Devoir de Philosophie

Réponse à un adolescent blasé. Robert Sabatier

Publié le 23/02/2011

Extrait du document

 Réponse à un adolescent blasé. Robert Sabatier    «Pourquoi apprendre?«, me dit un adolescent sur un ton blasé. « Pourquoi apprendre puisque j'oublierai les deux tiers de ce que j'ai appris et que le reste ne me servira pas à grand chose?« J'aurais pu lui parler du rôle des études dans la formation intellectuelle. Se référant à la raison pratique, qui ne lui aurait répondu en évoquant les diplômes, les possibilités d'établir sa situation dans la vie, de faire une carrière ?    Et on aurait pu ajouter que les études, c'est comme l'eau pure ; on l'apprécie quand on est dans le désert. Et combien, parmi les défavorisés de la société m'ont dit : « Et pourtant, j'étais doué. Ah ! si on m'avait fait faire des études «...    Mais pour répondre à cet adolescent moins blasé sans doute qu'il ne voulait bien le montrer, j'ai choisi d'autres arguments. En effet, cet aimable provocateur, ce charmant petit Socrate, pour sa délectation personnelle, voulait m'amener à entrer dans un jeu où il serait gagnant puisqu'il prévoyait mes objections et savait par quelles insolentes pirouettes il pourrait y répondre. J'ai préféré puiser dans mon expérience enfantine d'une pédagogie sauvage et dont finalement je ne me plains pas puisqu'elle a ouvert à ma curiosité les portes du savoir et fait de moi un éternel étudiant. Et j'ai évoqué une idée toute simple qu'on oublie généralement : l'idée de plaisir.    Celui qui a le bonheur d'accéder à ce bien précieux, la culture, doit en connaître les joies. Malheureusement, ce n'est pas le cas du plus grand nombre. J'ai visité beaucoup de comités culturels d'entreprises. Il y a là des gens de bonne volonté qui mettent toute leur énergie à éveiller des intérêts pour le livre, le disque ou le spectacle. Ils savent que l'homme ne vit pas seulement de pain. Ils savent que l'accession à la consommation est une chose et que l'accession au savoir en est une autre. B existe malheureusement des soifs de connaissances qui restent insatisfaites. La fatigue des journées de travail, des transports, le manque de temps et de moyens en sont la cause, et aussi l'abandon à la quotidienneté envahissante. Cela m'a attristé bien souvent, mais quel réconfort que de voir briller dans un regard une certaine flamme : celle de l'être qui découvre autre chose que son horizon limité de chaque jour.    A cela et à ceux-là, il faudrait bien penser.    Non, la culture n'est pas un mot abstrait, une entité administrative. Elle est un besoin, une nécessité, une nourriture. Mais elle est aussi, par-dessus tout, un plaisir.    Robert Sabatier, Journal du Dimanche, 1973    QUESTIONS    1) Résumez ce texte en 10 ou 12 lignes.    2) Indiquez le sens de :    — pour sa délectation personnelle,    — pédagogie sauvage,    — l'abandon à la quotidienneté envahissante.    3) Après lavoir expliquée, vous direz si vous êtes d'accord avec cette opinion de l'auteur : "La culture est un besoin, une nécessité, une nourriture. Mais elle est aussi, par dessus tout, un plaisir".

« substituant au terme « plaisir ».

VOCABULAIRE Délectation personnelle.

Le nom signifie le fait de savourer, de goûter.

Il suggère que les questions posées parl'adolescent procèdent d'un plaisir un peu superficiel (qui s'oppose au plaisir de la lecture).

Ce qui importe c'estl'action de débattre, de discuter.

Plaisir égoïste donc.

Cette impression est confirmée par les mots « insolentespirouettes ». Pédagogie sauvage.

L'art de convaincre et d'enseigner s'effectue méthodiquement.

Voici la pédagogie au sensstrict.

Elle imposerait à Robert Sabatier d'utiliser tous les arguments, de les graduer.

Or il en néglige un certainnombre (formation intellectuelle, les raisons pratiques) pour n'en retenir qu'un (le plaisir).

Il procède donc d'instinct,il va à ce qui lui tient à cœur et crée ainsi une «pédagogie sauvage».

Cet adjectif exprime donc l'absence de règles(voir aussi le camping sauvage, l'école sauvage, etc.). L'abandon à la quotidienneté envahissante.

Les problèmes de chaque jour captent tout le temps et toute l'énergiede ces hommes.

L'usure est telle qu'ils ne résistent plus et se laissent âller à la facilité.

Plus question donc de fairel'effort d'ouvrir un livre. DEVOIR Pour cerner le sujet, il faut remarquer que la culture n'est pas définie comme un contenu, mais par la façon dontelle est perçue : besoin, nécessité, nourriture supposent, en effet, qu'elle est indispensable, que l'homme ne peuts'en passer.

De même, le «plaisir» désigne l'impression que produit l'acquisition de la culture. Dans un bref paragraphe, il est possible d'étudier la nécessité de la culture sur un plan pratique.

Mais ce n'est pas,loin de là, l'essentiel du sujet. Il est évident que la culture correspond à une soif de savoir qui vient du fond des âges.

Mais le mot «nourriture» estsans doute plus intéressant : il suggère le développement intellectuel, moral, spirituel de l'être à partir desconnaissances.

Il serait bon de montrer comment la lecture d'une œuvre, d'un texte a enrichi la personnalité.

Enparlant de «nourriture» l'auteur semble faire de la lecture une série de «réponses» qui apaisent l'inquiétude.

Maiscomme le dit Jean Cocteau «un beau livre c'est celui qui sème à foison les points d'interrogation ».

L'éveil àl'inquiétude forme aussi, mais alors parlera-t-on toujours de « nourriture » ? «Elle est aussi, par-dessus tout, un plaisir».

Une telle phrase insiste a priori sur «la gratuité», mais ce qui précèdecontredit cette impression.

Le plaisir est d'autant plus vif que le besoin s'en faisait plus fortement ressentir.

Unetelle perspective n'est pas négligeable.

Jean Guehenno explique comment, le soir, il découvrait, après le travail, leplaisir de la lecture.

«L'archange de la pensée» lui ouvrait des horizons insoupçonnés et l'ivresse de la liberté.D'ailleurs le maître mot du théâtre classique n'est-il pas de « plaire » et de toucher ? Le problème envisagé plus hautse retrouve ici ; le plaisir diffère suivant la valeur que l'on accorde à la culture : « abîme de science », comme l'écritRabelais, elle ouvre sur un bonheur conquérant de la découverte et du savoir.

Si elle est « une série de questions »comme le pense Ionesco et, avec lui, tout un courant de la pensée moderne, elle apporte un plaisir beaucoup plustrouble et inquiet. CITATIONS Deux définitions de la culture : « La volonté de retrouver, d'hériter et d'accroître ce qui fut la noblesse du monde.

» André Malraux. « La culture est une attitude de l'esprit qui ne résulte à aucun degré des leçons acquises...

mais qui confère bienplutôt une aptitude à apprendre.

» Fernand Robert, L 'humanisme.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles