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Plat de poissons frits (Francis PONGE, Pièces)

Publié le 11/02/2011

Extrait du document

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Goût, vue, ouïe, odorat... c'est instantané :    Lorsque le poisson de mer cuit à l'huile s'entr'ouvre, un jour de soleil sur la nappe, et que les grandes épées qu'il comporte sont prêtes à joncher le sol, que la peau se détache comme la pellicule impressionnable parfois de la plaque exagérément révélée (mais tout ici est beaucoup plus savoureux), ou (comment pourrions-nous dire encore ?)... Non, c'est trop bon ! Ça fait comme une boulette élastique, un caramel de peau de poisson bien grillée au fond de la poêle...    Goût, vue, ouïes, odaurades : cet instant safrané...    C'est alors, au moment qu'on s'apprête à déguster les filets encore vierges, oui ! Séte alors que la haute fenêtre s'ouvre, que la voilure claque et que le pont du petit navire penche vertigineusement sur les flots,    Tandis qu'un petit phare de vin doré — qui se tient bien vertical sur la nappe — luit à notre portée.    Francis PONGE, Pièces, 1962.    Vous ferez de ce poème de Francis Ponge un commentaire composé. Vous pourrez y étudier avec quelle diversité de ressources est suggéré le charme épicurien d'une fine dégustation dans un cadre radieusement méditerranéen.   

1. Le candidat ne connaît guère Francis Ponge. Longtemps, la poésie supposa des formes fixes (sonnet, rondeau, disposition des rimes, alexandrins, octosyllabes, etc.) et des thèmes obligés (poésie lyrique, épique...).    Depuis le siècle dernier, les poèmes se sont affranchis de ces règles : le poème en prose est pratiqué par Baudelaire dans le Spleen de Paris, par Rimbaud dans les Illuminations et, même, un peu auparavant, par Aloysius Bertrand dans Ondine. Au début du XXe siècle, Apollinaire supprime la ponctuation dans son recueil Alcools. De plus, il réhabilite le quotidien, la modernité, ouvrant ainsi de nouvelles voies à l'exploration poétique. Le poème de Francis Ponge procède de cette évolution : écrit en prose, avec parfois des expressions familières, des jeux de mots, il décrit une réalité « prosaïque « qui, d'après les anciens critères, échappent au domaine poétique.

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« — une « vision » (le bateau, le port) qui reste au contact de la réalité et de l'objet qui l'a fait naître. b) la découverte — une simple dégustation qui devient une aventure — ambiguïté de la syntaxe — les jeux sur les mots ou les ressources de l'écrivain pour exprimer les objets — la composition traduit la confusion des registres (réalisme/ imaginaire). L'élève peut essayer de rédiger un commentaire à l'aide de ce plan succinct.

Le développement qui suit, organisé etstructuré par des titres, tente d'être le plus complet possible.

Certaines références, certaines précisions sont là àtitre indicatif.

Le jour de l'examen, le devoir ne devait pas être nécessairement aussi fourni.

L'élève choisirasimplement ce qui lui semble le plus pertinent. plan détaillé Première partie : une description réaliste La diversité des approches traduit la volonté de décrire l'aliment dans toute sa vérité et, si possible, d'une façonexhaustive. a) Les sens Le texte commence par l'énumération de quatre sens : « goût, vue, ouïe, odorat...

» Les points de suspension quiles séparent de l'affirmation « c'est instantané » suggèrent peut-être le mystère de cette opération où l'objets'impose dans son intégralité.

Le poète perçoit le réel grâce à une perception sensible toujours en éveil.

Nous allonsétudier maintenant comment l'on retrouve, au fil du texte ces différents sens. • La vue — Les couleurs : quelques couleurs, mais assez peu, par l'intermédiaire du « vin doré », proche peut-être du poissoncuit, de l'adjectif « safrané » qui appartient au même registre ocre-jaune, enfin du caramel, un peu plus foncé peut-être.

On a donc là une impression monochrome.

La lumière, suggérée par « un jour de soleil » se retrouve à la fin dutexte avec le verbe luire et l'évocation du « petit phare » qui guide les bateaux. — Les lignes : quelques lignes aussi : « les grandes épées » posent ce thème, sans en indiquer la direction.

Enrevanche, à la fin du texte, Fauteur insiste sur l'adjectif « bien vertical », signe d'une stabilité heureuse quicontraste avec le « petit navire [qui] penche vertigineusement ».

On imagine facilement la ligne oblique du mât.Ajoutons, mais beaucoup plus discret cette fois, l'axe horizontal de la nappe et du sol. — La photographie : elle est particulièrement adaptée au projet de l'écrivain.

« L'objectif » — bien nommé ! —restitue l'objet dans son exactitude, dans sa précision.

Le poisson change pendant la cuisson : souvent pâle, il secolore (jaune safrané) et parfois de façon trop contrastée : « exagérément révélée ».

L'instantané, la pelliculeimpressionnable appartiennent au même registre.

L'adjectif est particulièrement riche parce qu'il emprunte plusieurssens : l'un strictement photographique, l'autre qui se laisse facilement émouvoir.

On voit donc que la reproductionexacte de la réalité ne conduit pas à la froideur, à l'insensibilité (on parle aussi de sensibilité en photographie !).Comme le poète, le photographe « révèle » les objets qui l'entourent, sans les trahir. — La peinture : plus discret sans doute, un tableau apparaît dans la seconde partie du texte (à partir de « c'estalors »).

C'est une marine avec la « voilure qui claque » et le petit bateau secoué par les flots. • Le goût Le premier nommé, il est toujours évoqué en termes laudatifs : « savoureux », « trop bon », « déguster ». Le plat de poissons frits, très simple dans sa préparation, atteint les sommets de l'art culinaire et procure le «charme épicurien » dont parle le libellé. Notons que le poète parle aussi de la consistance des aliments : l'élasticité de la chair, sans doute, et le « craquant» de la peau bien grillée qui ressemble à du caramel.

Ici encore, on ne remarque pas la variété des sensations. • L'ouïe et l'odorat Ces deux sens semblent plus négligés parce qu'ils vont de soi peut-être : le bruit de la friture qui crépite et quirappelle la voilure qui claque au vent, l'odeur du poisson.

Mais une trouvaille poétique les met en valeur : d'abordparce qu'ils sont bien détachés dans la première phrase mais surtout parce qu'ils donnent lieu à un jeu sur les mots :. »

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