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Qui est Hamlet ?

Publié le 11/03/2011

Extrait du document

Le personnage principal de ce sombre drame est évidemment Hamlet. Mais qui est Hamlet ? Un être peu intelligible, « une énigme « déclare Jean Paris après tant d'autres, qui l'ont dit, redit et ressassé. Mais tous s'acharnent à l'expliquer dans la mesure même où il est inexplicable, si bien, que, selon J. Joyce, il est devenu « le terrain de chasse des esprits déséquilibrés «. Disons même des esprits équilibrés, d'autant plus déconcertés par Hamlet qu'ils sont précisément équilibrés. D'où « des myriades d'hypothèses «, nous dit E. Jones, qui s'empresse d'en grossir démesurément le lot. D'où les infinies précautions des critiques, comme H. Fluchère, qui insistent sur la complexité déroutante d'un caractère, sable coulant entre les doigts, et sur les interprétations contradictoires qu'il suscite. « Il y a presque autant de Hamlet que de générations, de critiques et d'acteurs. On veut Hamlet tel qu'on l'a senti, on le fabrique à son image «.

« détective psychologique désespéré » ou de « bousilleur », qui dégrade sa vengeance par un excès de paroles et degestes ? Accepterait-il un portrait qui frise la caricature ? A un degré moindre, et avec plus de vraisemblance, on insiste sur sa folie.

Est-elle réelle ? Oui, prétend Meredith,Hamlet est « fou dès l'origine ».

Non, répondent la plupart des critiques.

Hamlet est un simulateur rusé qui cacheson jeu pour mieux tromper son entourage et avoir ses coudées franches.

Sa folie, prétend T.S.

Eliot, est moins quefolie et plus que feinte.

Pagnol va plus loin et affirme que, d'une part, Hamlet a de véritables crise de folie, et que,d'autre part, il « simule le simulateur », etc...

etc...

Sur la folie, la demi-folie, la simulation d'Hamlet, on n'en finit pasde ratiociner et d'ergoter.

On se demande pourquoi tant de divergences et de discussions byzantines, alors que letexte est fort clair ; il n'est que de le lire avec attention. La plupart des partenaires d'Hamlet estiment que celui-ci ne jouit pas de toute sa raison.

Dès le début, Horatioredoute que le Spectre ne le « pousse dans sa folie » ; les lieux mêmes, la sinistre falaise qui surplombe la mer enfurie, ne vont-ils pas lui détraquer le cerveau en le jetant dans le désespoir ? (A.

I, Sc.

4).

Polonius estime que lamanière dont Hamlet se comporte avec sa fille Ophélie prouve qu'il est en proie à la démence, mais que cettedémence « n'est pas sans méthode » (A.

II, Sc.

1 et 2).

Le Roi s'aperçoit qu'Hamlet a changé, que sa démence estturbulente, dangereuse, et il en rend responsable sa mélancolie, tout en reconnaissant que ses propos ne sont pastoujours d'un fou (A.

III, Sc.

1, 3 -A.

V, Sc.

1).

La Reine est beaucoup plus catégorique ; elle a d'ailleurs de bonnesraisons, en entendant les injures qu'Hamlet déverse sur elle, de crier au « délire », à l'égarement, à la folie pure, etelle compare cette folie à la démence de la mer et du vent (A.

III, Se.

4 - A.

IV, Se.

1).

Il est naturel égalementqu'Ophélie, aussi maltraitée, ait la même impression et déplore la déchéance physique d'Hamlet, dont la raison, «comme un beau carillon désaccordé, sonne faux » (A.

III, Sc.

1). Son entourage est donc porté naturellement à le croire fou.

On peut en effet se laisser prendre aux apparences, ets'y tromper.

Mais, mis à part des accès de colère et de violence, Hamlet n'est pas fou.

Rien de plus net que sesdéclarations.

Dès le début il prévient Horatio qu'il « juge opportun d'affecter au besoin des allures fantasques », et ildemande à son ami de ne pas s'en faire l'écho (A.

I, Sc.

5).

Un peu plus tard, il déclare à Guildenstern, avec unepointe d'ironie : « Je ne suis fou que lorsque le vent est nord-nord-ouest.

Quand il est sud, je sais distinguer unevessie d'une lanterne ».

(A.

II, Sc.

2).

Rosencrantz explique au Roi que, si Hamlet a « l'esprit dérangé », il se refuseà en dire la cause, car sa « folie est adroite » (A.

