Devoir de Philosophie

Qu'est-ce qu'un roman d'apprentissage ?

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

L'apprentissage doit être vraiment formateur. Pour prendre un exemple extérieur, celui des contes de Voltaire, on ne saurait parler d'itinéraire de formation à propos de Candide, qui est ballotté à travers le monde non pas pour le découvrir mais pour fuir des poursuivants ou retrouver Cunégonde. Il se retrouve à la fin n'ayant rien vu ni appris, sinon une formule de bon sens : «il faut cultiver notre jardin«. En revanche, les voyages de l'Ingénu sont l'exploration d'un curieux, il découvre l'amour vrai et les abus du pouvoir absolu ; il est, dans le conte philosophique, le personnage qui apprend. 

« de la société. L'apprentissage est d'abord une relation amoureuse.

Ainsi en est-il dans les œuvres les plus représentatives :Rastignac veut conquérir Delphine de Nucingen ; Julien Sorel, Mme de Rénal, puis Mathilde de La Mole {Le Rouge etle Noir) ; Frédéric Moreau, Mme Arnoux (L'Éducation sentimentale) ; Lucien Chardon (puis de Rubempré), Mme deBarge ton {Les Illusions perdues) ; Georges Duroy, Mme Forestier puis Suzanne Walter {Bel-Ami). La distance sociale entre les amants s'ajoute nécessairement à la composante amoureuse ou érotique.

Toutehistoire d'amour où l'amant s'efforce de plaire et de conquérir n'est pas un roman d'apprentissage.

Il faut en plus quela poursuite amoureuse soit aussi un moyen de se hisser dans un rang social plus élevé.

Tel est bien le cas pourJulien Sorel, fils de charpentier, qui se fait aimer de la femme d'un notable maire de sa ville, puis de la fille d'unmarquis ; Lucien Chardon, issu du faubourg industrieux d'Angoulême, et fils d'une garde-malade et d'un apothicairepauvre, courtise Mme de Bargeton, l'aristocrate du plus haut rang dans la ville.

Quand la distance n'est pas dans lerang, elle est dans l'argent : Rastignac est pauvre et Delphine femme de banquier.

Georges Duroy, démuni au pointde devoir rogner sur ses repas, épouse une grande bourgeoise, puis la fille d'un magnat de la presse.

Pour FrédéricMoreau, la distance qui le sépare de Mme Arnoux n'est pas de rang ni d'argent, mais idéale : elle incarne à ses yeuxle mythe de la femme, inaccessible. La quête amoureuse est aussi découverte de la femme, créature admirée longtemps à distance et ardemment convoitée.

L'amour est initiation au sentiment, révélation duplaisir, et finalement éducation sentimentale.

Tel est bien le cas pour Frédéric, pour Eugène, pour Julien Sorel, dontMme de Rénal est la première conquête. Un apprentissage de la société La deuxième composante du genre est liée le plus souvent à une relation où se croisent l'amour et l'argent. L'ascension sociale du héros.

Le personnage découvre l'échelle des classes sociales et apprend les moyens demaîtriser les leviers de la fortune pour se hisser au plus vite dans les premiers rangs.

Tel est à l'évidence l'objet desambitieux de Balzac, Eugène et Lucien, et aussi de Georges Duroy, chez Maupassant.

Eugène est au comble de lafélicité quand il a du succès dans les bals de l'aristocratie et il compte sur Delphine pour s'enrichir.

Lucien jubilequand il est reçu à l'hôtel de Mme de Barge ton et il gagnera vite beaucoup d'argent par ses articles dans la presselibérale.

Duroy s'enivre de voir la haute société se presser pour le complimenter lors de son mariage avec l'une deshéritières les plus fortunées de Paris.

L'attitude de Frédéric est différente : il ambitionne aussi par moments unehaute destinée, dans l'art ou la politique, il ne sait pas ; mais il a de l'argent par sa famille et à force de tergiverser,il finit par renoncer ; car chez Flaubert, l'ambition est stérile.

Julien Sorel mérite un regard particulier.

Certes, quelorgueil pour lui de faire bonne figure à la table et dans le salon du marquis de La Mole ! Mais son ambition ne relèvepas de la vanité naïve de briller, elle tient surtout à ce besoin de se faire respecter qu'il revendique dans les milieuxsupérieurs au sien.

A cette fierté intransigeante s'ajoute le goût du bonheur, et il n'est heureux que par le cœur,jamais à la perspective d'un gain, il dédaigne trop pour cela les mesquineries de l'intérêt. L'apprentissage est lié à la réflexion morale : le héros se pose la question du conflit entre les aspirations de saconscience et les bassesses du monde et de l'argent.

L'histoire de Rastignac est celle de ses scrupules et de sesrenoncements progressifs aux préceptes d'honnêteté de sa famille.

Julien s'interroge sans cesse sur son devoir, ilsouffre de s'installer à la table des riches pendant que des malheureux se plaignent à la porte.

Lucien hésite lui aussientre le travail scrupuleux qui porte ses fruits à long terme et les réussites faciles du journalisme.

Le héros apprentide la vie est un peu philosophe, et cette exigence de pensée exclut Georges Duroy qui, lui, ne réfléchit à rien, nemédite rien ; il jouit, sans prendre le temps d'un examen de conscience, d'un recul critique sur ses actes. Le choix d'un héros masculin.

Pourquoi le héros en apprentissage est-il toujours un garçon ? Peut-être est-ce àcause de ce désir de parvenir, typiquement masculin dans la représentation traditionnelle, que s'explique l'absencedes femmes comme protagonistes du roman d'apprentissage.

Elles sont présentées comme déjà installées dans lavie, et dans un rang social tel qu'il ne leur reste plus rien à conquérir ; elles peuvent au contraire contribuer àl'ascension du héros : c'est le cas de Delphine pour Eugène, de Mme de Rénal et de Mathilde pour Julien, de Mme deBargeton pour Lucien, de Madeleine Forestier et Suzanne Walter pour Duroy.

Souvent mariées et déçues dans leurménage, ou affligées comme Mathilde de soupirants médiocres, elles attendent, en retour de la protection accordéeau héros, les satisfactions d'un amour vrai.

Elles sont les compagnes, et non pas les actrices, de l'apprentissage. Conclusion On voit combien il est difficile de cerner avec précision les contours du roman dit d'apprentissage.

A trop en reculerles limites, on finirait par y admettre la production littéraire dans sa totalité, et non sans une apparence de raisonpuisque tout écrit relate une expérience, qui est formatrice pour le personnage qui l'a vécue. On se contentera de définir simplement le héros en apprentissage comme un jeune homme d'origine modeste quiaspire à une ascension sociale, ou un pauvre qui veut devenir riche et qui aime au-dessus de sa condition, et sonparcours comme la quête d'une vérité, celle de sa propre vie.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles