Devoir de Philosophie

« Plein ciel » de Victor Hugo, La Légende des siècles

Publié le 04/04/2011

Extrait du document

hugo

         1 Où donc s'arrêtera l'homme séditieux ?

 L'espace voit, d'un œil par moment soucieux,  L'empreinte du talon de l'homme dans les nues;  Il tient l'extrémité des choses inconnues;  5 Il épouse l'abîme à son argile uni;  Le voilà maintenant marcheur de l'infini.  Où s'arrêtera-t-il, le puissant réfractaire ?  Jusqu'à quelle distance ira-t-il de la terre ?  Jusqu'à quelle distance ira-t-il du destin ?  10 L'âpre Fatalité se perd dans le lointain;  Toute l'antique histoire affreuse et déformée  Sur l'horizon nouveau fuit comme une fumée.  Les temps sont venus. L'homme a pris possession  De l'air, comme du flot la grèbe et l'alcyon.  15 Devant nos rêves fiers, devant nos utopies  Ayant des yeux croyants et des ailes impies,  Devant tous nos efforts pensifs et haletants,  L'obscurité sans fond fermait ses deux battants;  Le vrai champ enfin s'offre aux puissantes algèbres;  20 L'homme vainqueur, tirant le verrou des ténèbres,  Dédaigne l'Océan, le vieil infini mort.  La porte noire cède et s'entrebâille. Il sort !  O profondeurs ! Faut-il encor l'appeler l'homme ?  L'homme est d'abord monté sur la bête de somme;  25 Puis sur le chariot que portent des essieux;  Puis sur la frêle barque au mât ambitieux;  Puis, quand il a fallu vaincre l'écueil, la lame,  L'onde et l'ouragan, l'homme est monté sur la flamme;  A présent l'immortel aspire à l'éternel;  30 Il montait sur la mer, il monte sur le ciel.  L'homme force le sphinx à lui tenir la lampe.  Jeune, il jette le sac du vieil Adam qui rampe,  Et part, et risque aux cieux, qu'éclaire son flambeau,  Un pas semblable à ceux qu'on fait dans le tombeau;  35 Et peut-être voici qu'enfin la traversée  Effrayante, d'un astre à l'autre, est commencée !    Hugo, La Légende des siècles   

1) Chanter le mouvement  a : le thème de la marche en avant  • Le réseau lexical de la marche est présent tout au long du poème depuis le « talon « du vers 3 au « pas « du vers 34 en passant par l'homme qualifié de « marcheur de l'infini «   

hugo

« sens d'humanité, est sorti victorieux est rendue par l'énumération ordonnée des vers 24 à 29 (« d'abord », « Puis »,« A présent ») qui contient notamment l'anaphore en « Puis » qui accumule avec emphase toutes les victoires del'homme sur l'univers.

Ailleurs dans le poème il ne s'agit que de puissance de l'homme (« puissant réfractaire »), demise en fuite de l'ennemi (« Toute l'antique histoire affreuse et déformée / Sur l'horizon nouveau fuit comme unefumée », « La porte noire cède et s'entrebâille.

Il sort ! »), de « pris[e] [de] possession », bref d'être « vainqueur »(l.

20) 2) Un récit épique• Le registre épique présente une suite d'actions exceptionnelles qui font basculer l'Histoire à la légende.

Parl'accumulation à travers les siècles des exploits de l'homme et de ses conquêtes territoriales, maritimes ou spatialesHugo rend l'histoire de l'humanité épique.

L'homme devient un héros que rien ne semble pouvoir arrêter comme lemontre à deux reprises l'interrogation « Où donc s'arrêtera l'homme séditieux ? » « Où s'arrêtera-t-il, le puissantréfractaire ? ».

Rien ne semble pouvoir lui résister.

Et les questions en anaphores sont là pour renforcer cetteimpression : « Jusqu'à quelle distance ira-t-il de la terre ? / Jusqu'à quelle distance ira-t-il du destin ? »• Le récit épique en outre prend sa source dans les temps reculés, à l'origine du monde ou des civilisations.

Ils'imprègne ainsi d'une atmosphère mythique.

Aussi avons nous dans ce poème de nombreux termes lexicaux et denombreuses tournures de phrases qui s'inspirent de la Bible ou de la mythologie ce qui participe au caractère épiquedu texte.

Par exemple, vers 5 « argile » fait référence à Adam créé de glaise par Dieu avant qu'il ne lui inspire lesouffle de vie.

D'ailleurs Adam est cité au vers 32.

Quant aux références mythologiques on peut citer « Toutel'antique histoire affreuse et déformée » qui « Sur l'horizon nouveau fuit comme une fumée » mais aussi le « sphinx »au vers 31 (= monstre à corps de lion et à tête humaine, créature égyptienne avant de passer dans la traditionantique Grèce où il est surtout attaché au mythe d'Œdipe : le Sphinx est celui qui pose l'énigme que doit résoudreŒdipe). II.

Chanter les progrès de l'humanité1) Chanter le mouvementa : le thème de la marche en avant• Le réseau lexical de la marche est présent tout au long du poème depuis le « talon » du vers 3 au « pas » du vers34 en passant par l'homme qualifié de « marcheur de l'infini » b : les verbes du mouvement en avant• « Il sort ! » mis en relief en fin de vers et ponctué d'un point d'exclamation• « Et part » mis en valeur en début de vers• Enfin c'est bien l'idée d'une marche en avant victorieuse qui brise ce qui lui fait obstacle qui est lisible dans lesvers 15 à 22.

Alors que les « deux battants » du ciel étaient fermés, l'homme « tirant le verrou des ténèbres »pénètre dans le champs céleste.

Cette métaphore de la porte de château fort brisée par la marche en avant duProgrès de l'humanité participe d'ailleurs de l'épique. c : les verbes de l'ascension• Alors que l'homme a conquis tout l'espace du globe, il lui faut maintenant conquérir l'espace aérien et s'élever dansle ciel, d'où la récurrence du verbe « monter » qu'Hugo utilise ingénieusement des vers 25 à 30.

L'ascension estd'abord très rapide et très utilitariste : il s'agit de monter sur une « bête de somme » puis progressivement sur lesmoyens de transports sont de plus en plus grands : « chariot », « frêle barque » jusqu'au vers 30 qui joue sur leparallélisme de construction des deux hémistiches tout en opposant les temps verbaux (imparfait / présent) et deuxéléments (la mer / le ciel) : « Il montait sur la mer, il monte sur le ciel ». 2) Le rythme des vers• Le rythme même des vers rend sensible l'idée abstraite de « progrès »• En effet, plusieurs vers ont un dynamisme particulier.

Il s'agit de ceux qui s'ouvrent ou se ferment sur un groupede mot bref :- ceux qui s'ouvrent par un mouvement sec : « L'espace voit, d'un œil par moment soucieux », « Jeune, il jette lesac du vieil Adam qui rampe / Et part, et risque aux cieux, qu'éclaire son flambeau / Un pas semblable à ceux qu'onfait dans le tombeau.

» et les rejets qui soulignent la progression d'un vers sur l'autre « Les temps sont venus.L'homme a pris possession / De l'air » et « Et peut-être voici qu'enfin la traversée / Effrayante, d'un astre à l'autre,est commencée ! »- Ou une exclamation brève en fin de phrase : « La porte noire cède et s'entrebâille.

Il sort ! » III.

Un poète visionnaire1) Tirer à partir de l'analyse du passé et du présent, des conjectures pour le futur• Le jeu des temps est intéressant :- évocation à l'imparfait et au passé composé des exploits déjà accomplis par l'homme- description des derniers progrès de l'homme au présent- interrogation sur le futur• Il s'agit d'embrasser d'un seul regard toute l'histoire de l'humanité, ce qui donne à ce poème toute son ampleur etparticipe de la démesure même de son propos (l'homme sur-puissant, à quoi rien ne résiste)• Après ce tableau saisissant tracé à grand traits le poète avance une hypothèse finale sur le futur qui découle detout son historique des progrès de l'humanité : « Et peut-être voici qu'enfin la traversée / Effrayante, d'un astre à. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles