Devoir de Philosophie

Rencontre à la cour. La Princesse de Clèves, Madame de Lafayette

Publié le 06/07/2010

Extrait du document

lafayette

Elle avait ouï parler de ce prince à tout le monde comme de ce qu’il y avait de mieux fait et de plus agréable à la cour ; et surtout Mme la dauphine¹ le lui avait dépeint d’une sorte et lui en avait parlé tant de fois qu’elle lui avait donné de la curiosité, et même de l’impatience de le voir.

Elle passa tout le jour des fiançailles chez elle à se parer, pour se trouver le soir du bal et au festin royal qui se faisait au Louvre. Lorsqu’elle arriva, l’on admira sa beauté et sa parure ; le bal commença et, comme elle dansait avec M. de Guise, il se fit un assez grand bruit vers la porte de la salle, comme de quelqu’un qui entrait et à qui on faisait place. Mme de Clèves acheva de danser et, pendant qu’elle cherchait des yeux quelqu’un qu’elle avait dessein de prendre, le roi lui cria de prendre celui qui arrivait. Elle se tourna et vit un homme qu’elle crut d’abord² ne pouvoir être que M. de Nemours, qui passait par-dessus quelques sièges pour arriver où l’on dansait. Ce prince était fait d’une sorte qu’il était difficile de n’être pas surprise³ de le voir quand on ne l’avait jamais vu, surtout ce soir-là, où le soin qu’il avait pris de se parer augmentait encore l’air brillant qui était dans sa personne ; mais il était difficile aussi de voir Mme de Clèves pour la première fois sans avoir un grand étonnement.

M. de Nemours fut tellement surpris de sa beauté que, lorsqu’il fut proche d’elle, et qu’elle lui fit sa révérence, il ne put s’empêcher de donner des marques de son admiration. Quand ils commencèrent à danser, il s’éleva dans la salle un murmure de louanges. Le roi et les reines se souvinrent qu’ils ne s’étaient jamais vus, et trouvèrent quelque chose de singulier de les voir danser ensemble sans se connaître. Ils les appelèrent quand ils eurent fini sans leur donner le loisir de parler à personne et leur demandèrent s’ils n’avaient pas bien envie de savoir qui ils étaient, et s’ils ne s’en doutaient point.

- Pour moi, madame, dit M. de Nemours, je n’ai pas d’incertitude ; mais comme Mme de Clèves n’a pas les mêmes raisons pour deviner qui je suis que celles que j’ai pour la reconnaître, je voudrais bien que Votre Majesté eût la bonté de lui apprendre mon nom.

-    Je crois, dit Mme la dauphine, qu’elle le sait aussi bien que vous savez le sien.

-    Je vous assure, madame, reprit Mme de Clèves, qui paraissait un peu embarrassée, que je ne devine pas si bien que vous pensez.

-    Vous devinez fort bien, répondit Mme la dauphine, et il y a même quelque chose d’obligeant pour M. de Nemours à ne vouloir pas avouer que vous le connaissez dans l’avoir jamais vu.

La reine les interrompit pour faire continuer le bal ; M. de Nemours prit la reine dauphine. Cette princesse était d’une parfaite beauté et avait parut telle aux yeux de M. de Nemours avant qu’il allât en Flandre ; mais, de tout le soir, il ne put admirer que Mme de Clèves.

Le chevalier de Guise, qui l’adorait toujours, était à ses pieds, et ce qui venait de se passer lui avait donné une douleur sensible. Il le prit comme un présage que la fortune destinait M. de Nemours à être amoureux de Mme de Clèves ; et, soit qu’en effet il eût paru quelque trouble sur son visage, ou que la jalousie fit voir au chevalier de Guise au-delà de la vérité, il crut qu’elle avait été touchée de la vue de ce prince, et il ne put s’empêcher de lui dire que M. de Nemours était bien heureux de commencer à être connu d’elle par une aventure qui avait quelque chose de galant et d’extraordinaire.

Mme de Clèves revint chez elle, l’esprit si rempli de tout ce qui s’était passé au bal que, quoiqu’il fût fort tard, elle alla dans la chambre de sa mère pour lui en rendre compte ; et elle lui loua M. de Nemours avec un certain air qui donna à Mme de Chartres la même pensée qu’avait eue le chevalier de Guise.

Le lendemain, la cérémonie des noces se fit. Mme de Clèves y vit le duc de Nemours avec une mine et une grâce si admirables qu’elle en fut encore plus surprise.

Les jours suivants, elle le vit chez la reine dauphine, elle le vit jouer à la paume avec le roi, elle le vit courre la bague, elle l’entendit parler ; mais elle le vit toujours surpasser de si loin tous les autres et se rendre tellement maître de la conversation dans tous les lieux où il était, par l’air de sa personne et par l’agrément de son esprit, qu’il fit, en peu de temps, une grande impression dans son cœur.

 

 

Mme de Lafayette, La Princesse de Clèves, Première partie.

Nous sommes au 16ème siècle, à la cour de Henri II et Catherine de Médicis. Un bal est donné pour les fiançailles de la Dauphine, Marie Stuart avec l’héritier du trône. Le Prince et la Princesse de Clèves y sont conviés. Cette dernière, âgée de seize ans et demi, est réputée pour sa grande vertu et sa fidélité à un mari plus âgé qu’elle n’aime pas. Au bal, elle va rencontrer le Duc de Nemours, un brillant gentilhomme dont les conquêtes amoureuses ne se comptent plus et qui est sur le point d’épouser la reine d’Angleterre…

lafayette

« Mme de LAFAYETTE , La Princesse de Clèves , Première partie. 1.

L'épouse de l'héritier du trône (ici Marie Stuart)- 2.

Dès l'abord, tout de suite.- 3.

Sens fort : étonné.- 4.

Admiration (qui éblouit et qui aveugle.)- 5.

Unique en son genre, rare.- 6.

Frappée, charmée.- 7.

Plein de grâce et de distinction.- 8.

Courir (jeu sportif, comme le précédent .) Séance 1 : Questions faisant suite à la lecture linéaire du texte. (Possibilités d'alterner cours dialogué et travail autonome) Objectifs : Déterminer la fonction importante de la description Définir un courant littéraire du 17 ème siècle : la Préciosité. 1- Résumez en quelques phrases les étapes de ce récit. Quel temps verbal est le plus souvent employé ? Quel effet produit-il ? Madame de Clèves se prépare pour aller aux fiançailles de la Dauphine (cour de HenriII.) Elle assiste à l'entrée duDuc de Nemours et danse avec lui.

Toute l'assistance est témoin de l'émotion réciproque causée par cetterencontre ; le Roi qui la provoque, la Dauphine et le Duc de Guise faisant des commentaires à ce sujet.

Le soirmême, la Princesse ne peut s'empêcher d'en parler à sa mère.

Elle reverra Nemours les jours suivants et son émotiongrandira… Le temps le plus souvent employé est le passé simple .

Il traduit ici une action précise, un événement mémorable mais aussi le caractère soudain et irréversible de la passion.

Il donne au lecteur une idée de fatalité. 2- Quel verbe revient souvent tout au long du texte ? Que veut-il traduire ? Le verbe Voir revient souvent tout au long du texte sous des emplois divers (lignes 6, 17, 21, 22, 25, 33, 34, 53, 67, 82, 83, 84, 85) ainsi que des verbes synonymes (lignes 10, 15, 21, 54-55, etc) Cette permanence du verbe voir illustre un amour platonique qui ne se développe qu'à travers le regard, un amour non abouti ; c'est tout au moins les hypothèses que nous pouvons faire d'après ce passage.

On peut y voirégalement le désir de traduire une société du paraître dans laquelle tout se résume aux apparences (toilette, beauté, séduction) Néanmoins, d'autres verbes de mouvement, perception, réflexion, contribuent à faire de cepassage un passage d'analyse. 3- Relevez deux champs lexicaux importants.

Quelle est leur fonction ?. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles