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Pour un anniversaire - Paul Eluard

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Je fête l'essentiel je fête ta présence
Rien n'est passé la vie a des feuilles nouvelles
Les plus jeunes ruisseaux sortent dans l'herbe fraîche
Et comme nous aimons la chaleur il fait chaud Les fruits abusent du soleil les couleurs brûlent Puis l'automne courtise l'hiver vierge
L'homme ne mûrit pas il vieillit ses enfants Ont le temps de vieillir avant qu'il ne soit mort Et les enfants de ses enfants il les fait rire
Toi première et dernière tu n'as pas vieilli
Et pour illuminer mon amour et ma vie
Tu conserves ton coeur de belle femme nue.


Paul Eluard

Eluard... Un des plus grands poètes du 20e s. et avec Aragon un des chantres parfaits de l'amour partagé. Le texte « Pour un anniversaire « s'inscrit dans l'oeuvre : « L'Amour, la Poésie «, écrite lors de la période surréaliste d'Eluard et A. Breton affirme : « le miracle d'une telle poésie est de confondre tous les secrets en un seul, qui est celui d'Eluard et qui prend les couleurs de l'éternité «. Les deux mots qui constituent le titre réunissent les deux principaux pôles d'attraction du poète qui disait ne pouvoir créer (La Poésie) sans aimer (l'Amour).

« vers : « Et les enfants de ses enfants il les fait rire », sa syntaxe naïve (« et ...

il les fait rire »), la décomposition simpliste des termes (« et les enfants de ses enfants»).

L'amour est donc le seul moyen de faire disparaître l'âge, car celui qui aime vraiment est toujours aux premiersmoments de son amour.

La femme aimée « n'a ...

pas vieilli », elle est ire et dernière » pour le poète.

Comme le « Toi» qui éclate en tête de vers (4e tercet), l'opposition et rapprochement : « première et dernière » sont un crid'amour qui situe la femme dans l'espace (elle est seule, unique, pour son mari, parmi toutes les autres au monde),dans le temps car elle « n'a pas vieilli », elle est éternelle, car éternellement aimée.

C'est donc une forme derépétition que ce « tu n'as pas vieilli », malgré le passé composé ; la formule en effet rejoint le présent toujoursrenouvelé de « première et dernière ».

Une fois de plus donc la notion de Temps est en réalité supprimée, comme lasymétrie permanente : Amour/Vie est renouvelée (« mon amour et ma vie »), « illuminée » par le présent jamais finide la femme aimée qui « conserve » la valeur d'éblouissement qu'elle a provoqué lors des premières manifestationsd'amour des deux jeunes gens.

Contact simple d'une valeur d'absolu, véritable évidence d'amour que cetteexpression condensée (sens : « le coeur que tu avais quand tu étais une belle femme nue »).

Toute réalité detemps disparaît entre le fait de la « femme nue » d'avant et la représentation de la femme de maintenant, tandisque la fraîcheur de la sensualité du poète lui fait retrouver les sources primitives de cet amour. *** Or pour traduire un amour si naturel et si total, il lui faut une Poésie naturelle et totale.

Ce sont les sources mêmesdu mot, simple et secret à la fois, de l'image libre et mystérieuse pourtant, de la phrase claire, harmonieuse, maisaussi magique, bref d'une poésie héritière de la tradition lyrique française, mais d'un « son si nouveau qu'[on] nepouvait douter qu'un événement poétique fût en train de se produire ». « L'air et l'eau coulent dans nos mainsComme verdure en notre coeur », écrira-t-il plus tard dans Poésie Ininterrompue.

La Poésie et l'Amour, comme les mains transforment, multiplient,libèrent l'impalpable, délivrent les sources, s'ouvrent et « donnent ».

Elle est facile, agile, libre, cette poésie du 1ervers, dans ses répétitions qui dégagent les 2 mots clés : « l'essentiel/ta présence ».

Elle recense « feuilles », «ruisseaux », « herbe fraîche », les offre, les donne à voir, tout ce qu'il y a de simple, d'immédiat dans la nature, etpar là tout ce qui est réel dans la vie et le coeur de l'homme.

Quelle évidence d'amour que cette sollicitude de lachaleur d'été, donnée aux amoureux qui l'aiment (vers 4) ! « Fruits », « Soleil », « Couleurs » se tressent à traversun alexandrin à la fois régulier de rythme (non moins que la régularité de composition : 4 tercets) et rendu fluide,métamorphosé par l'absence de ponctuation (cf.

Apollinaire), l'abondance des enjambements, le léger effort degymnastique intellectuelle qu'elles exigent du lecteur.

Chaque détail devient précieux et « semble peser son poids leplus juste de réalité ».

Ce n'est pas une poésie intellectuelle, à la Valéry, mais au contraire transparente, limpide,qui rend donc évident ce qu'elle énonce, tels : « L'homme ne mûrit pas il vieillit...

»ou« les enfants de ses enfants il les fait rire ». Une existence nouvelle vibre grâce à cette « parole native » (R.

Jean).

Rien n'est articulé strictement (comparer unalexandrin classique, par exemple) et pourtant le message est immédiatement intelligible.

De brefs et lumineuxtableaux l'apparentent d'ailleurs à la peinture dont elle possède le pouvoir« muet » de transmission.

Monde du « regard » (le verbe VOIR est éluardien par excellence), que celui qui constate: « Rien n'est passé la vie a des feuilles nouvelles...

» ou« Toi première et dernière tu n'as pas vieilli »... ou qui présente les tableaux du vers 3 et des vers 5/6 (les citer).

Les prestiges de l'esthétique fondent devant tantde simplicité concrète, devant ce langage pur.

« Il fallait, dit Gide à l'époque où Eluard commence à publier, ouvrirles fenêtres ...

sur le monde ».

Car plus elle est pure et simple, plus la poésie d'Eluard arrive à établir communicationavec le lecteur.

Même dans un texte qui chante l'amour le plus personnel, l'expérience la plus secrète, la poésie —pour lui — doit être « croisement des regards », « miroir qui multiplie ».

Mais il aurait pu alors être tenté parl'enthousiasme lyrique et tomber dans certaines envolées un peu grandiloquentes.. »

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