Pour le moment de Pierre REWRDY Plupart du temps (commentaire composé)

Pour le moment

La vie est simple et gaie

Le soleil clair tinte avec un bruit doux

Le son des cloches s’est calmé

Ce matin la lumière traverse tout

Ma tête est une rampe alumée

Et la chambre où j’habite est enfin éclairée

Un seseul rayon suffit Un seul éclat de rire Ma joie qui secoue la maison Retient ceux qui voudraient mourir Par les notes de sa chanson

Je chante faux Ah que c’est drôle Ma bouche ouverte à tous les vents Lance partout des notes folles Qui sortent je ne sais comment Pour voler vers d’autres oreilles Entendez je ne suis pas fou Je ris au bas de l’escalier Devant la porte grande ouverte Dans le soleil éparpillé Au mur parmi la vigne verte Et mes bras sont tendus vers vous

C’est aujourd’hui que je vous aime

Pierre REWRDY Plupart du temps, 1, 1915-1922.

Vous donnerez de ce poème un commentaire composé, en montrant par exemple comment il constitue une ouverture sur le bonheur.

autre type de bonheur, celui où ce « vous », jusqu’alors seulement annoncé interviendra, transformant obligatoirement amour et bonheur par sa seule présence. Par contre la joie « chantée » - au sens propre d’ailleurs - est personnelle dans son unicité. C’est « ma joie », c’est « ma tête » qui s’emplit de la luminosité du bonheur comme une scène s’éclaire brusquement quand la rampe [s’]allume ». Subtil aussi est le sentiment car il est d’abord comme tapis dans un lieu clos, « la chambre où j’habite »; il se développe comme sous le ooup de la baguette magique du soleil; la 1re notion d’épanouissement étant donnée par la lumière qui a « enfin éclairé » cette chambre. Subtilité complexe également. « Seul » et « tout » sont en effet associés au cours de cette prise de vie, spécialement dans les 2 premières strophes. Ainsi la simplicité du vocabulaire masque-t-elle en réalité la précision minutieuse de son emploi. Pour traduire cette matière si ténue d’un sentiment embryonnaire, il faut faire de la ^râie « le plus irréprochable et le plus achevé des objets » (Manoll). Ce quj est saisi est fugace, « aux bords vertigineux du précipice », selon l’expression même de Reverdy. D’où le passage mouvant de l’hexasyllabe (