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Que pensez-vous de la théorie des milieux par laquelle Taine explique le génie des écrivains et des artistes ? Ne néglige-t-elle pas ce qui fait précisément la personnalité ?

Publié le 15/02/2012

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Tout être vivant est plus ou moins modifié dans son développement par les conditions dans lesquelles il est placé, par son milieu. L'influence de ces conditions est très évidente et très étendue; il est difficile, impossible même d'en marquer les limites....

« que sensation, la vertu et le vice des produits comme le sucre et le vitriol.

Non, le milieu peut bien expliquer l'aspect particulier, l'habit pour ainsi dire sous lequel se présente tel génie, mais non le génie lui-même.

Les maîtres de la peinture : Michel-Ange, Murillo, Rembrandt, David; les grands musiciens : Palestrina, Mozart, Gounod, Wagner, ont eu de leur art une con­ ception différente, due sans doute à leur époque et à leur origine; ils sont de leur temps et d·e leur pays.

Mais n'est-il pas hasardeux d'affirmer que cette influence les a faits peintres ou musiciens de génie, plutôt que sculp­ teurs ou conquérants.

Notre xvn• siècle est une époque de discipline, d'autorité, de grandeur, de raison calme et bien équilibrée; il est évident que les grands écrivains et artistes de cette époque sont remarquables par cet équilibre de facultés puissantes dont une forte éducation avait prépa,ré le développement harmo­ nieux.

Le xvnl" siècle est plus agité, plus fiévreux; le plus grave des auteurs, Montesquieu, demeure frivole même dans l'Esprit des Lois, qui est souvent « de l'esprit sur les lois ».

L'extravagant Rousseau doit beaucoup de cette extravagance aux influences de sa famille, de sa religion, de ses aventures d'enfant perdu.

Plus tard, Combourg, la lande bretonne, les forêts d'Amérique, la Révolu­ tion, la dure vie d'émigré à Londres contribuèrent à nous donner un Chateau­ briand dédaigneux, rêveur et mélancolique; tandis que Milly, la Savoie, l'Italie et leur riante nature préparèrent un poète d'inspiration plus douce.

Tous ces exemples prouvent que les hommes, même les mieux organisés, les esprits les plus fermes sont de leur temps et de leur pays, c'est-à-dire qu'ils nous apparaissent avec les traits particuliers qui caractérisent une époque ou une race.

Cela est indiscutable et il.

ne saurait en être autrement.

Aucun homme ne peut s'affranchir absolument du milieu où il vit.

Mais si le milieu revêt les hommes d'une sorte d'habit particulier qui les date et les situe, il ne crée pas leur âme avec ses facultés pl_us ou moins puis­ santes.

Un grand écrivain, un grand artiste_ ne sont pas des génies parce qu'ils appartiennent à tel milieu social.

Ils ont reçu de la nature des facultés d'imagination, de sensibilité, de raison qui leur permettent de découvrir, inventer, créer des choses nouvell!ls· Par la puissance de ces facultés ils dépassént leur temps et leurs con~emporairis; ce sont des esprits supérieurs qui ·se distinguent précisément par une personnalité très accusée : ils sont originaux: Le milieu dans lequel ils vivent ne peut expliquer cette originalité qui est u~e sorte d'affranchissement de ce milieu même.

Si le milieu expliquait le génie, pourquoi dans -tel milieu donné ne trou­ verait-on que quelques rares hommes supérieurs et non une foule? S'il faut admettre, par exemple, que Bossuet est le produit naturel des influences xvn• siècle, comment donc ~·y a-t-il qu'un Bossuet à cette époque? Ne de­ vrait-on pas en compter au moins autant que de prédicateurs? Il y a sans doute d'autres .

grands orateurs de la chaire contemporains de Bossuet, m,ais ils sont fort différents; Bourdaloue, pour n'en citer qu'un, .ne lui res- semble guère.

Et n'est-il pas extraordinaire de voir ce même xvn• siècle produire des hommes de génie si divers? Pascal, Molière, Racine, Bossuet, La Fontaine ne paraissent pas être le fruit d'un même arbre, quoique on ptJisse dé~ouvrir en ~mx des traits qui les rapprochent.. »

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