III, Sc.

1).

Quant à Hamlet, il multiplie les aveux : « Il me fautsimuler la folie » - « Ce n'est pas la folie qui dictait mes paroles, mettez-moi à l'épreuve et je les redirai, alors que lafolie me ferait divaguer ».

— « Ma folie n'est qu'une ruse » (A.

III, Sc.

2 et 4).

Sans doute, pour s'excuser d'avoirfait injure à Laërtes, il met son geste malheureux sur le compte de la folie, mais il y a une part de sincérité dans lesparoles qu'il adresse au frère d'Ophélie.

Derrière la folie feinte qui lui sert d'excuse, le désarroi profond et réelprovoqué par les révélations du Spectre atteint, au Ve acte, son paroxysme.

Hamlet, qui affectionnait Laërtes,cherche sincèrement à se faire comprendre et pardonner.

(A.

V, Sc.

2). Bref il y a chez Hamlet une alternance calculée de lucidité et de déraison qui explique en partie son caractère.

Ilsimule la folie par nécessité, car il est en danger.

S'il était vraiment fou, il agirait en fou, et tuerait froidement,séance tenante, son oncle Claudius. Le texte est donc catégorique.

Mais les critiques veulent un Hamlet beaucoup plus compliqué, beaucoup plusmystérieux.

Les uns voient en lui un homme de la Renaissance, un intellectuel, un artiste solitaire, mélancolique etrêveur, type très à la mode en 1600.

Les autres dénoncent en lui un philosophe hanté par une nouvelle vision del'Univers et chargé de rétablir l'ordre dans une société pourrie et un monde à la dérive.

Certains attribuent à cephilosophe d'occasion un « sexe douteux », une féminité inquiétante, un érotisme brutal.

D'autres le supposent encommunication avec les puissances surnaturelles et l'au-delà.

Supposition gratuite.

E.

Legouis estime au contrairequ'Hamlet se limite à la vie terrestre et n'envisage jamais une vie supra-terrestre où l'âme accéderait à l'immortalité.Mourir, pour lui, c'est dormir, rien de plus.

Hamlet ne serait donc qu'un personnage « négatif ».

Il n'en est pas moins,selon Aldous Huxley, un « orchestre complet », selon L.

Gillet, un héros pensif plein de tendresse chrétienne, quitressaille du grand frisson.

Or, aucune trace de tendresse chrétienne chez lui ; et quel est ce « frisson » ? PourGide, la clef du caractère d'Hamlet est la métaphysique et l'esprit germanique dont il a été imprégné à l'Université deWittenberg.

Thèse fragile, qui renforce, outre-Rhin, la conception d'un Hamlet père du romantisme allemand et de lapensée allemande.

D'autres critiques estiment au contraire qu'il est spécifiquement anglais pour l'excellente raisonqu'il est Shakespeare lui-même, Shakespeare dans sa « période noire », Shakespeare mêlé à un épisode honteux : laliaison adultère d'Anne avec un des frères de son mari.

Hypothèse dont il y a fort peu à retenir, tout écrivain semettant plus ou moins inconsciemment dans son œuvre. Pour les uns, Hamlet est un soldat noble et brave, pour les autres, un timoré, un méditatif, un pacifiste, unsceptique écœuré qui a subi l'influence de Montaigne et de Machiavel.

Pour d'autres, il est un noble esprit, uneconscience pure, une intelligence vive, un être d'exception resté sans tache ni péché au seuil du Paradis perdu ; lemonde du rêve est le sien.

Fagus voit en lui l'incarnation du péché et du mauvais rêve ; il le traite de « tragiquepantin neurasthénique », « d'halluciné délirant », et, injure suprême, de « vieille taupe ».

Pourquoi taupe, etpourquoi vieille ? Quant à Tolstoï, romancier réaliste, il nie que Hamlet soit un caractère.

Mais, pour certainscritiques, Hamlet est beaucoup plus qu'un caractère.

C'est ainsi que Jean Paris décèle en lui moins un mystèrepsychologique qu'une philosophie du tragique, de l'histoire, de l'homme, de la nature, bref « une véritable symboliquede l'Univers ».

N'est-ce pas lui accorder une importance excessive ? Enfin on croit éclairer notre lanterne en se livrant au jeu des rapprochements.

Hamlet aurait des prototypes dans. »

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