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RACINE: Bérénice (Fiche de lecture)

Publié le 17/01/2022

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Que faudrait-il faire pour contenter des juges si difficiles ? La chose serait aisée pour peu qu'on voulût trahir le bon sens. Il ne faudrait que s'écarter du naturel pour se jeter dans l'extraordinaire. Au lieu d'une action simple, chargée de peu de matière, telle que doit être une action qui se passe en un seul jour, et qui, s'avançant par degrés vers sa fin, n'est soutenue que par les intérêts, les sentiments et les passions des personnages, il faudrait remplir cette même action de quantité d'incidents qui ne se pourraient passer qu'en un mois, d'un grand nombre de jeux de théâtre d'autant plus surprenants qu'ils seraient moins vraisemblables, d'une infinité de déclamations où l'on ferait dire aux acteurs tout le contraire de ce qu'ils devraient dire.

« «vénération» (Préface d' Iphigénie).

Par goût personnel, c'est surtout vers les Grecs que le dramaturge se tourne, en particulier vers son maître entre tous, Euripide : «Euripide était extrêmement tragique, c'est-à-dire qu'il avait merveilleusement excité la compassion et laterreur, qui sont les véritables effets de la tragédie.» (Préface d'Iphigénie) La tragédie, d'autre part, met en scène des personnages illustres, de sang royal le plus souvent, hors du commun.Sa vocation première est d'être jouée devant la cour, pour le bon plaisir du roi ; elle est, écrira François Mauriac,«un miroir promené sur le palais des rois», offrant aux monarques une vision magnifiée de leurs préoccupations(amour et pouvoir). La tragédie racinienne sera donc, comme celle de Corneille, essentiellement une tragédie antique.

Et l'on voit avecBritannicus, tragédie romaine à arrière-plan politique le jeune Racine marcher sur les traces de son rival pour sans doute le supplanter.

La même année, les deux hommes s'affrontent sur un même sujet, les amours de Titus etBérénice : en 79 ap.

J.-C.

à Rome, l'empereur Titus, qui vient de succéder à Vespasien, aime Bérénice, reine dePalestine.

Mais les lois romaines interdisent à un empereur romain d'épouser une princesse étrangère.

Titus est donccontraint de renoncer à Bérénice et de la renvoyer dans son pays. Bérénice est, avec Britannicus, la seule tragédie romaine de Racine.

Elle est inspirée par une phrase de l'historien latin Suétone : «Titus, qui aimait passionnément Bérénice, et qui même, à ce qu'on croyait, lui avait promis de l'épouser, larenvoya de Rome, malgré lui et malgré elle, dès les premiers jours de son empire.» (Vies des douze Césars) Racine puise donc ses sources dans l'histoire, ce qui ne l'empêche pas de proposer sa propre vision des événementset des êtres.

Si la qualité de sa pièce doit y gagner, il n'hésite pas à prendre certaines libertés avec l'Histoire,notamment avec les personnages secondaires, dont la vie nous est moins connue: «un ancien commentateur de Sophocle remarque fort bien "qu'il ne faut point s'amuser à chicaner les poètespour quelques changements qu'ils ont pu faire dans la fable : mais qu'il faut s'attacher à considérer l'excellentusage qu'ils ont fait de ces changements, et la manière ingénieuse dont ils ont su accommoder la fable à leursujet".» (Seconde Préface d'Andromaque) Corneille proclamait son amour du vrai et recherchait des actions extraordinaires; Racine, au contraire, ne veutemprunter à l'histoire que des situations «vraisemblables», car: «il n'y a que le vraisemblable qui touche dans la tragédie.» (Préface de Bérénice) 2.

UNE TRAGÉDIE DE L'ÉPURE La Bérénice de Racine est jouée pour le première fois le 21 novembre 1670, par les comédiens de l'hôtel de Bourgogne ; une semaine plus tard, Corneille fait donner son Tite et Bérénice, par la troupe de Molière.

Le duel tourne à l'avantage de Racine, qui affirme désormais sa prééminence.

C'est que le siècle finissant s'est peu à peudétaché, en partie sous l'influence du jansénisme, des hautes valeurs de l'héroïsme qui, pendant la première partiedu siècle, imprègnent la littérature et notamment la dramaturgie cornélienne.

Racine répond aux goûts du public, etses choix esthétiques représentent l'aboutissement et la synthèse de l'idéal classique. Racine va, dans ses pièces, se conformer scrupuleusement à la règle des trois unités : unité de temps (la pièce sedéroule en une seule journée), unité de lieu (Bérénice se déroule à Rome, «dans un cabinet qui est entre l'appartement de Titus et celui de Bérénice»), et unité d'action.

Ces trois unités constituent dans la dramaturgieracinienne plus qu'une convention.

L'unité de lieu et de temps sert à symboliser très fortement la situationd'enfermement dans laquelle se trouvent les personnages.

Le lieu même dans lequel se déroule l'action de Bérénice n'est pas quelconque : «Souvent ce cabinet superbe et solitaire Des secrets de Titus est le dépositaire. C'est ici quelque fois qu'il se cache à sa cour Lorsqu'il vient à la reine expliquer son amour. De son appartement cette porte est prochaine. »

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