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RÉSISTANCE (littérature de la) [1940-1944] (Histoire de la littérature)

Publié le 01/12/2018

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RÉSISTANCE (littérature de la) [1940-1944]. Le terme apparaît dès 1940 pour désigner le comportement des Français qui refusent et l’occupation allemande et la collaboration prônée par le régime de Vichy : « Le mot de Résistance, dont nous avions eu l’impertinence de faire le titre de notre bulletin clandestin, a pris corps, est devenu le nom d’une organisation, d’une institution, de la cause pour laquelle nous combattions » (Jean Cassou, allocution prononcée au musée de l’Homme, 1983). Cette « organisation » comportera notamment les Mouvements unis de la Résistance (1943), regroupant les réseaux Combat, Libération et Franc-Tireur, et le Conseil national de la Résistance (1943), placé sous l’autorité de Jean Moulin, puis de Georges Bidault.

 

Le verbe dans la guerre

 

Dès la fin des années 1930, une partie de l’intelligentsia française se retrouve autour du thème du déclin d’un Occident corrompu par les juifs ou affaibli par le parlementarisme, et que le fascisme seul pourrait régénérer. En témoignent la dénonciation par Drieu La Rochelle de la Rêveuse bourgeoisie (1937), la fascination de Brasillach pour les grand-messes nazies de Nuremberg (les Sept Couleurs, 1939), l’antisémitisme rageur de Céline (Bagatelles pour un massacre, 1937; l'École des cadavres, 1939). Avec l’occupation allemande, ces thèses se trouvent désormais au pouvoir, appuyées par les moyens de la Propagandastaffel et protégées par une censure active (liste Otto). Elles se manifestent non seulement par le livre, mais aussi par la presse (la Gerbe de Châteaubriant, Je suis partout, etc.) et sur les ondes avec le poste Radio-Paris, où Philippe Henriot et Jean Hérold-Paquis polémiquent avec les gaullistes de Radio-Londres, voix de la France libre, où s’expriment le lyrisme de Maurice Schumann aussi bien que l’humour de Pierre Dac (« Radio-Paris ment, Radio-Paris est allemand »), dans des émissions entrecoupées de « messages personnels » à l’énigmatique poésie, empruntés parfois aux grands auteurs : « Le premier accroc coûte

 

200 francs » donnera son titre à un recueil de nouvelles d’Eisa Triolet (1944); «Les sanglots longs/Des violons / De l’automne » (Verlaine) annonceront l’immi

 

nence du débarquement allié de 1944. En France même, alors que le Mariage de Figaro est interdit, Jean Anouilh fait représenter Antigone (1944), où se dit allusivement le refus de pactiser : « Dites, à qui devra-t-elle mentir, à qui sourire, à qui se vendre? Qui devra-t-elle laisser mourir en détournant le regard? »

 

Toutefois, au pilonnage idéologique et pamphlétaire des « collaborateurs », nourri de surcroît par un anticommunisme primaire après le renversement d’alliances de 1941, la Résistance oppose une réponse essentiellement d’un autre ordre : la poésie. Une poésie qui n’est « qu’un cri, un appel à la conscience, un hurlement de corps blessé, un permanent défi » (Pierre Seghers).

 

« Pour te nommer Liberté » (P. Éluard)

 

Venus du dadaïsme, du surréalisme, communistes comme Louis Aragon ou Paul Éluard, chrétiens comme Pierre Emmanuel, face à l’ennemi les « poètes de la Résistance » réalisent l’union sacrée, symbolisée par le poème d’Aragon « la Rose et le Réséda » : « Celui qui croyait au Ciel/Celui qui n’y croyait pas »... (1942). Cette unité se retrouve aussi sur le plan de l’écriture, privilégiant une forme litanique obsédante, aisément mémorisable (cf. « Liberté » d’Éluard, dans Poésie et vérité, 1942), préférant à l’attaque ouverte le lyrisme intime du combattant de l’ombre. Engagés dans le même combat clandestin dont l’hymne sera le Chant des partisans, composé par Joseph Kessel et Maurice Druon sur une musique d’Anna Marly (1943), Pierre Emmanuel, auteur de Jour de colère (1942, Alger), entretient un climat de résistance à Dieulefit (Drôme), René Char commande un maquis dans les Basses-Alpes tout en composant les poèmes qui seront regroupés dans Fureur et mystère (1948). La poésie a aussi ses martyrs : Saint-Pol Roux, mort tragiquement en 1940, auquel Vercors dédie son roman le Silence de la mer (1942); Max Jacob (cf. Derniers Poèmes en prose, posth., 1945), mort au camp de Drancy; Robert Desnos, au camp de Terezin, renvoyant en un ultime poème le reflet de l’opération Nuit et Brouillard : « Il me reste d’être l’ombre parmi les ombres, D’être cent fois plus ombre que l’ombre » (Choix de poèmes, posth., 1946). En prison, Jean Cassou conçoit ses Trente-Trois Sonnets composés au secret, qu’il publiera en 1945.

 

A la même époque, des maisons d’édition (Éditions de Minuit, etc.), de nombreuses revues diffusent clandestinement le message des résistants. En France, à Marseille, les Cahiers du Sud’, à Lyon, Confluence, Positions qui fera connaître René Tavernier, poète de la réconciliation dans un monde qui défigure le visage de l’homme; à Toulouse, Pyrénées', à Villeneuve-lès-Avignon, Poésie 40, 41, etc., dirigée par Pierre Seghers. Hors de France, à Alger, Max-Pol Fouchet anime la revue Fontaine, qui édite des textes à tirage limité (Gloire de Pierre Jean Jouve, 1942); en Suisse, Albert Béguin fonde les Cahiers du Rhône, qui publient notamment Contre-feu d’Alain Borne, un poème de la solitude humaine au sein d’une grandissante apocalypse (1942).

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« Jean Rousset).

La poésie, après une exaltation patrioti­ que qui avait su garder le courage de l'humour (cf.

«Couvre-feu» d'Eluard, dans Poésie et vérité), se tourne, servie par d'autres plumes, vers un pacifisme qui se dit sous la forme d'un bilan tragique: « Brest, dont il ne reste rien » ( « Barbara » de Jacques Prévert, dans Paroles, 1945).

Apparaît alors, rétrospectivement, la grandeur de cette littérature de la Résistance, littérature de circonstance née d'un rejet de l'oppression par l'écri­ ture -comme plus tard le samizdal en Union soviétique -, et où le discours n'a jamais servi d'alibi à l'action.

BLBL!OGRAPHIE P.

Seghers, la Résistance et ses poètes, Paris, Seghers, 1974; « la Poésie et la Résistance», Europe, n° 543-544, juillet-août 1974.. »

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