Quelle est la place de l'oeuvre dans la tradition littéraire?
Publié le 06/08/2014
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Quelle est la place de l'oeuvre dans la tradition littéraire?
Au Moyen Âge, la tradition est parée d'un prestige qu'elle a aujourd'hui perdu. Ce prestige de la tradition a de grandes conséquences dans le domaine littéraire. La qualité maî¬tresse de l'oeuvre littéraire, ce n'est pas alors comme aujourd'hui son originalité, acquise de haute lutte sur une tradition dont on juge qu'elle étouffe la personnalité individuelle, mais sa conformité à une tradition que l'on considère comme la source vive de la spiritualité uni¬verselle. Or la tradition littéraire peut prendre deux formes, la forme écrite et la forme orale.
Perceval ou le Roman de Graal de Chrétien de Troyes.
«
voyage de l'un à l'autre que dans un sens.
On juge qu'une représentation si simple doit pou
voir se concilier avec tout, et lorsqu'on réécrit les récits des païens, on fait tout son possible
pour reconnaître dans le paganisme une préfiguration du christianisme.
Avec les récits
antiques, par exemple, le travail est
aisé: les Grecs et les Romains ont fait l'erreur de croire
en plusieurs dieux, mais ils ont cru aussi
en!' existence d'une vie après la mort, et là est!' es
sentiel.
Avec les récits bretons, cependant, il
n'y a rien à faire.
Les frontières sont brouillées,
non seulement entre le monde commun et l'autre monde, mais encore entre la vie et la mort.
Les celtes croient en un autre monde, mais qui
n'est séparé du monde commun que par une
frontière mouvante et pénétrable, comme une mer, un cours d'eau, un lac, une brume, ou
même une simple forêt.
Quelque
nef enchantée, quelque gué périlleux, quelque orage ou
brouillard, ou bien une bête sauvage que
l'on s'égare à suivre, sont les moyens d'y péné
trer.
On y rencontre d'ailleurs non seulement des nains et des géants, des fées et des enchan
teurs, mais encore, dans les châteaux merveilleux et les palais fabuleux où ils se sont retirés,
des morts et des disparus.
On ne voit rien ici de !'au-delà chrétien.
Ill.
Un attrait pour la tradition bretonne
Un nouvel idéal héroïque
L'attrait tient quant à lui aux aspirations aristocratiques, qui dans la tradition bretonne
trouvent un champ d'expression presque idéal.
La noblesse, toute convaincue de sa gran
deur, ne cherche que le moyen de s'illustrer dans quelque action d'éclat.
Le service reli
gieux la séduit, et elle remplit les monastères et les églises.
Mais elle ne peut pas toute se retirer
du monde ou entrer dans les ordres.
Elle cherche donc une grandeur terrestre.
Le service
militaire la fascine, et c'est bien là qu'elle trouve ce qui lui va le plus.
Elle trouve dans le culte
des armes, dans l'exploit militaire, tout l'éclat dont elle rêve.
La tradition épique la repré
sente prêtant sa force à !'empereur et au pape.
Toutefois, dans sa turbulence, elle rêve aussi
d'exploits moins collectifs, plus personnels.
Le service amoureux, enfin, commence à
la
toucher.
Avec la courtoisie, elle définit dans l'exploit amoureux un nouvel idéal.
Or dans la
tradition bretonne, la noblesse ne peut voir que le miroir de ses aspirations.
L'aventure, dans
un monde merveilleux dont rien ou presque ne tient du christianisme, y prend essentiellement
la forme d'un parcours personnel, et les exploits, chevaleresques et courtois, permettent au
héros de construire peu à peu son identité propre.
Un nouvel idéal littéraire
Les auteurs de récits bretons ne se sont pas laissé séduire par une matière plaisante
mais dépourvue de sens.
Au contraire, ils ont compris que les récits bretons offraient à la
littérature la possibilité
d'un sens nouveau, au plus près des attentes de leurs contemporains.
Chrétien de Troyes est
l'un des tout premiers à prendre son parti de la situation.
Dans ses
romans, il représente un monde où la politique royale comme la religion chrétienne, si elles
sont bien représentées, ne sont pas pour autant le centre du tableau; un monde où
l' essen
tiel,
c'est le parcours personnel d'un héros qui se construit en se mesurant à son propre des
tin.
Ainsi, dans le
Conte du Graal, les aventures de Perceval et de Gauvain ont certes un
intérêt pour le royaume et pour la chrétienté, mais ce n'est pas ce qui apparaît le
plus: même
lorsque leur action a une fonction politique ou religieuse, elle apparaît comme une action
personnelle et formatrice..
»
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