal interprété.
En effet, son interprétation peut êtreerronée.
Molière, grand écrivain du 17ème siècle, a écrit la pièce de théâtre Le misanthrope en se moquant de lacour et dénonçant leur hypocrisie.
Le lecteur doit comprendre qu'il est appelé à prendre ses distances avec laformulation brute et qu'il doit inverser les affirmations de l'auteur.
C'est un jeu subtil et fascinant, mais qui peutproduire l'effet contraire si le lecteur accepte tout au premier degré.
Dans De l'esprit des lois, Montesquieu faitcomme si il prenait le parti des esclavagistes et défendait de façon rigoureuse l'esclavage : « si j'avais à soutenir ledroit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves...
».
Mais tout ceci n'est qu'apparence, car en réalité sonraisonnement est sapé par l'ironie.
L'auteur emploie même de nombreux syllogismes mais qui sont donc détournés : «Nous, les chrétiens, devons traiter les hommes comme nos frères.
Or, nous ne traitons pas les esclaves comme nosfrères.
Ils ne sont donc pas des hommes ».
La conclusion attendue serait « Donc nous ne sommes pas chrétiens »...mais si le lecteur ne prend pas les choses au second degré, il risque de ne pas comprendre cette dernière réelleconclusion et de passer totalement à côté de l'abus dénoncé.
Jean-Paul Sartre disait -à propos de sa pièce Lesmains sales (1948)- « Une bonne pièce de théâtre doit poser des problèmes et non les résoudre ».
En effet, celasignifie que le spectateur a une certaine liberté d'interprétation.Pour finir, certaines personnes peuvent trouver le mode plaisant inadapté voir complètement déplacé pour dénoncerun abus.
Le poète Rilke (19ème siècle) dans Lettres à un jeune poète, disait « l'humour est adapté à de « grandssujets », à condition de le manier prudemment ».
En effet, pour certains gouvernements par exemple, « plaisanter »avec leur religion est insultant.
Cela peut devenir du manque de respect.
L'ironie déplacée peut être très déplaisanteet voir même blessante dans certains cas.
L'humour est à « prendre avec des pincettes » car il peut être de bon oude mauvais goût selon les sensibilités.
Les modes plaisants ont donc un inconvénient de plus qui s'avère être trèsimportant.
Pierre Desproge, écrivain et comédien du 21ème siècle insiste sur le fait que l'on peut peut-être rire de tout, mais entout cas, pas avec n'importe qui.
Les modes plaisants ne peuvent donc être efficaces que jusqu'à un certain point.Les modes plaisants ayant donc grand nombre d'inconvénients, plutôt difficiles à « manier », nous verrons d'autresmodes tout aussi intéressants.
Pour terminer, les modes sérieux sont aussi des stratégies efficaces permettant de dénoncer des abus.
Nous allonsvoir divers modes sérieux différents.
Tout d'abord, le réalisme.
Il exprime la volonté de certains artistes de montrer.
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