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Romain ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin

Publié le 25/02/2011

Extrait du document

(A quinze ans, Jean-Christophe donne des leçons de piano dans un château voisin à une jeune fille de son âge, d'une noble et riche famille. Christophe est pauvre, fils de très petites gens, mais fier et peu patient.)    Le petit Christophe, assis auprès d'elle, n'était pas très poli. Il ne lui faisait jamais de compliments : loin de là. Elle lui en gardait rancune, et ne laissait passer aucune de ses observations, sans réplique. Elle discutait tout ce qu'il disait; quand elle se trompait, elle s'obstinait à soutenir qu'elle jouait ce qui était marqué. Il s'irritait, et ils continuaient à échanger des impertinences. Les yeux baissés sur les touches, elle observait Christophe et jouissait de sa fureur. Pour se désennuyer, elle inventait de petites ruses stupides, qui n'avaient d'autre objet que d'interrompre la leçon et d'agacer Christophe. Elle feignait de s'étrangler, pour se rendre intéressante; elle avait une quinte de toux, ou bien elle avait quelque chose de très important à dire à la femme de chambre. Christophe savait que c'était de la comédie; et Minna savait que Christophe savait que c'était de la comédie; et elle s'en amusait : car Christophe ne pouvait lui dire ce qu'il pensait.    Un jour qu'elle se livrait à ce divertissement, et qu'elle toussotait languissamment, le museau caché dans son mouchoir, comme si elle était près de suffoquer, guettant du coin de l'œil Christophe exaspéré, elle eut l'idée ingénieuse de laisser tomber le mouchoir, pour forcer Christophe à le ramasser : ce qu'il fit de la plus mauvaise grâce du monde. Elle l'en récompensa d'un «Merci!« de grande dame, qui faillit le faire éclater. Elle jugea ce jeu trop bon pour ne pas le redoubler. Le lendemain, elle recommença. Christophe ne broncha pas : il bouillait de colère. Elle attendit un moment, puis dit d'un ton dépité :    « Voudriez-vous, je vous prie, ramasser mon mouchoir? « Christophe n'y tint plus.  «Je ne suis pas votre domestique! cria-t-il grossièrement. Ramassez-le vous-même! «    Minna fut suffoquée. Elle se leva brusquement de son tabouret, qui tomba :    «Oh! c'est trop fort«, dit-elle, tapant rageusement sur le clavier. Elle sortit furieuse.    Christophe l'attendit. Elle ne revint pas. Il avait honte de son action : il sentait qu'il s'était conduit comme un petit goujat. Aussi, il était à bout, elle se moquait de lui avec trop d'effronterie! Il craignit que Minna ne se plaignît et qu'il ne se fût aliéné pour toujours l'esprit de Mme de Kerich. Il ne savait que faire; car, s'il regrettait sa brutalité, pour rien au monde il n'eût demandé pardon.    Romain ROLLAND, Jean-Christophe, Le Matin.    sujets au choix    1) Imaginez une suite à ce texte.    2) Minna raconte la scène à une amie ou à une autre personne de son entourage.    3) Approuvez-vous la conduite de Christophe? Quelle aurait été votre attitude? Pourquoi?    4) Imaginez, à votre choix, un développement sur l'un des thèmes suggérés par le texte : l'amour-propre, la puissance de la fortune...

« — Jean-Christophe, dans l'intention de se présenter sous un jour meilleur, se force à être aimable. — Minna pousse son avantage en multipliant «les gaffes». — Le jeune musicien se contient du mieux qu'il peut; sa physionomie comme ses attitudes trahissent cependant unegrande exaspération. — N'y tenant plus : «Vous savez, mademoiselle, votre beauté et votre rang ne vous autorisent pas à m'humilier.

» — Bien qu'elle cherche à le masquer, Minna est touchée par la sincérité de Jean-Christophe. Leurs rapports, dès lors, sont modifiés... Sujet 2 « Tu sais que Maman me fait donner des leçons de piano par ce Jean-Christophe, notre voisin dont je te parlaisl'autre jour. «Ce pauvre garçon hirsute, raide comme un portemanteau dans sa redingote élimée n'a vraiment pour lui que sesdons musicaux! Tu verrais de quelle façon à table il coupe son poisson avec son couteau! «L'autre matin, j'étais particulièrement mal réveillée, les yeux encore gonflés de sommeil, l'air boudeur; je lui dis àpeine bonjour, m'installe au clavier, bien décidée à déchaîner ce jeune fauve qui interrompait ma grasse matinée. « Comme il me voyait entreprendre une série de gammes il me met sous les yeux une étude particulièrementindigeste.

Ma pauvre chérie, je n'ai jamais aussi mal joué, sautant des notes, me reprenant, tapant du pied,toussant, prétextant n'importe quoi pour quitter la pièce et revenir quelques minutes plus tard, tournant deux pagesà la fois...

Il était rouge de colère à faire peur! Il ne pouvait même plus me gratifier de ses habituelles remarquesdésagréables : tout était tellement mauvais que la critique était inutile!» Sujet 3 Si l'on s'en tient au seul extrait proposé (lequel ne rend pas compte de tous les aspects d'une histoire longuementdéveloppée dans le roman). • On doit reconnaître quelques excuses à Minna : — Jean-Christophe n'est «pas très poli». — Il est avare de compliments et souvent chicaneur. — Il est facilement irritable. — Dès lors, on est tenté de le provoquer et de l'amener à faire la preuve de son caractère impossible. • Cela dit, admettons également que Minna : — est une petite impertinente, fort rouée; — se comporte d'une manière méprisable avec ce pauvre garçon. Comment Christophe, qui est intelligent, pourrait-il se prêter à un jeu aussi humiliant pour lui? On vous demanded'imaginer votre réaction en pareille situation? Garçon ou fille, soyez assez impartial(e) dans votre distribution dereproches! Sujet 4 L'imprécision de l'énoncé de ce quatrième sujet doit vous rendre prudent. Il est en effet souhaitable que votre réflexion sur un thème n'apparaisse pas complètement étrangère au proposgénéral du texte. • L'amour-propre, la puissance de la fortune sont de vastes sujets qui trouvent ici une expression particulière etbien précise.

C'est d'elle qu'il faut partir. • L'amour-propre peut être envisagé à travers le personnage de Christophe comme une qualité assimilée à Ia~. »

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