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QUINCEY

Publié le 22/04/2012

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quincey

Son clavier intellectuel n'en fut pas moins toujours prodigieux. Voici comment il en jouait, au dire d'un témoin qui l'entendit à Edimbourg : « Parlait-on bétail «,dit Gillies dans ses Memoirs of a Veteran, « il s'en échappait aisément pour passer aux papillons, puis à l'immortalité de l'âme, à Platon et à Kant et à Schelling ct à Fichte et aux années de jeunesse de Milton et aux sonnets de Shakespeare, à Wordsworth et à Coleridge, à Homère ct à Eschyle, à saint Thomas d'Aquin, à saint Basile et à saint Chrysostome. Mais il ne les séparait nullement de la vie réelle, telle qu'il l'entendait, et il exposait de profonds mystères tirés de sa propre expérience....

quincey

« « Mon regard », nous dit-il, « avait été façonné jusqu'à devenir l'organe d'une vision seconde, par la détresse, par la solitude, par la sympathie pour la vie dans tous ses modes, par l'expérience trop tôt acquise et la conscience d'un danger évité de justesse.

Supposez qu'un homme ait été suspendu, puis, finalement, lentement ramené -il est probable qu'il ne sourirait pas pendant des années.

Tel fut mon cas.

» Le sourire lui revint.

Il connut les joies de la contemplation ct celles des amitiés intellec­ tuelles dans le District des Lacs où l'attira la présence de Wordsworth; puis, marié, des saisons de bonheur domestique et d'activité créatrice.

Mais c'était un bonheur haché d'anxieuses « pros­ trations devant la noire idole », une création de plus en plus soumise à son chaotique empire.

A propos d'une Logique de l'Économie politique qu'il vient d'achever à grand-peine, il gémit dans une lettre : «C'est comme si l'on trouvait des sculptures d'ivoire, des bois délicatement ouvrés et de beaux émaux mêlés aux cendres et aux vers parmi les cercueils et les épaves de quelque vie oubliée ou de quelque nature abolie.

» Son clavier intellectuel n'en fut pas moins toujours prodigieux.

Voici comment il en jouait, au dire d'un témoin qui l'entendit à Edimbourg : « Parlait-on bétail »,dit Gillies dans ses Memoirs of a Veteran, « il s'en échappait aisément pour passer aux papillons, puis à l'immortalité de l'âme, à Platon et à Kant et à Schelling ct à Fichte et aux années de jeunesse de Milton et aux sonnets de Shakespeare, à Wordsworth et à Coleridge, à Homère ct à Eschyle, à saint Thomas d'Aquin, à saint Basile et à saint Chrysostome.

Mais il ne les séparait nullement de la vie réelle, telle qu'il l'entendait, et il exposait de profonds mystères tirés de sa propre expérience -les visions qu'il avait eues au cours de ses marches solitaires parmi les montagnes, telles expériences person­ nelles qui illustraient, si elles ne prouvaient point, les doctrines que l'on peut professer sur les rêves, les pressentiments, la seconde vue et le mesmérisme.

Et quel que pût être le sujet, chacune de ses phrases s'intégrait au plus parfait tissu logique et concourait à une mélodie soutenue.

» Cette mélodie est celle-là même de ses plus beaux écrits.

Elle y revêt, en dépit de ses mou­ vements d'ironie ou de tendresse, des accents singulièrement graves.

Ce n'est pas assez dire.

Des essais aussi divers que La Malle-Poste, De l'Assassinat, La Sphinge Thébaine, Les Derniers Jours de Kant, Jeanne d'Arc, La Révolte des Tartares, Le Heurt à la porte dans« Macbeth »,et pareillement des nouvelles noires comme Klosterheim et Le Vengeur, trahissent tous, quel qu'en soit le prétexte, un sentiment d'angoisse.

Angoisse nourrie de celles de l'enfance, orchestrée par la mémoire, par l'opium, par les rêves.

Angoisse de la faute ancienne, du pas irréparable franchi, comme de l'inévitable erreur future.

Angoisse de la rétribution survenant sous la forme de quelque terrible châtiment qui intéresse l'individu ou l'espèce tout entière.

Autrement dit, pour la conscience tourmentée de De Quincey, angoisse de la mort, fille du péché, à l'œuvre au-dedans comme au-dehors de l'homme.. »

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