Réflexion sur la parodie en littérature
Publié le 13/09/2013
Extrait du document
«
2) Réagir contre les procédés mécaniques d’un auteur, d’une école ou d’un genre
littéraire
Les formalistes russes, dans les années 1920, ont jugé que la parodie constituait un facteur de
« l'évolution littéraire ».
Pour Iouri Tynianov, en « détruisant l'ensemble ancien et en le
reconstruisant à nouveaux frais », le texte parodique accomplit un renouvellement salutaire,
indispensable, qui empêche un déclin de la littérature.
La parodie est donc pour les formalistes
russes une « mise à l'épreuve du discours littéraire ».
En exagérant de façon caricaturale les
traits caractéristiques et les procédés récurrents du texte-cible, elle leur permet d’éviter une
sacralisation, c'est-à-dire une transformation en stéréotypes.
Prenant l'exemple de Tristram
Shandy de Sterne .
Le romancier anglais met à nu les procédés conventionnels du roman
comme la causalité, la succession chronologique, la linéarité de la composition, etc., et
constitue le contenu de son propre roman sur notre prise de conscience de la forme
romanesque
3) La notion de parodie postule un « contrechant », une œuvre qui se construit dans
l'opposition à une autre
L'étymologie même du mot parodie ( ôdê signifiant « le chant », et para à la fois « contre » et
« à côté »), confirme l’idée d’un contrechant, d’une œuvre qui se construit dans l'opposition à
une autre.
Ainsi, la relation qui unit un texte parodique à son texte cible est de l'ordre d'une
transformation comique, d’un travestissement burlesque… Fréquent au XVIIème siècle, que
l'on croit pourtant si respectueux des traditions, le burlesque consistait à parodier une œuvre
noble de l’Antiquité, généralement une épopée, comme l’Iliade, l’Odyssée ou l’Énéide, et à
l'affubler d'une forme vulgaire.
L'exemple le plus célèbre en est le Virgile travesti , de Paul
Scarron, qui parodie l’Eneide de Virgile, ou encore la Deiliade, (littéralement l’ « Iliade des
lâches », ridiculisant la célèbre épopée.
Ce type de parodie possède quelquechose
d'iconoclaste, et ce d'autant plus que l'œuvre parodiée est consacrée, pour ne pas dire sacrée.
II.
Mais la parodie témoigne aussi d’une attirance
1) Une pratique mal comprise et discréditée
L'usage courant a pour habitude de donner au mot parodie la signification péjorative de
simulacre ou de mauvaise imitation.
Souvent, on assimile la parodie à des pratiques qui
reposent sur la tromperie, telles que le plagiat (qui est l'appropriation de l'œuvre d'un autre),
ou la supercherie (l'attribution d'une œuvre à un auteur imaginaire).
Mais c'est surtout avec le
pastiche qu'elle est confondue, alors que celui-ci a pour objet l'imitation stylistique.
Ainsi, de
nombreuses anthologies de pastiches rassemblent en fait des parodies, et quand les deux
genres coexistent, c'est le pastiche qui tend à l'emporter, comme dans l'édition française de
Diario minimo d'Umberto Eco, qui a été intitulée Pastiches et postiches (1988), bien que ce
recueil comprenne autant de parodies que de pastiches, dont par exemple Nonita, parodie du
roman de Nabokov, où le jeune héros brûle d'amour pour une octogénaire décatie .
Il est vrai
qu'Umberto Eco lui-même ne distingue pas les deux termes dans sa Préface.
La préférence
donnée au terme de pastiche s'explique certainement par la signification populaire péjorative
qu'a prise la parodie.
Le fait qu'elle se soit développée, au XVIII e et au XIX e siècle, à travers un
théâtre populaire qui avait pour cadre la foire, puis sur les scènes de boulevard, et qu'elle ait
triomphé, à la fin du XIX e siècle, dans des lieux comme Le Chat noir (un ancien célèbre
cabaret de Montmartre) permet de comprendre le mépris dont elle a été longtemps victime.
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