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Pour écrire un seul vers... R. M. RILKE

Publié le 09/01/2020

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rilke

Cette union du passé et de l'avenir est manifeste au sein de la création artistique. L'écriture poétique en effet naît selon Rilke de la conjugaison des souvenirs, de leur oubli et de leur retour.

Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux et savoir quel mouvement font les petites fleurs en s’ouvrant le matin. Il faut pouvoir penser à des chemins dans des régions inconnues, à des rencontres inattendues, à des départs que l’on voyait longtemps approcher, à des jours d’enfance dont le mystère ne s’est pas encore éclairci, à des parents qu’il fallait qu’on froissât lorsqu’ils vous apportaient une joie et qu’on ne la comprenait pas (c’était une joie faite pour un autre), à des maladies d’enfance qui commençaient si singulièrement, par tant de profondes et graves transformations, à des jours passés dans des chambres calmes et contenues, à des matins au bord de la mer, à la mer elle-même, à des mers, à des nuits de voyage qui frémissaient très haut et volaient avec toutes les étoiles, - et il ne suffit même pas de savoir penser à tout cela. Il faut avoir des souvenirs de beaucoup de nuits d’amour, dont aucune ne ressemblait à l’autre, de cris de femmes hurlant en mal d’enfant, et de légères, de blanches, de dormantes accouchées qui se refermaient. Il faut encore avoir été auprès de mourants, être resté assis auprès de morts, dans la chambre, avec la fenêtre ouverte et les bruits qui venaient par à-coups. Et il ne suffit même pas d’avoir des souvenirs. Il faut savoir les oublier quand ils sont nombreux, et il faut avoir la grande patience d’attendre qu’ils reviennent. Car les souvenirs eux-mêmes ne sont pas encore cela. Ce n’cst que lorsqu’ils deviennent en nous sang, regard, geste, lorsqu’ils n’ont plus de nom et ne se distinguent plus de nous, ce n’est qu’alors qu’il peut arriver qu’en une heure très rare, au milieu d’eux, se lève le premier mot d’un vers.

Rainer Maria Rilke, Les Cahiers de Malte Laurids Brigge, trad. Maurice Betz, coll. « Points », Éd. Seuil, 1980, pp. 25-26.

Cette union du passé et de l'avenir est manifeste au sein de la création artistique. L'écriture poétique en effet naît selon Rilke de la conjugaison des souvenirs, de leur oubli et de leur retour.

rilke

« nombreux., et il faut avoir la grande patience d'attendre qu'ils reviennent.

Car les souvenirs eux -mêmes ne sont pas enco re cela.

Ce n'est que lorsqu'ils deviennent en nous sang, regard, ges te, lorsqu'ils n ·ont plus de nom et ne se dist inguent plus de nous, ce n'est qu'alors qu'il peut arriver qu'en une heu re très rare, au milieu d'eux, se lève le premier mot d'un vers.

Rainer Maria RILKE, Les Cahiers_ de Malte umrids Brigge , trad.

M:aurice Bet7., coll .

«Points'" Ed.

Seuil, 1980 , pp.

25-26.

POUR MIEUX COMPRENDRF.

LF TFXl E Rilke définit ici le processus de la rémini scence véri­ table, qui naît de l'oubli actif , c'est-à-dire de l'ac cum ulation des souvenirs, de leur effacement puis de leur retou r trans ­ figuré.

Là encore.

l'irréversibi lité du temps se voit travaillée en profondeur pa r le poète, qui en pense les surprises, les promesses , tout en 1.a sachant irrémédiable.. »

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