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ROLIN Dominique : sa vie et son oeuvre

Publié le 01/12/2018

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ROLIN Dominique (née en 1913). L’œuvre de Dominique Rolin, romancière née à Bruxelles (une vingtaine de livres en quarante ans), constitue un trajet de reprise et de relance exemplaire, trajet spiralé qui l’amène à cette affirmation aiguë autour de laquelle tournoie l'infini chez soi : « Attaquer la musique à la racine, rien d’autre à faire ici-bas. Tenir le coup en m’abandonnant à la folie douce de ma main droite. Être jusqu’au bout un corps-stylo fauteur de rythme ».

 

Dès les premiers écrits (nouvelles et romans), ce trajet creuse le même commencement et la même fin : l’engendrement et la dislocation de ce curieux « corps commun », la famille. Drame nucléaire à la fois tenace et infime, dont les mille ramifications ne disent que notre effort toujours raté d’arrachement et de naissance. Curieusement, ce périple autobiographique trouve son point d’orgue dans deux romans récents qui bouleversent les données du genre, puisque dans l'un (l'infini chez soi) Dominique Rolin rêve avec une acuité vibrante sa vie prénatale et que dans l’autre (le Gâteau des morts), elle imagine et projette son agonie en l’an 2000. Retourner ainsi nos lieux communs à travers un véritable travail de rêve (qui est aussi un travail de deuil), radiographier le grouillement familial planétaire à travers un seul cas extensible, le sien : voilà ce à quoi la romancière est pleinement arrivée dans ces dix romans qu’on peut appeler sa « série implacable ». Travail « exténuant » de la haine première qui cependant aboutit, avec une merveilleuse souplesse, au don d’amour qu’est l’œuvre accomplie.

« mands- : Ur, Alban, Ludegaarde, Mag, Ophélia, Gode­ liva, Durten Maarkop, Martin Berg, Hendrik Pekelha­ ring ...

On peut évidemment relier la couleur de ces noms à l'origine de la romancière ou à son désir explicite d'échapper à une atmosphère romanesque française.

Mais un rêve de jeunesse (qu'elle a rapporté dans une conférence de 1964) identifie 1 'écrivain à une jeune fi Ile qui inscrit son nom sur la première page d'un cahier : ce nom rêvé était Ludegarde, une sainte flamande ...

Avec L'ombre suit le corps ( 1950), écrit peu après l'installation de la romancière en France, commence une deuxième phase, assez longue, qui va jusqu'à Artémis (1958), ct dans laquelle nous voyons à l'œuvre une transposition au premier degré de ce même drame nucléaire et de ses variantes : transposition plus « réa­ liste », plus sobre apparemment, plus « française » (l'in­ trigue se simplifie, les noms et prénoms se sont franci­ sés).

A l'exception du Souffle (prix Femina 1952), du Gardien (1955) el de la dernière partie d'Artémis (1958), cet épisode est souvent traversé avec moins d' enthou­ siasme, précisément à cause de ce réalisme étriqué qui va, dans certains romans (les Quatre Coins, 1954) et dans certaines nouvelles (les Enfants perdus, 1952), jus­ qu'à une tentative de néo-naturalisme argotisant dans laquelle, dans les années 50, la romancière risquait de s'enliser.

Mais le Lit, paru en 1960, et qui est à plusieurs égards un livr e-p ivo t, arrive, par la densité, à enregistrer, dans ce même cadre « réaliste» qui volera bientôt en éclats, ce que Rolin elle-même a appelé une «fracture » dans sa vie : l'agonie et la mort du mari aimé.

Au creux de cette fracture vont se produire d'autres (( morts», d'autres secousses fondamentales qui oblige­ ront 1' écrivain à remettre en cause la combinatoire fami­ liale et ses transpositions, ainsi que ses propres recher ­ ches de style, abouties ou avortées.

Qu'à cela s'ajoute la découverte passionnée, ne/ mezzo del cammfn, d'une nouvelle écriture romanesque et de recherches formelles inédites n'est certes pas un élément négligeable dans cette évolution.

Il ne faudrait pas n'y voir qu'un effet de mode.

Peu concernée par la mode, Rolin est constam­ ment sollicitée par la recherche de> - écrit-elle dans l'Infini chez soi - touchent les nôtres.

Aussi va-t-elle, à travers la série implacable des romans qu'elle publie à partir de 1962, trouver et moduler avec une force de plus en plus grande son style, son rythme et son volume, con titués avant tout par une autre stratification dans 1' espace-temps de sa mémoire.

Stratification écrite et non plus simple transposition dans les différentes formes données de la « fiction ».

Après le For imérieur ( 1962), roman­ programme, roman-dessin, où foisonnent encore beau­ coup de personnages dotés de noms « inventés », la romancière entame sa descente verticale au sein du drame nucléaire et se fait franchement autobiographique.

Du même coup, on voit comment certains petits épiso­ des, certaines petites plages verbales qui parsemaient les anciens récits vont prendre du volume, comme si le volume-rythme atteint dans les Éclairs (1971 ), Lettre au vieil homme (1975), Dulie Griet (1977), l'Infini chez soi ( 1980), le Gâteau des morts (1982), la Voyageuse (1984), /'Enfant-roi ( 1986) était présent sous forme lacu­ naire, embryonnaire dans les Marais, le Souffle, etc.

Et que disent ces « plages», ces épisodes obses­ sionnels, ces « paragraphes symphoniques », sinon un désemboîtement continuel de l'espace et du temps et, du même coup, une scission dans le sujet qui écrit mais qui, parce qu'il ne renonce jamais à écrire, survole ainsi et mieux l'actualité d'un procès infini? La morbidezza du romanesque « transposé » et « doré » va céder la place à une noirceur analytique présente qui, paradoxalement peut-être, nous offre des livres à la fois plus limpides, plus difficiles et plus passionnants que les premiers.

Ici, plus de « personnages » (germanisés ou francisés) mais.

la plupart du temps, des initiales désignant des individus «réels », entourant le > implacable et pourtant « friable» de la narratrice, qui elle-même est, ne l'ou­ blions pas, Deux (roman publié en 1975).

Cependant, si désormais le lecteur retrouve constamment les initiales M.

(le mari décédé), D., F.

(le frère et la sœur) ...

, c'est aussi dans cette grande série qu'il voit surgir >, filtrage-transfert qui permet souvent l'enclenchement ou le redémarrage de l'écrit; il ne recevra un pré- ou un sur-nom que dans l'Infini chez soi : Ji m.

Enfin, et c'est un point décisif, la dernière série de romans traduit la recherche par la romancière de son propre nom.

L'indexation de la narratrice par un >, à la« génétique et [à] ses corol­ laires débilitants>> (Dulie Griet); un oui à la plongée écrite dans le « bain génétique », à la perte lucide, éveil­ lée, et constamment dite dans le labyrinthe de la« généa­ logie».

[Voir aussi BELGIQUE.

Littérature d'·expression française].. »

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