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PINGET Robert : sa vie et son oeuvre

Publié le 27/11/2018

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PINGET Robert (né en 1919). « Il me semble que lorsqu’on est attiré par un écrivain, ce n’est pas sa biographie qui intéresse [...]. Je n’ai pas de vie autre que celle d’écrire. Mon existence est dans mes livres... » (R. Pinget, Gazette de Lausanne, 4 déc. 1965).

 

Puisque Pinget lui-même nous y invite, soyons brefs sur ce qui concerne sa biographie. Bornons-nous à rappeler son origine genevoise, des études de droit qui le conduisent provisoirement au barreau, puis, en 1946, son installation définitive à Paris. Ses premières productions sont picturales. Pinget expose à Paris, puis, dès 1950, part pour enseigner le dessin en Angleterre. Voyages à travers l’Europe, l’Afrique du Nord, Israël — lequel lui fournit l’inspiration première du roman le Renard et la Boussole. C’est en 1951 que Pinget publie son premier livre, Entre Fantoine et Agapa, recueil de nouvelles débridées, où s’inscrit pour la première fois cette imaginaire géographie de villes et de paysages, Fantoine, Sirancy, Douves, Agapa, qui formera désormais le cadre permanent de ses narrations.

 

Après Mahu ou le Matériau (1952) et le Renard et la Boussole (1953), Pinget rejoint, aux Editions de Minuit, les futurs « Nouveaux Romanciers » [voir Nouveau roman]. C’est là qu’il publiera toutes ses œuvres : Graal Flibuste (1956), Baga (tiré de la pièce Architruc, 1958), le Fiston (1959), Clope au dossier (1961), l'Inquisitoire (1962), Quelqu'un (1965), le Libéra (1968), Passacaille (1969), Fable (1971), Cette voix (1975), l'Apocryphe (1980), Monsieur Songe (1982), le Harnais (1984), Charrue (1985), l'Ennemi (1987), Du nerf (1990), Théo ou le Temps neuf (1991), ainsi que son théâtre, (Lettre morte, 1959; la Manivelle, pièce radiophonique, 1960; Ici ou ailleurs avec Architruc et l'Hypothèse, 1961; Autour de Mortin, dialogues radiophoniques; Identité et Abel et Bêla, 1971 ; Paralchimie, avec Architruc, F Hypothèse et Nuit, 1973; Un testament bizarre, 1986).

 

Jean Ricardou a reconnu en Pinget l'un des représentants les plus caractéristiques de la nouvelle école romanesque (Pour une théorie du nouveau roman), et, en 1971, on retrouve l’auteur de le Libéra à ce colloque de Cerisy dont on a dit qu’il fut le lieu d’une « autodétermination » du Nouveau Roman par lui-même. Aveu, donc, d’une appartenance que Pinget a pu, au besoin, préciser, mesurer, mais qu’il n’a pas reniée. Une influence décisive sur l’œuvre et sur la vie de Pinget a été celle de Samuel Beckett. L’amitié qui lie les deux hommes, la lecture réciproque de leurs textes, à l’occasion, par exemple, de traductions (Beckett a traduit la Manivelle — The Old Tune; Pinget, Tous ceux qui tombent) n’ont pas manqué d’infléchir le travail de Pinget, lui-même à la recherche d’un « ton », d'une voix destinée à meubler le silence et à « donner un sens à la mort... » (l'Hypothèse). Peut-être est-ce cette influence qui a conduit Pinget au théâtre, avec des pièces où se joue la « comédie » de la parole vide, jeux à monter et démonter sans fin, «jusqu’à ce que mort s’ensuive» (Paralchimie).

« mélange tout le monde >> (Mahu ou le Matériau).

Aver­ tissement qui vaut pour l'œuvre entière: l'univers de Pinget se constitue à travers une interminable suite d'>, toujours avortées, reprises ct contredites.

« Manque un raccord>> (Celle voix).

Leitmotive que ces >, et les versions contradictoires d'une même scène: «pas de quoi faire un roman» (l'Apocryphe).

A moins qu'écrire ne soit justement ce piétinement, ces rabâchages, radotages qui ne mènent nulle part? ( « Tant de peine pour une fin hasardeuse >>, « A qui ce message? >>, ibid.).

La voix qui parle ici est souvent celle d'un très vieil homme : le serviteur de 1' lnquisitoire, à demi sourd; le narrateur du Libera; le «maître>> de Passacaille; le vieillard de l'Apocryphe, qui finit ses jours à l'asile.

lei, un témoin qui « aurait mal vu >>, à travers le brouillard matinal; là «la gardeuse de chèvres» qui laisse filer les mailles de son tricot; ailleurs, les fantasmes, les « absences >> (Passacaille).

Tous condamnés à dire et à reprendre sans fin, dans ces narrations amnésiques.

Pourquoi? «Plus de mémoire, mais la parlote est bien la dernière chose qui nous quille» (l'Apocryphe).

Car c·est bien de parole qu' i 1 s'agit : ces « phrases creuses » ne sont que transcriptions d'un discours dont l'énonciation compte plus que l'énoncé.

Parler, écrire, jouer: comme chez Beckett, la vie semble suspendue à cette voix contrainte au bavardage.

«Cette voix sous les décombres » ...

(Fable).

« Passer son existence à noircir du papier, suer sang et eau pour rassembler ses idées, numéroter des pages, se relire, récrire, raturer, supprimer et se morfondre enfin sur le résultat n'est pas une grâce>> ...

(l'Apocryphe).

Mais ces souvenirs, rédigés « entre deux moments d'ivresse >> (Passacaille), ces manuscrits, qui ont disparu - ou ceux dont les feuillets se sont mélangés -, ces « discours bouleversants d'incohérence», point d'affleu­ rement des « terreurs nocturnes >> où se lit une « détresse sans mesure >> apparaissent peut-être comme « un appel pressant, le besoin de rompre un silence mortel, une supplication, mais à qui? >>.

Quel héritier entreprendra la « publication posthume de [ces) divagations >> (l'Apocry­ phe)? Aussi bien la parole à laquelle Sisyphe est condamné se sait-elle condamnée d'avance.

Nul choix pourtant : « E·1 dehors de ce qui est écrit, c'est la mort » (le Fiston).. »

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